Explorez le FIFA en compagnie de Catherine Deneuve
Faites comme Catherine Deneuve sur la photo ci-dessous, approchez-vous et regardez dans l’œilleton pour découvrir la programmation du Festival international du film sur l’art, dans ma désormais traditionnelle chronique de mars sur le FIFA. Les films sont présentés en salle à Montréal et à Québec jusqu’au 23 mars, et en ligne du 22 au 31 mars. On parle de 167 titres, de 47 pays. J’en ai vu quelques-uns pour vous.
Catherine Deneuve, à son image de Claire Laborey
Catherine Deneuve est l’astre le plus attractif de la programmation du FIFA. Impossible de ne pas être attiré par cette bombe blonde du cinéma. Depuis plus de 65 ans qu’elle enfile les rôles, du film Les collégiennes en 1956 à Bernadette, dans lequel elle incarne, à 80 ans, la femme de Jacques Chirac, Catherine Deneuve n’a jamais cessé de construire son mythe (bien qu’elle s’en défende dans une entrevue accordée dans les années 1960).
D’ailleurs, c’est à la besogneuse actrice que la documentariste Claire Laborey s’intéresse dans son film de 52 minutes, plutôt qu’à la femme derrière les personnages, plutôt qu’au symbole qu’elle est devenue grâce à sa beauté froide et sa blondeur.
N’attendez pas qu’on vous parle de sa relation avec ses hommes (Roger Vadim, David Bailey, Marcelo Mastroniani, Pierre Lescure) ou ses enfants (Chiara, Christian), toute la place est faite à sa relation avec le cinéma. Le tout est appuyé de beaucoup d’extraits de films et d’archives d’entrevues dans lesquelles l’actrice explique ses choix et ses manières de jouer.
En renfort, la réalisatrice donne la parole à des réalisateurs qui l’ont dirigée: François Truffault et Jacques Demy (en archives), Arnaud Desplechin, Nicole Garcia, Régis Wargnier, Léa Domenach, le japonais Hirokazu Kore-eda, et les très fidèles, mais néanmoins controversés, Benoît Jacquot et André Téchiné (sur lesquels pèsent présentement des accusations de viol et de harcèlement).
Catherine Deneuve, disent-ils, peut être surprenante sur un plateau, réservant souvent des surprises dans les prises. L’actrice n’aime pas tant répéter. Elle préfère se fier à son instinct du moment. Et au diable si son débit est trop rapide, cela vient avec la légende.
Catherine Deneuve, qui donne souvent l’impression de ne pas s’en laisser imposer par personne, apparaît comme une camarade de travail idéale si l’on se fie aux témoignages d’un chef opérateur, d’une costumière, et d’une ingénieure du son qui l’ont côtoyée sur les plateaux. Ils vantent tous son ardeur à la tâche, et son amour profond pour le cinéma.
Après une première nord-américaine au Cinéma du Musée dimanche dernier, Catherine Deneuve, à son image peut être visionné en ligne à compter du 22 mars sur la plateforme ARTS.FILM.
Dorothy Arzner: une pionnière à Hollywood de Clara et Julia Kuperberg
La programmation du FIFA compte au-delà de 150 films, et 92 d’entre eux sont réalisés ou coréalisés par des femmes. Celui dont je vous parle maintenant porte la signature des sœurs Kuperberg, Clara et Julia, deux Américaines qui se sont donné comme mandat de raconter l’histoire de l’âge d’or du cinéma hollywoodien.
Dans Dorothy Arzner: une pionnière à Hollywood, les documentaristes braquent le projecteur sur une femme qui a marqué l’époque du cinéma muet, négocié avec succès le passage au parlant, légué une cinématographie féministe incomparable, et formé nombre d’étudiants à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
Dorothy Arzner est née à San Francisco en 1897. Elle préférait dire qu’elle avait vu le jour en 1900 pour bien marquer qu’elle était une femme du nouveau siècle, moderne au point d’assumer son homosexualité dès qu’elle arrive dans le milieu du cinéma de Hollywood après avoir conduit des ambulances pendant la Première Guerre mondiale. Elle s’habille en complet-cravate et s’affiche en couple avec la danseuse et chorégraphe Marion Morgan, de 16 ans son aînée, pendant 40 ans.
Entrée à la Paramount à la fin des années 1910, elle commence comme dactylo, et se retrouve rapidement monteuse, où elle accomplira un miracle aux yeux de ses patrons: donner l’impression, par son seul montage, que Rudolph Valentino fait réellement face à un taureau dans la mégaproduction Blood and Sand en 1922.
