Virée au pays des Cowboys fringants
Le Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny a ouvert ses portes en 2015 et je n’y avais encore jamais mis les pieds. Il a fallu qu’on y présente une exposition sur les enfants chéris de la place, les Cowboys fringants, pour que je fasse le déplacement. J’ai alors découvert plus qu’une exposition: un espace culturel tout neuf et d’une grande richesse. Attachez votre tuque, on part!
L’Espace culturel de Repentigny, c’est l’équivalent pour la municipalité de Repentigny du Quartier des spectacles pour Montréal. Au fil des ans, on a regroupé en un même lieu, au centre de la ville, une salle de spectacle (le Théâtre Alphonse-Desjardins, inauguré il y a un an), un centre d’art (Diane-Dufresne), une bibliothèque (Robert-Lussier), l’hôtel de ville, deux parcs (Charles-De Gaulle et de l’Île-Lebel). Et au milieu de tout ça, un vestige du patrimoine: l’église de la Purification-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie (érigée en 1725) et son cimetière.
Peut-être que les Cowboys fringants n’auraient jamais vu le jour si ces infrastructures culturelles de haut niveau avaient existé lorsque les Dominique Lebeau, Jérôme Dupras, Marie-Annick Lépine, Jean-François Pauzé et Karl Tremblay étaient adolescents. On sait combien la banlieue qu’ils ont décrite dans leurs chansons ne ressemble pas au havre de culture qu’est devenu le chef-lieu de la région de Lanaudière.
Toujours est-il que 25 ans après l’apparition du premier enregistrement sur cassette des Cowboys fringants, le groupe a droit à une exposition retraçant un quart de siècle d’une carrière remplie de succès, en quintette d’abord, et en quatuor ensuite, depuis le départ de Domlebo en 2007.
L’exposition se décline en différents axes. On a notamment une ligne du temps qui permet de voir en parallèle les grands moments de l’actualité qui ont influencé les membres du groupe (les défaites référendaires, le Sommet des Amériques, les attentats du 11 septembre 2001, le Printemps érable, la grève des jeunes pour le climat, etc.) et les moments qui ont forgé leur notoriété (les Félix, le premier Centre Bell, les spectacles en France, les concerts avec l’OSM, etc.). Quand on parcourt cette chronologie, on réalise à quel point les Cowboys fringants sont, dans l’histoire des groupes québécois, dans une catégorie à part.
Un comité scientifique constitué de sept membres vient corroborer cette impression. Des citations tirées de leur réflexion sont affichées aux murs de cinq salles thématiques pourvues d’écouteurs, qui permettent de s’attarder aux paroles des chansons des Cowboys.
Sur le rapport du groupe avec la banlieue, j’aime bien quand le philosophe Jonathan Durand Folco dit qu’avec les Cowboys fringants, «la banlieue n’est pas célébrée, pas plus qu’elle n’est démonisée; elle est critiquée de l’intérieur, avec un mélange d’amour et de critique immanente». C’est tellement ça!
N’ayant jamais été, comme tant d’autres, un fan fini du band, j’ai mis dans ma pipe cette citation du grand auteur-compositeur Stéphane Venne à propos de l’immense popularité des Cowboys fringants: «Les Américains ont un dicton très pragmatique qui décrète: ''You can’t argue with success''.»
L’exposition aurait pu être un peu plus documentée, cependant. Le contenu est un peu mince. Il n’y a aucune archive journalistique. Pas surpris de cela par contre. Le groupe, qui a toujours tenu la presse à distance, ne doit aucunement son succès aux médias.
Pour compenser, les commissaires de l’exposition, Philippe Lupien et Anne-Marie Matteau, ont rassemblé quelques artéfacts, dont l’accordéon de Marie-Annick et les figurines des membres du groupe utilisées pour le vidéoclip en animation Plus rien. On en aurait pris davantage.
Les plus enthousiastes des fans des Cowboys fringants pourront se laisser aller à une danse en ligne sur l’air de L’Amérique pleure. La chorégraphie est marquée au sol devant un écran géant qui projette la vidéo de la chanson. Bon flash!
Le prix d’entrée a été fixé à 6,50$ pour les résidents de Repentigny, et à 9,50$ pour les non-résidents.
Pour que le déplacement en vaille vraiment la peine, je vous suggère d’attendre l’ouverture, le 21 juin, d’une seconde exposition au Centre d’art Diane-Dufresne, consacrée aux photographies de Jean-René Dufort, nul autre qu’Infoman.
Une quarantaine de photos, grands formats, en noir et blanc, seront accrochées au Studio D sous le titre Mon Amérique. Lors de mon passage, j’ai eu accès aux coulisses du centre d’art alors que les techniciennes découvraient les premiers tirages arrivés du laboratoire. De ce que j’ai vu, ça promet.
Ce n’est pas tout, une fois sur place, vous aurez plaisir à explorer l’Espace culturel de Repentigny, qui est comme une grande galerie d’art.
Commençons par les œuvres exposées dans les espaces publics du Centre d’art Diane-Dufresne. Il y a d’abord des tableaux de la peintre Diane Dufresne, dont le spectaculaire Piqué au vif, qui avait fait tant d’effet lors de sa présentation au Centre d’exposition de Repentigny en 2011. C’est lors de cette exposition, qui avait attiré 6 400 visiteurs, qu’a commencé à germer l’idée de baptiser le centre d’art à son nom.
Les fans de la Diva vont aussi adorer une série de photographies prises par Bertrand Ferrier lorsque Diane Dufresne s’est produite à la salle Pleyel, à Paris, en décembre 2019.
Également à voir dans le foyer du centre d’art, deux trésors du patrimoine repentignois: une lampe suspendue en fibre de verre réalisée en 1963 par l’artiste Mousseau pour la Caisse populaire de Repentigny, et un magnifique vitrail de Marcelle Ferron récupéré de la maison de Jean Deschamps, un grand commis de l’État québécois qui a fini sa carrière de diplomate à Repentigny.
À l’extérieur, on retrouve une œuvre de Richard Langevin, Crescend’eau, une version stylisée de sa conjointe, Diane Dufresne, déposée sur un plan d’eau.
Dans les jardins, vous croiserez des œuvres de Lewis Pagé (1931-2007) et de Stephen Schofield, et ne manquez pas d’admirer les lignes très modernes du Centre d’art Diane-Dufresne (ACDF Architecture) et du Théâtre Alphonse-Desjardins (Les Architectes FABG). Les deux bâtiments sont érigés dans un parc joliment aménagé.
La visite peut se clore au parc de l’Île-Lebel, à déambuler sur son sentier pédestre de 3 km, parmi 37 espèces d’oiseaux qui colonisent cette berge du fleuve Saint-Laurent.
On revient finalement à la maison en chantant des chansons du répertoire des Cowboys fringants comme Toune d’automne, Mon chum Rémi, Marine marchande, Les étoiles filantes ou Les nuits de Repentigny.