Le rire de ma mère, l’immense talent de Suzanne Clément
Quel souvenir gardez-vous ou garderez-vous de votre mère? Pour Adrien, le personnage central du film Le rire de ma mère, qui prend l’affiche au Québec cette semaine, c’est précisément ça: le rire de sa mère. Le jeune adolescent a parfois un peu honte lorsque sa maman s’esclaffe, mais le jour où elle ne sera plus là, le souvenir de sa nature enjouée lui servira de moteur.
Colombe Savignac et Pascal Ralite, les réalisateurs et scénaristes de ce film français mettant en vedette Suzanne Clément dans le rôle de la mère, ont voulu raconter une histoire simple et humaine, celle d’un enfant qui doit vivre avec la perspective de la mort de celle qui l’a mis au monde. Ils se sont inspirés d’un épisode qui s’est passé dans leur vie, et ça sonne juste.
Adrien est à un âge où les enfants sont de peu de mots. Il vit en alternance chez sa mère et son père, et beaucoup dans son monde intérieur, car il peine à s’affirmer. Tout au plus demandera-t-il comment être courageux… Pour lui, vaincre sa timidité passera par le théâtre scolaire qui monte L’Oiseau bleu, une pièce de Maurice Maeterlinck dans laquelle le fameux oiseau bleu a, tiens donc, la capacité de guérir ceux qui sont malades.
Le casting a eu la main heureuse avec le jeune Igor Van Dessel. Son Adrien est plein de mystère. En voyant son visage, d’où émane le désarroi, on ne cesse de se demander comment il va se sortir de cette fatalité.
Le film s’intéresse aussi à la vie de ceux qui gravitent autour de cet enfant fragile et surprotégé. Celle de Marie, sa mère, une femme de caractère qui refuse de se laisser abattre par la maladie, et celle de Romain, son père, qui s’est refait une vie avec une autre femme, mais qui n’abandonne pas pour autant son ex.
Suzanne Clément, qui adopte l’accent français avec beaucoup de naturel, fait la démonstration de son immense talent en étant à la fois exubérante, fonceuse, protectrice, minée par la maladie, tantôt en révolte, tantôt inquiète.
On doit remercier Xavier Dolan d’avoir donné de la visibilité à cette grande actrice de chez nous. Ses rôles dans Mommy, Laurence Anyways et J’ai tué ma mère l’ont fait remarquer en dehors des frontières du Québec. Depuis, elle enrichit le cinéma, surtout français, de sa présence en faisant des choix très justes. La force du film Le rire de ma mère tient beaucoup à sa présence. Je vous mets au défi de ne pas être touché lorsque, de guerre lasse, son personnage a recours à une expression québécoise pour dire qu’elle n’en peut plus. Une belle contribution de l’actrice québécoise au scénario!
Dans le rôle du père, on découvre un Pascal Demolon très crédible dans la palette d’émotions qu’il doit jouer: inquiet pour son fils, mais sans relâcher la discipline nécessaire à l’adolescence, proche aidant pour son ex et à l’écoute de sa nouvelle partenaire qui porte son enfant, parce que la vie continue.
Vous aurez compris que c’est un film psychologique où le bonheur du cinéphile se trouve dans le fait de regarder des humains se dépatouiller avec les coups que la vie envoie. C’est un premier film avec les défauts que cela comporte, comme un récit parfois surchargé. Cependant, on ne peut pas reprocher au film de faire dans le pathos. Le climat n’est jamais lourd malgré le sujet, et malgré aussi le sombre destin qui attend Marie, car le scénario insiste sur la vie qui continue. De là l’importance du souvenir que nous laissent ceux qui nous quittent.