La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Hochelega – Montréal en mutation: une exposition couleur du Musée McCord Stewart

Le quartier Hochelaga à Montréal n’aura jamais été aussi coloré qu’au Musée McCord Stewart. L’exposition Hochelaga qu’on y présente ce printemps, et jusqu’au 10 septembre, n’est ni plus ni moins qu’une lettre d’amour de la photographe et documentariste Joannie Lafrenière à son quartier d’adoption.



L’exposition «Hochelaga» présentée au Musée McCord Stewart n’est ni plus ni moins qu’une lettre d’amour de la photographe et documentariste Joannie Lafrenière à son quartier d’adoption. Photo: Claude Deschênes

Il y a quatre ans, le Musée McCord Stewart lançait une toute nouvelle initiative : un programme de commandes photographiques pour témoigner de la transformation des quartiers montréalais. Le photographe Robert Walker a cassé la glace en 2019 avec une première exposition articulée autour de sa vision d’un quartier Griffintown en pleine reconstruction.

Pour le deuxième volet de ce programme, le musée a invité Joannie Lafrenière à braquer son regard sur un coin de Montréal typiquement francophone qui subit aussi sa part de transformation, mais de manière plus subtile.

Quand Joannie Lafrenière se balade avec son appareil photo sur la Promenade Ontario, dans les rues Sainte-Catherine ou Notre-Dame Est, elle ne le fait pas comme une touriste : c’est son milieu de vie depuis 18 ans! Photo: Claude Deschênes

Quand Joannie Lafrenière se balade avec son appareil photo sur la Promenade Ontario, dans les rues Sainte-Catherine ou Notre-Dame Est, elle ne le fait pas comme une touriste : c’est son milieu de vie depuis 18 ans! Elle en connaît tous les coins et recoins. Au fil des ans et au gré de ses déambulations, cette artiste au tempérament de travailleuse sociale a tissé des liens avec la serveuse du casse-croûte où elle déjeune, le fleuriste qui la fournit en bouquets, le réparateur de vélo philosophe, le barbier qui confesse tout un chacun, l’itinérant qui campe dans un conteneur sur le bord de la voie rapide, les danseurs du dimanche au marché Maisonneuve.

Danseurs du dimanche au marché Maisonneuve. Photo: Claude Deschênes

Bien plus qu’à une exposition de photos, c’est donc à une visite du quartier qu’elle nous convie pour y rencontrer ces personnages qui donnent tant de caractère à la vie dans Hochelaga. On reconnaît bien là la documentariste humaine et engagée qui nous a donné récemment le magnifique film Gabor, sur le photographe Gabor Szilasi.

Bien plus qu’à une exposition de photos, c’est à une visite du quartier que Joannie Lafrenière nous convie. Photo: Claude Deschênes

Avec le scénographe Pierre-Étienne Locas, Joannie Lafrenière a créé un parcours déambulatoire qui mène vers différentes petites salles intimes où le visiteur fait la connaissance de Michel, Diane, Renaud, Mme Grandchamp, etc. On y entend leurs confidences sur la vie dans Hochelaga. Plusieurs documents ont été tournés en vidéo, d’autres sont uniquement sonores.

Avec le scénographe Pierre-Étienne Locas, Joannie Lafrenière a créé un parcours déambulatoire qui mène vers différentes petites salles intimes où le visiteur fait la connaissance de Michel, Diane, Renaud, Mme Grandchamp, etc. Photo: Claude Deschênes

La photographe se prête elle-même à cette mise en scène en nous révélant l’intimité de son bureau de travail.

La photographe nous révèle l’intimité de son bureau de travail. Photo: Claude Deschênes

Dans cette présentation extrêmement attrayante, tout a été minutieusement pensé. Les couleurs vives des murs s’agencent aux couleurs dominantes des clichés exposés. Les formats de photos sont variés, le polaroid côtoie la photo géante. L’anonymat des personnes représentées en situation de vulnérabilité est respecté.

