Heureux d’un printemps qui nous ramène le Festival international du film sur l’art
Le mois de mars, c’est le mois qui nous amène le printemps. C’est aussi le mois qui nous ramène, depuis 39 ans, le Festival international du film sur l’art (FIFA). Cet événement est une fête dont le menu est toujours aussi copieux qu’un dîner à la cabane à sucre. Et cette édition n’y manque pas.
Du 16 au 28 mars, ce n’est pas moins de 249 films (courts et longs-métrages) de 41 pays que le FIFA propose, dont 133 en compétition officielle.
Comme l’an dernier, toute la programmation peut être visionnée de la maison, quel que soit l’endroit où on habite au Canada. Le passeport qui donne accès à tous les films se vend 39$, un prix qui défie toute concurrence en regard de la qualité de la programmation qui est offerte.
Devant l’abondance, permettez-moi d’être votre guide, car j’ai déjà eu la chance de voir quelques films aux fins de cet article.
La folle aventure de Louis de Funès
J’ai d’abord jeté mon dévolu sur un documentaire racontant l’histoire d’une idole d’enfance: Louis de Funès. La réalisatrice Lucie Cariès retrace avec moult extraits de films et d’entrevues la vie de cet acteur comique qui nous a tant fait rire avec ses films Rabbi Jacob, La grande vadrouille, Les gendarmes, Fantomas, etc.
Louis de Funès a connu la gloire dans les années 1960 alors qu’il avait plus de 50 ans. Le film rappelle combien le chemin pour atteindre ce statut a été long et parsemé d’embûches, le comédien devant se contenter de rôles de figuration mal payés et d’engagements comme pianiste dans les bars pour survivre.
Le jour où le public l’adopte, il devient une «diva» qui impose ses vues aux réalisateurs et aux collègues de jeu avec lesquels il travaille. Pour lui, faire rire, c’est du sérieux, il sait que sa recette est infaillible, et c’est pourquoi il l’impose.
Sans complaisance, le film nous montre l’homme tel qu’il est, impitoyable et revendiquant des valeurs plutôt conservatrices, politiquement de droite. En fait, il n’est pas loin des personnages qu’il incarne. Son talent est de les rendre sympathiques même s’ils sont ignobles.
Par ailleurs, dans sa vie privée, Louis de Funès apparaît comme un précurseur de la pensée environnementaliste, un gentleman farmer qui trouvait un apaisement dans l’entretien des jardins de son château.
Bref, La folle aventure de Louis de Funès révèle un être complexe, inquiet, semblant vivre difficilement avec la notoriété. Un portrait extrêmement intéressant, très proche de la biographie Louis de Funès, petites et grandes vadrouilles, que Jean-Marc Loubier a publiée chez Robert Laffont en 2014, l’année de son centenaire.
Charlie Chaplin, le génie de la liberté
Je n’ai pas eu le temps de le voir encore, mais c’est le prochain sur ma liste: Charlie Chaplin, le génie de la liberté. Le programme du FIFA nous dit que ce film de deux heures et demie, signé Yves Jeuland, est «le premier documentaire entièrement constitué d’archives et consacré à Charlot». La narration est assurée par le comédien Mathieu Amalric. Ça promet!
Marielle, Rochefort, Noiret: les copains d’abord
Restons dans le genre portrait d’acteurs avec un film qui nous en offre trois d’un coup: Marielle, Rochefort, Noiret: les copains d’abord. Patrick Forneri fait le récit d’une amitié entre ces trois comédiens provinciaux devenus des monuments du cinéma français. L’extrait fourni fait envie.
Fellini fine mai
Les fans de Federico Fellini voudront voir Fellini fine mai, un portrait intime réalisé par Eugenio Cappuccio, qui a été collaborateur du grand réalisateur italien sur Ginger et Fred. En italien, avec sous-titres anglais.
Boulogne-Billancourt, le temps des studios
Restons dans le domaine du cinéma. J’ai vu Boulogne-Billancourt, le temps des studios, un documentaire qui s’intéresse à ces deux temples de la production cinématographique française.
Du début des années 1920 aux années 1990, il s’est tourné à Boulogne et Billancourt plus de 3000 films, que l’on pense à Napoléon d’Abel Gance, Casque d’or de Jacques Becker, La grande vadrouille de Gérard Oury, César et Rosalie de Claude Sautet ou Le Grand Blond avec une chaussure noire de Yves Robert. C’est un bonheur de revoir des extraits de tous ces films. En ces murs, on a reconstruit, pour Marcel Carné, l’Hôtel du Nord et le canal qui se trouve devant, la devanture de Notre-Dame de Paris pour Jean Delannoy, une forêt de chênes centenaires pour le film Juliette ou La Clé des songes. Fin des années 1970, les lieux seront réquisitionnés pendant un an pour le tournage de Moonraker, le 11e James Bond.
