Il était une fois… dans l’Est
Pour ce retour aux affaires après deux mois de pause estivale, permettez-moi de faire une chronique inspirée de Fanfreluche avec quelques beaux contes à ma manière. Ils commenceront tous par sa célèbre entrée en la matière: il était une fois.
Il était une fois une poupée bien-aimée des Québécois qui se trouva, l’été venu, joliment représentée avec ses pommettes rouges dans une murale du céramiste Laurent Gascon.
L’homme, maître dans l’art de faire des mosaïques, en est à sa 16e murale. Avant de faire apparaître Fanfreluche à l’angle des rues Ontario et Wurtele, l’artiste a disséminé de la joie dans l’est de Montréal avec des murales de Picolo, Madame Bolduc, Yvon Deschamps et une douzaine d’autres toutes plus colorées les unes que les autres.
C’est avec en tête ces images de figures légendaires que j’ai poursuivi ma route vers une nouvelle aventure.
Il était une fois des papillons amants batifolant au Jardin botanique
Eh oui, Espace pour la vie propose de nouveau une féérie de couleurs dans son magnifique Jardin de Chine. Cette année, l’étang brille grâce aux deux papillons les plus célèbres de la culture chinoise, Liang Shanbo et Zhu Yingtai, dansant dans un jardin luxuriant de fleurs et de nénuphars. Les amants papillons sont tellement fameux qu’un concerto pour violon a été composé en leur honneur. Vous l’entendrez en admirant ces sculptures lumineuses et leur réflexion dans l’eau noire du bassin.
Au Jardin de Chine, on retrouvera aussi les figures auxquelles la Magie des lanternes nous a habitués au fil ans: dragons, serpents, pandas, poules et coqs. Toujours aussi féérique!
Avant d’arriver dans cette apothéose de couleurs, l’événement Jardins de lumière 2023 nous plonge dans deux univers complètement différents.
Le parcours commence au Jardin japonais, plongé dans une pénombre savamment organisée pour mettre en valeur certains détails de cette nature manucurée. C’est ce qui s’appelle commencer notre visite en mode zen.
Alors qu’on a bien perdu toutes nos facultés de géolocalisation, on s’enfonce dans les bois à la rencontre de la culture autochtone. Le contexte est mystérieux à souhait, accentué par une bande sonore qui reproduit les sons, parfois inquiétants, de la forêt. À travers des bancs de brouillard fabriqués pour l’occasion, les arbres qui nous entourent deviennent des ombres mystiques, et des voix se font entendre. Ce sont les mots de la poétesse Joséphine Bacon, les chants de Moe Clark, qui nous parlent de la Lune qui impose son rythme à la vie. Notre déambulation s’achève sur un tableau qui émerveille petits et grands: une sorte de chaudron magique qui capte ou diffuse la lumière selon l’interprétation qu’on voudra donner à cette magie.
Pour visiter Jardins de lumière, il faut réserver ses billets à une heure fixe. Sachez qu’il fait très noir dans les deux premiers parcours. Je vous suggère aussi d’être bien chaussé et de peut-être apporter, par précaution, un chasse-moustiques. L’événement se poursuit jusqu’au 31 octobre.
Il était une fois deux frères qui vécurent une vie de château à Montréal
Oscar et Marius, voulant la plus belle des demeures, firent appel, au début du siècle dernier, à Guido Nincheri (1885-1973) pour qu’il décore leur maison. Les frangins Dufresne avaient de grandes ambitions, car ils avaient fait construire leur palais, angle de Sherbrooke et Pie-IX, à l’image du Petit Trianon.
Les maîtres actuels de ce château de l’Est montréalais rendent présentement hommage à ce décorateur né à Florence, en Italie, et arrivé à Montréal en 1914.
L’exposition qu’on lui consacre s’intitule Nincheri. Du profane au sacré.
C’est que Nincheri (prononcer le ch comme un k) s’est d’abord fait un nom en mettant son talent au service des communautés religieuses et des paroisses avides d’églises nouvelles. La liste des lieux de culte qui ont bénéficié de sa signature est hallucinante. Sur un mur du musée, on a dressé une liste sommaire. Ça va de l’église Saint-Viateur d’Outremont à l’oratoire Saint-Joseph de Québec, en passant par la basilique Saint-Patrick, l’église Saint-Antoine-de-Padoue d’Ottawa, et l’église Précieux-Sang de Saint-Hyacinthe.
Il réalisera même les verrières de la bibliothèque Saint-Sulpice de Montréal, et de la bibliothèque de l’Assemblée nationale à Québec.
