La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Le casse-tête de Michel Rivard

Vous est-il déjà arrivé de faire un casse-tête et de ne pouvoir le finir parce qu’il manque un morceau? C’est un peu ce que nous raconte Michel Rivard dans son nouveau spectacle solo. Sauf que dans son cas, le casse-tête, c’est une vie entière à se demander s’il est vraiment le fils de son père. L’origine de mes espèces, présentée en première cette semaine à la Licorne et à travers tout le Québec durant l’année à venir, est un spectacle intime, sensible et chamboulant.



Je viens de passer mon premier test d’ADN

Ce sont les premiers mots que Michel Rivard prononce lorsque le projecteur s’allume. Celui qu’on a connu superstar nous apparaît dans son simple appareil d’humain qui doute.

tu quêtes la vérité

à la science

comme on quête du petit change

t’as besoin de ça pour survivre

t’as besoin de la vérité

pour écraser le doute

le petit maudit doute

qui un jour s’est insinué dans ta vie

Photo: LePetitRusse

Pendant une heure quarante, alternant entre monologues et chansons inédites, l’auteur-compositeur et interprète de Libérez le trésor partage avec nous ce qu’il appelle sa «petite enquête personnelle, sa quête de vérité».

Est-ce que l’homme qui a marié sa mère, six mois après sa naissance, est bien son père? Le petit Michel est, depuis tout jeune, en droit de se poser la question. Il n’a aucune ressemblance physique avec cet homme qui pourtant joue parfaitement son rôle de père malgré le défaut de trop boire.

Michel Rivard nous offre son questionnement existentiel avec impudeur, doigté et un brin d’autodérision. On sent qu’il a longuement pétri cette matière. Les doutes, les regrets, les ressentiments personnels à l’égard de ses géniteurs et de leur époque s’expriment sans ambages, mais avec poésie.

je la trouve pathétique ta vie

maman

un premier amour qui te rejette

un autre qui doute

mais qui te marie pareil

les familles qui poussent

à l’ombre du clocher de la paroisse

la culture du silence

pis du mensonge endimanché

Photo: LePetitRusse

Pas une once de misérabilisme dans le discours. Rien du procès non plus. L’auteur, en bon fils, a même des mots pour dédouaner ses parents.

vous m’avez donné

ce que vous aviez

en cadeau à chaque jour

vous m’avez appris

tout ce que vous saviez

sauf les secrets les détours

vous m’avez aimé

chacun de vot’ côté

j’ai jamais manqué d’amour

Photo: LePetitRusse

Et le test d’ADN? Michel Rivard ne nous en livre pas le résultat de façon triviale. Presque à la fin du spectacle, dans un message sur le répondeur de l’au-delà, il dit à l’acteur Robert Rivard, mort il y a 30 ans:

j’attends toujours

ça peut être long les résultats

mais ce que je voulais te dire

c’est que de toute façon

y a rien qui va changer

jamais

j’ai décidé ça!

L’origine de mes espèces est vraiment un spectacle bouleversant qui, comme le livre Canot Western, dont je vous ai parlé dernièrement, brosse le portrait d’une époque révolue, mais qui a laissé des traces chez ceux qui l’ont vécue. Y a beaucoup de baby-boomers qui vont reconnaître le décor du récit que Michel Rivard fait de sa vie.

Et quel bonheur de retrouver cet auteur-compositeur-interprète-comédien que l’on a tant aimé, d’autant qu’il s’est fait rare ces dernières années! Sur scène, Michel Rivard est accompagné du très discret multi-instrumentiste Vincent Legault. Claude Poissant a veillé à la mise en scène de ce théâtre musical en solitaire.

Si je peux aussi aisément citer le texte de Michel Rivard, c’est qu’il a été publié par Spectra Musique et La Maison Fauve. J’ai eu la chance de lire L’origine de mes espèces avant la première. Le livre-disque permet d’apprécier la subtilité de cette écriture aussi ciselée qu’imagée, et d’entendre les 11 chansons originales du spectacle. Je vous le recommande, c’est un objet culturel en soi.

En terminant, je me trouve chanceux d’avoir vu ce spectacle au théâtre La Licorne de la rue Papineau. C’est un lieu magique pour ce genre de proposition, et la première fois que Michel Rivard s’y produisait. L’attachée de presse du théâtre m’a dit que je risquais bien d’y revenir la saison prochaine, car un autre artiste chouchou des Québécois s’y produira en solo. Je ne peux pas vous dire le nom, car l’annonce officielle n’est pas faite encore, mais surveillez le dévoilement de la programmation, une fois connu, les billets vont s’envoler rapidement, j’en suis certain.