Le grand bain, un film qui fait un grand bien
Voilà un film qui arrive comme une panacée en ce mois de novembre trop gris. Le grand bain, dans un cinéma près de chez-vous à compter du 9 novembre, fait un grand bien.
Dans Le grand bain, premier film que Gilles Lellouche (pas Claude Lelouch, Gilles) signe seul, il y a une bonne histoire, de bons acteurs, et ma foi, il doit bien y avoir un peu de chlore aussi, car j’en suis sorti avec les yeux rouges!
Le titre anglais du film, Sink or Swim, que je traduirais par Nage sinon tu sombres, donne une meilleure idée du programme.
C’est l’histoire d’un groupe d’hommes largués par la vie. Aigri, désarçonné, dépressif, désillusionné, chacun est un cas. Et qu’est-ce qu’ils font pour redonner un élan à leur existence? Une chose improbable: de la nage synchronisée! Je dis improbable parce que ce n’est pas le choix le plus évident quand on traîne autant de casseroles qu’eux. Il leur faudra combattre les préjugés qui viennent avec la pratique de ce sport réservé aux femmes et travailler extrêmement fort pour avoir le moindre petit résultat.
Nos huit nageurs synchronisés trouveront la force pour y arriver dans une forme d’écoute mutuelle qu’on pourrait qualifier de très masculine, en ce sens qu’on se raille beaucoup entre camarades, dans un abandon total aux griffes de leurs entraîneuses et finalement dans l’espoir de remporter une compétition internationale sous les couleurs de la France.
Dans ce film choral, il y a plusieurs destins tragiques: un travailleur en dépression depuis son licenciement, un fils abominablement dénigré par sa mère, un musicien qui n’a jamais eu de reconnaissance. Chez les entraîneuses, une combat l’alcoolisme, l’autre est paraplégique. Ça vous semble lourd? Ce ne l’est pas parce que dans Le grand bain, Gilles Lellouche sait faire flotter cette misère de la vie grâce à des répliques savoureuses et des situations loufoques qui sont autant de bouées pour le spectateur. Ainsi, on s’attache aux personnages et on souhaite leur réussite. Et bien sûr, ça finit bien, comme tout bon feel good movie, même français.
En France, le film a pris l’affiche le 24 octobre. Il a attiré plus d’un million de spectateurs en cinq jours. Un résultat qui annonce un immense succès. Il faut dire qu’en plus de la réalisation très habile et sensible de Gilles Lellouche, Le grand bain repose sur une distribution extraordinaire. Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine et Jean-Hugues Anglade, pour ne mentionner que les plus connus, sont impeccables revêtus de leurs seuls speedos. Aucun de ces acteurs n’a été retenu pour son corps d’Apollon et c’est ce qui fait qu’on croit d’autant plus à cette fable moderne basée sur un schème qui reprend le proverbial quand on veut, on peut. Et parce qu’on est en 2018, ce sont les femmes qui font que ça se peut. De beaux rôles pour Leïla Bekhti, Virginie Efira et Marina Foïs.
Est-ce que ce film entraînera des vocations? En 2017, 2500 personnes pratiquaient la nage synchronisée au Québec, dont seulement 10 garçons. Le grand bain a fort à faire pour renverser la vapeur. En tout cas, si les hommes se mettent à la nage synchronisée, ce sera un retour des choses, car dans la Grèce antique, ce sont les hommes qui s’adonnaient à cette discipline. En 1891, à Berlin, la première compétition de nage ornementale, comme on l’appelait à l’époque, s’est disputée entre hommes seulement. C’est l’arrivée d’une femme, l’Australienne Annette Kellerman, en 1907, qui sonnera le glas de la présence masculine. Son type de ballet aquatique a amené une grâce incompatible avec le scientific swimming des hommes d’alors.