Au fil des ans, les artisans qui y travaillent, de père en fils, accumulent une grande expertise dans la fabrication de films. Quelques-uns en témoignent avec ferveur. Cela n’empêchera cependant pas cette culture de la superproduction en studio de s’éteindre lorsqu’une nouvelle génération de réalisateurs préfèrera les tournages dans des décors naturels avec une technique plus légère.
Les studios de Boulogne et de Billancourt auront réussi à passer à travers les crises de vedettes, les soubresauts économiques, la Deuxième Guerre et l’occupation allemande, mais ils rendront les armes devant la télévision et les nouvelles technologies. Rien pour aider, les deux studios mythiques seront le théâtre d’incendies catastrophiques. En cela, le film de Bernard Louargant, qui contribue à préserver le souvenir de cette époque glorieuse, mérite d’être vu.
Le Louvre déménage
Mon coup de cœur va pour le moment au film Le Louvre déménage. Un documentaire qui a tout du suspense.
Dès les premières minutes, nous sommes confrontés à une éventualité: que se passerait-il si les eaux de la Seine s’infiltraient dans les voûtes du Musée du Louvre, où se trouvent les réserves qui contiennent près de 150 000 œuvres aussi précieuses que fragiles? La question n’est pas anodine.
À Paris, la grande crue de 1910 a vu le niveau de la Seine atteindre 8 mètres 62 et inonder les sous-sols du musée. Un peu plus de cent ans plus tard, la pluie incessante de juin 2016 fait craindre le pire, et nous en sommes témoins. L’équipe des réalisateurs Mikaël Lefrançois et Agnès Molia filme en direct la grande opération qui consiste à transporter les trésors les plus fragiles des sous-sols menacés d’inondation aux salles d’expositions des étages supérieurs. Pendant trois jours et trois nuits, une grande partie des 2 300 employés du Louvre se mobilisent pour cette corvée. C’est un ballet millimétré qui s’exécute dans un calme qui tranche avec l’urgence qui règne, et l’idée qu’on se fait du tempérament bouillant des Français. Après avoir atteint 6 mètres 10, le niveau du fleuve redescend. La catastrophe a été évitée, mais le film ne s’arrête pas là.
Décision est prise de trouver un nouveau lieu pour accueillir les réserves du Louvre, celles consignées dans les sous-sols et les autres disséminées dans des lieux secrets de la ville de Paris. Ce sera à Liévin, à 200 kilomètres au nord de Paris. On suit, les yeux écarquillés, cette quête parsemée d’embûches et pleine de rebondissements. C’est une course contre la montre. Il faut convaincre les conservateurs réfractaires à l’idée d’une telle transhumance, construire un espace de 20 000 mètres carrés le plus vite possible et préparer le déménagement, le plus important que le Louvre va connaître depuis celui de la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque, 4 000 objets avaient été évacués avant l’arrivée de l’armée d’occupation allemande. On est de nouveau ébahi devant la minutie mise à accomplir cette tâche herculéenne. Je vous mets au défi de rester de marbre devant le déplacement des statues d’Héraclès et de Dyonisos qui font chacune 3 mètres de hauteur et 1 tonne en poids. Et que dire du transport de ces colonnes de marbre rapportées de Grèce, d’Égypte ou de Turquie par les rois de France et Napoléon, des vestiges pesant plus de 2 tonnes qui croupissaient depuis des années, couchées dehors dans un fossé le long de la Seine?
Après nous avoir donné des palpitations, le film se termine avec un happy ending, comme diraient les Français, l’inauguration du nouveau centre de conservation du Louvre où reposent désormais au sec et à une température contrôlée près de 250 000 œuvres qui racontent l’histoire de l’humanité.
Comme une vague
Il y aurait tant d’autres films à vous recommander sur Chagall, Modigliani, le sauvetage de Notre-Dame de Paris, l’architecte Frank Llyod Wright, le Vatican! Des productions d’ici aussi, mettant en vedette Catherine Major, le chanteur Bori, les 50 ans du Vidéographe ou, en première mondiale, le documentaire Comme une vague de Marie-Julie Dallaire, avec entre autres Patrick Watson.
Fouillez le site internet du FIFA, fort bien fait, allez-y au gré de vos goûts, ça vous changera des contenus de Netflix, Crave, Illico ou Tout.TV. Comme si c’était Les beaux dimanches tous les jours!