Car il faut le dire, même si Joannie Lafrenière célèbre son quartier avec amour et couleur, elle ne s’empêche pas non plus de montrer que la vie peut y être difficile, surtout pour les marginaux.

Même si Joannie Lafrenière célèbre son quartier avec amour et couleur, elle ne s’empêche pas non plus de montrer que la vie peut y être difficile, surtout pour les marginaux. Photo: Claude Deschênes

« Je ne voulais pas que ce soit une exposition avec juste des photos dans des cadres, explique Joannie Lafrenière. On a volontairement évité d’avoir des cartels. J’ai pensé aux gens d’Hochelaga qui viendraient se voir au musée, une première visite au McCord peut-être, et je voulais qu’ils se reconnaissent, qu’ils se sentent en terrain connu. »

L’idée poursuivie par le Programme de commandes photographiques Montréal en mutation est de maintenir à jour la collection du Musée McCord Stewart. Depuis que William Nottman a photographié Montréal sous toutes ses coutures, on peut dire qu’il n’y a pas meilleur support que la pellicule photographique pour immortaliser les différentes incarnations de la métropole.

On peut dire qu’il n’y a pas meilleur support que la pellicule photographique pour immortaliser les différentes incarnations de la métropole. Photo: Claude Deschênes

Cette nouvelle commande du Musée McCord Stewart aura notamment permis de garder un souvenir du fleuriste Pierre-André Jacob, qui a tenu boutique au 3747, Ontario Est pendant plus de 35 ans avant de vendre son commerce en 2021.

Cette nouvelle commande du Musée McCord Stewart aura notamment permis de garder un souvenir du fleuriste Pierre-André Jacob, qui a tenu boutique au 3747, Ontario Est pendant plus de 35 ans. Photo: Claude Deschênes

Autre exemple, Joannie Lafrenière nous disait que la mythique enseigne du casse-croûte La Québécoise, qu’on voit dans l’exposition, a été retirée il y a quelques jours de la façade du 3520, Ontario Est. Heureusement, sa photo l’a immortalisée dans toute sa splendeur par un jour de grand soleil.

La mythique enseigne du casse-croûte La Québécoise, qu’on voit dans l’exposition, a été retirée il y a quelques jours de la façade du 3520, Ontario Est. Photo: Claude Deschênes

Dans la salle consacrée à Yvon et à Lise, on peut réaliser comment Hochelaga a changé au cours des 50 dernières années en restant quand même proche de son ADN.

On peut réaliser comment Hochelaga a changé au cours des 50 dernières années en restant quand même proche de son ADN. Photo: Claude Deschênes

Ce couple a documenté la vie de son quartier en le photographiant sur une période de 50 ans. La mosaïque que Joannie Lafrenière a créée à partir de son travail est très évocatrice de cette transformation dans la continuité.

La mosaïque que Joannie Lafrenière a créée à partir du travail de Lise et Yvon.

Mentionnons aussi la contribution de Benoit Bordeleau qui, par ses mots, relie ensemble ces différents tableaux, conférant à l’ensemble une touche poétique du meilleur effet.

Par ses mots, Benoit Bordeleau relie ensemble ces différents tableaux. Photo: Claude Deschênes

Joannie Lafrenière souhaite que les résidents d’Hochelaga se déplacent en grand nombre pour voir son exposition. L’artiste espère aussi que sa proposition incitera le public qui ne connaît pas ce quartier à aller à sa découverte.

L’artiste espère que sa proposition incitera le public qui ne connaît pas ce quartier à aller à sa découverte. Photo: Claude Deschênes

Le visiteur peut repartir chez lui avec un souvenir d’Hochelaga dans ses poches puisque le Musée McCord Stewart publie un livre sur cette exposition. L’ouvrage, vendu 18 $, compte plus d’une quarantaine de photos, des témoignages de résidents du quartier et des poèmes de Benoit Bordeleau.