La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Kurios du Cirque du Soleil: une boîte à surprises

Durant l’année de son 30e anniversaire, en 2014, le Cirque du Soleil avait lancé à Montréal le 35e spectacle de son histoire. Kurios était alors une curiosité, une production qui nous montrait la compagnie montréalaise sous un jour renouvelé. Plus de 2 500 représentations plus tard, après avoir été vu aux quatre coins du globe, Kurios nous revient au Vieux-Port de Montréal. Toujours aussi surprenant. À voir ou même à revoir!



Je me rappelle l’année où Kurios a été présenté en première mondiale. C’était le début de ma retraite de journaliste culturel à Radio-Canada. À l’époque, je n’écrivais pas encore pour Avenues.ca. J’avais un blogue personnel pour continuer à suivre la scène culturelle. J’y avais publié ma critique du spectacle.

Dix ans plus tard, je me suis relu et je pourrais la reprendre mot à mot tant le spectacle que j’ai vu le 30 mai dernier m’a fait le même effet qu’en 2014.

Certains des 49 artistes de la distribution ont changé, mais c’est toujours la même trame imaginée par le metteur en scène Michel Laprise, dont c’était alors le premier spectacle sous chapiteau. Il venait de travailler avec Madonna sur la tournée MDNA et proposait quelque chose de complètement différent. Une plongée dans la fin du 19e siècle, cette époque où les explorateurs présentaient leurs trouvailles dans des cabinets de curiosités, où les découvertes technologiques furent nombreuses, qu’on pense à l’électricité, au téléphone, au gramophone, aux trains à vapeur, aux vols en ballon, en avion à hélice.

Sous le grand chapiteau, on déploie un feu roulant de numéros de cirque virtuoses. Photo: Martin Girard

Alors, dans Kurios, tout est prétexte à célébrer ces inventions. Sous le grand chapiteau, on déploie un feu roulant de numéros de cirque virtuoses, de la banquine à la bicyclette aérienne, en passant par la contorsion, le duo cadre, le rola-bola.

Autant le spectacle est imprégné de l’esprit des inventions du passé, autant il est lui-même plein d’inventions.

Le numéro d’acronet, que j’avais trouvé stupéfiant en 2014, demeure un des grands rebondissements du spectacle. Les bonds que les acrobates font sur le filet qui sert généralement de protection pour les numéros aériens ne sont rien de moins que prodigieux sur ce filet tendu à l’extrême.

Le numéro d’acronet, que j’avais trouvé stupéfiant en 2014, demeure un des grands rebondissements du spectacle. Photo: Martin Girard

L’aviateur qui se tient en équilibre sur son rola-bola monté sur une structure aérienne qui balance, ça aussi c’est du jamais vu, et on en redemande! L’artiste s’amuse d’ailleurs à nous donner des émotions fortes.

L’aviateur qui se tient en équilibre sur son rola-bola monté sur une structure aérienne qui balance, c’est du jamais vu! Photo: Mathew Tsang

Un des clous du spectacle demeure le numéro d’équilibre sur chaises. Souvent redondant, ce moment où l’acrobate se tient en équilibre sur des chaises empilées les unes sur les autres devient tout autre chose lorsqu’on réalise que l’exploit est dupliqué par un équilibriste qui fait la même chose à partir du plafond. La tête en bas! Un effet miroir saisissant.

L’équipe de concepteurs que Michel Laprise a constituée a aussi fait preuve d’une imagination débordante.

Une main mécanique géante (750 livres à déplacer) sert de tréteau aux contorsionnistes. Photo: Martin Girard

Stéphane Roy, vieux routier du Cirque du Soleil, a créé un plateau où tout peut arriver: locomotive, ballon dirigeable, avion, même une main mécanique géante (750 livres à déplacer) qui sert de tréteau aux contorsionnistes. Tout est mécanique!

On compte au total plus de 400 accessoires. On n’a pas assez de nos deux yeux pour tout voir.

Même chose pour les costumes. Il y en a une centaine, confectionnés par Philippe Guillotel. Ils sont à la fois un hommage au chic de la Belle Époque et une vision hallucinée de cette période.

Accessoires, costumes, décors, artistes... on n’a pas assez de nos deux yeux pour tout voir! Photo: Martin Girard

Petits et grands sont émerveillés de voir sortir du gilet de M. Microcosmos une lilliputienne nommée Mademoiselle Lili. L’artiste biélorusse qui tenait ce rôle à la création du spectacle a pris sa retraite. C’est une Australienne de 41 livres qui lui succède, du haut de son – tout juste – un mètre de taille, ce qui fait d’elle une des 10 plus petites personnes au monde.

Le clown David-Alexandre Després qui m’avait fait tant rire avec son cirque invisible et son imitation de chat n’est plus de la distribution lui non plus, mais ses numéros sont restés. Toujours aussi absurdes et efficaces auprès du public.

La distribution demeure très diversifiée. Les 122 membres de la tournée viennent de 23 pays différents.

Russes, Ukrainiens et Biélorusses se côtoient dans cette production. Dans le fabuleux numéro de banquine qu’ils nous offrent, pas de place pour l’inimitié quand il faut réceptionner un voltigeur sur ses épaules.

Par ailleurs, l’équipe de concepteurs a rarement été aussi francophone. En plus de Stéphane Roy à la scéno et aux accessoires, et Philippe Guillotel aux costumes, on note la présence de Chantal Tremblay à la direction de la création, Martin Labrecque aux éclairages, Jean-Michel Caron et Jacques Boucher à la conception sonore, Raphaël Beau, ainsi que Bob et Bill à la musique, Ben Potvin, Yaman Okur, Sidi Larbi Cherkaoui aux chorégraphies, Susan Gaudreau, Boris Verkhovsky et Germain Guillemot à la conception acrobatique.

Cela mérite d’être mentionné. Malgré son nouvel actionnariat, le Cirque du Soleil demeure une multinationale montréalaise.

D’ailleurs, ça fait plaisir de voir ce géant de l’industrie du cirque retrouver son panache après la poisse de la pandémie. Kurios fait certainement partie de ses plus grandes réussites. Il aurait été dommage que ce spectacle disparaisse. Voilà qu’il a encore une belle vie devant lui. Le chapiteau blanc et jaune du Cirque du Soleil est planté au Vieux-Port de Montréal jusqu’au 25 août.