La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Le spectacle Chu rendue là de Lise Dion, comme un rapport d’étape

C’est comme des retrouvailles. Lise Dion est de retour avec un nouveau spectacle, son quatrième en 30 ans de carrière. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle était attendue. Avant la première montréalaise cette semaine, l’humoriste avait déjà vendu 100 000 billets. Moi qui n’avais pas vu Lise Dion depuis au moins dix ans, j’ai compris pourquoi elle n’a jamais cessé d’être une artiste chouchoute des Québécois, même après quatre ans d’absence sur scène.



Le nouveau spectacle s’intitule Chu rendue là, une suite toute naturelle au titre de la tournée précédente, Le temps qui court (425 shows vus par 350 000 personnes). Depuis sa dernière apparition, Lise Dion a passé le cap de la soixantaine. Elle commence, très fort, en nous racontant ce que l’âge a changé pour elle, et à en juger par les rires en cascade que ses observations provoquent, son fidèle public est rendu là aussi. Moi inclus!

Il faut d’abord la voir se contorsionner pour s’asseoir sur le bord de la scène. Et que dire de la manœuvre pour se relever! Oui, à 60 ans, on n'a plus la souplesse qu’on avait. Ensuite, elle enchaîne, avec une lucidité et un sans-gêne que seuls les humoristes sont capables d’avoir, avec les préoccupations qu’on a tous en vieillissant. Le corps qui change, la mémoire qui flanche, la patience qui s’amenuise et les flatulences qu’on ne peut retenir.

Tous ces miroirs qu’elle nous tend font qu’on rit comme des bossus, des baleines, des malades… comme vous voulez. J’étais assis derrière Yvon Deschamps, lui aussi était crampé.

Photo: Gilbert Fortier
Photo: Gilbert Fortier

À part une petite incursion sur le système de santé dans laquelle elle suggère aux personnes âgées de commettre des mauvais coups pour se retrouver en prison plutôt qu’au CHSLD (au ChezSSLDé, comme elle dit, il y a trois repas durs et une douche par jour), Lise Dion ne fait pas dans l’humour engagé ou même à thèse. Elle est davantage dans la catégorie observatrice de la vie ordinaire, et pour ce faire elle s’inspire de sa propre vie, une recette éprouvée dans son cas.

Ainsi elle évoque son «néo-célibat gériatrique» qui vient avec la difficulté de rencontrer un homme. Elle aborde ses troubles d’insomnie, notamment sur l’air de I Drove All Night de son homonyme Céline. Elle ramène même Marcel, devenu son ex, qu’elle pourchasse jusqu’à Cuba, où il s’est rendu pour marier une autre «grassette».

Photo: Gilbert Fortier
Photo: Gilbert Fortier

Ses anecdotes ont la plupart du temps du punch et sont juste assez grivoises pour susciter l’hilarité générale. Comme lorsqu’elle raconte qu’un soir, calendrier en main, elle a appelé à la caserne pour demander qu’on lui envoie le pompier du mois de février pour sauver sa chatte en feu! Là encore, en entendant les gloussements dans la salle, on mesure la parfaite symbiose de Lise Dion avec son public, qui compte évidemment une majorité de femmes.

Nouveauté, Lise Dion intègre un personnage dans son spectacle. Nancy est une coiffeuse colorée qui a un franc-parler décoiffant et une façon frisée de s’exprimer. Cela permet entre autres à l’humoriste d’épingler, de façon bien inoffensive, le président «Ronald» Trump et sa femme «Mélanium» et Kim Jong Houle.

Si sa Nancy massacre les noms et la langue française en général, Lise Dion, elle, torture l’anglais. Cela fait l’objet d’un numéro où elle peine à se faire comprendre par les douaniers américains et l’entrepreneur venu faire des travaux dans son condo en Floride. Comme sa maîtrise de l’anglais, ce numéro est plutôt faible. Comme celui où elle raconte sa relation avec son chien.

Photo: Gilbert Fortier
Photo: Gilbert Fortier

Le spectacle d’une heure quarante se termine en chanson. Convaincue de n’avoir jamais de rôle dans Notre-Dame de Paris, parce qu’elle n’a pas le physique d’Esméralda, ou dans Mary Poppins, parce que le dispositif pour la faire voler coûterait trop cher, notre spécialiste de l’autodérision s’est inventé une comédie musicale juste pour elle. À partir de titres connus dont elle change les paroles (J’me voyais déjà de Charles Aznavour, Si j’étais un homme de Diane Tell, Laisse-moi partir de Nicole Martin), elle retrace 30 ans de numéro, des beignes du Duncan Donut au point G en passant par Marcel.

Oui, vraiment, ce spectacle a des airs de retrouvailles. On est rendus là!