L’intérêt de cette visite, c’est qu’elle permet de voir les deux facettes de l’artiste. Lorsqu’il décore des églises, Nincheri répond aux commandes des ecclésiastiques en leur donnant l’iconographie attendue, c’est-à-dire des saints, des anges, des vierges Marie, des christs, et tutti quanti.
La collection du musée est d’une telle richesse qu’on peut voir en détail les étapes menant aux œuvres qui existent toujours dans les églises où Nincheri s’est exécuté. Les dessins préparatoires exposés sont d’une précision maniaque. On nous raconte, artefacts à l’appui, sa minutie à créer des vitraux comparables, par leur luminosité, à ceux du Moyen-Âge. On voit l’appareil utilisé pour projeter sur les murs, en les grossissant, les esquisses des fresques qui seront peintes. Mentionnons en passant que celui qu’on surnommait le Michel-Ange du Québec a été le premier à faire des fresques à l’italienne (affresco) dans les églises canadiennes.
Évidemment, il est aussi question de cette fresque qui lui a valu trois mois de prison. En 1940, le gouvernement du Canada le soupçonne d’avoir des sympathies pour le duce italien Benito Mussolini parce qu’il l’a représenté sur la voûte de l’église Notre-Dame-de-la-Défense, angle Dante à Montréal. Il sera libéré lorsqu’il sera démontré qu’il avait alors répondu à une demande insistante du commanditaire de l’œuvre.
Après s’être plongé dans cette exposition temporaire, le visiteur est invité à faire le tour de la maison pour découvrir l’autre facette de Nincheri, celle où l’artiste, travaillant pour les frères Dufresne, pouvait laisser aller son inspiration sans crainte d’être censuré.
On retrouve, dans les peintures murales qui ornent les nombreuses pièces de la maison, une galerie de personnages vaporeux et dévêtus, loin des images saintes des églises. Quand on voit le nombre de peintures et de verrières disséminées dans la demeure, on comprend qu’il a fallu près de 18 ans à Nincheri pour compléter son contrat.
On s’étonne aussi du fait qu’à une certaine époque le château ait pu devenir, avec tous ces nus, le Pavillon Dufresne, une annexe rattachée au Collège Sainte-Croix. Au fil de la visite, on nous révèle que ces peintures murales ont été cachées de la vue des étudiants.
On apprendra aussi que le Château Dufresne, après avoir accueilli la première mouture du Musée d’art contemporain de Montréal (de 1965 à 1968), a été un jour abandonné et livré aux vandales. Merci à la fondation MacDonald Stewart d’avoir sauvé le bâtiment après qu’il eut été classé par le gouvernement québécois en 1976.
N’est-ce pas que l’histoire du Château Dufresne ressemble à un conte de fées? Et je ne vous ai pas tout dit!
Il était une fois une fête réunissant (presque) tous les pays du monde autour d’un idéal
En 1976, le stade olympique de Montréal recevait les meilleurs athlètes du monde pour la 21e olympiade des Jeux modernes. Ils se mesurèrent entre eux sous le drapeau de leur pays d’origine. Depuis lors, on hisse, chaque année, du 17 juillet au 1er août, les drapeaux originaux des 93 pays participants. On appelle ça le pavoisement historique.
Depuis le 2 août, le Parc olympique est en mode pavoisement contemporain. Si vous vous rendez sur l’Esplanade, qui donne sur Pie-IX, vous verrez autant de drapeaux, mais dans leur version contemporaine. C’est que le monde a changé depuis 1976. Plusieurs étendards aussi.
Également au nombre des drapeaux qui flottent, ceux du Québec, de la Ville de Montréal, de la Confédération iroquoise (présente à la cérémonie de clôture en 1976) ainsi que le logo des Jeux de Montréal. Mais pas de drapeau de la Russie actuelle. Le Parc olympique souhaite être en conformité avec la décision du Comité international olympique (CIO) concernant le pays de Poutine.
Il n’y avait pas de vent lors de ma visite. Je vous souhaite qu’Éole soit plus présent lors de la vôtre et qu’il souffle plus haut, plus fort, plus vite, comme le veut la devise olympique. Les drapeaux sont hissés en permanence, à vous de choisir votre journée pour bénéficier de la meilleure expérience vexillologique.
FIN
Pour terminer cette chronique à la manière de Fanfreluche, revenons à elle pour avoir la plus belle des fins. Le saviez-vous, ce personnage, né au théâtre, aura 70 ans l’an prochain? Quant à celle qui l’a créé et déposé dans nos cœurs, Kim Yaroshevskaya, elle aura 100 ans le 1er octobre. Bon anniversaire à cette artiste qui a été, ne l’oublions pas, beaucoup plus qu’un seul personnage dans sa vie.