Son idée d’utiliser des images d’archives de corrida tournées en Espagne dans son montage lui vaut une offre de réaliser son premier film. Elle est alors la seule femme réalisatrice à Hollywood, qui plus est, on lui confie les rênes d’un film parlant. Devant le stress de son actrice qui peine à parler dans les micros plantés dans le décor, Dorothy Arzner invente la première perche en demandant à son équipe technique d’accrocher un micro à une canne à pêche pour pouvoir suivre Clara Bow dans ses déplacements lors du tournage du film The Wild Party.
Dans la quinzaine de films qu’elle réalise en carrière, elle donne toujours la vedette aux femmes, et propose des scénarios qui combattent l’idée que le mariage rend les couples heureux. Par exemple, dans Christopher Strong, réalisé en 1933, son actrice, Katharine Hepburn, porte un pantalon, une première au cinéma, et pour cause, elle incarne une pilote d’avion dont la fin sera doublement tragique puisqu’elle se donne la mort dans l’écrasement de son appareil alors qu’elle est enceinte d’un homme marié.
Le documentaire est très riche en extraits de toutes sortes et pour bien montrer l’importance que cette femme a eue sur le cinéma, on appelle à la barre Francis Ford Coppola, qui a été son étudiant et qui n’hésite pas à dire que n’eut été Dorothy Arzner, il ne serait pas le réalisateur reconnu qu’il est aujourd’hui.
Dorothy Arzner: une pionnière à Hollywood est un documentaire de format télévision, c’est-à-dire qu’il tient en 53 minutes. Il peut être visionné en ligne à compter du 22 mars sur la plateforme ARTS.FILM.
Patrice Chéreau, irrésistiblement vivant, de Marion Stalens
Patrice Chéreau (1944-2013) est un monstre sacré de la mise en scène. Il a œuvré au théâtre, à l’opéra et au cinéma. Le documentaire que lui consacre Marion Stalens est une occasion d’embrasser en une heure et demie une carrière prolifique menée tambour battant en Europe de 1966 jusqu’à sa mort, en 2013.
De ce côté-ci de l’Atlantique, Chéreau est moins connu du grand public. Pour vous donner une idée du personnage, imaginez un Serge Denoncourt à la puissance 100.
Chéreau a commencé très jeune à faire des mises en scène. Au début de la vingtaine, il dirige le Théâtre de Sartrouville (une commune de la banlieue parisienne) avec toute son impétuosité d’artiste aux idées gauchistes. Il s’affichait marxiste.
Très influencées par Bertolt Brecht et l’expressionnisme allemand, les pièces de Chéreau dérangent. Ça tombe bien, en 1968, il y a un public pour ça. Il mène quand même son théâtre à la faillite. À 25 ans, il se trouve donc momentanément au Piccolo Teatro de Milan, chez Giorgio Strehler, une autre inspiration.
Un bel endroit où se faire la main à l’art de bousculer les classiques. Ce que Chéreau fera abondamment dans sa vie, notamment au Théâtre national populaire de Villeurbanne, et au théâtre des Amandiers à Nanterre, deux institutions hors Paris qu’il codirige, et à l’opéra, où il ébranlera plusieurs fois les colonnes du temple.
Ce qui est fantastique de ce documentaire, c’est qu’il y a quantité d’images de Patrice Chéreau au travail. L’homme n’est pas du genre à demeurer assis derrière sa table de travail. Il s’agite constamment sur les plateaux. Clope au bec (autant que Leonard Bernstein dans le film de Bradley Cooper), il empoigne les figurants pour les faire bouger ou il donne ses notes aux comédiens et chanteurs à six pouces de leurs visages. Ça, c’est quand il ne joue pas lui-même la scène pour s’assurer d’être bien compris.
Il y a aussi beaucoup d’extraits des nombreuses entrevues que le metteur en scène a données dans sa vie. Il y explique ses doutes, sa quête et sa méthode de travail qui, à nos yeux de spectateurs, se situe quelque part entre rigueur et tyrannie.
Il faut entendre Jean-Hughes Anglade (L’homme blessé), Dominique Blanc (révélée dans son adaptation de Peer Gynt), ou Pascal Greggory (son amoureux qu’on a vu entre autres dans le très sanguinolent La reine Margot) s’exprimer sur le sujet pour comprendre la fureur créatrice qui habitait Chéreau.
L’homme récoltait ce qu’il semait. Ses spectacles ont été autant encensés que conspués. Il est arrivé souvent que ses productions soient interrompues par des appels à la bombe, que lui-même reçoive des menaces de mort, ou, comme au Festival de Bayreuth, en Allemagne, qu’il soit ovationné pour son Siegfried de Wagner, dirigé par Pierre Boulez, pendant plus de 30 minutes.
Le documentaire Patrice Chéreau, irrésistiblement vivant est en ligne à compter du 22 mars sur la plateforme ARTS.FILM.
Mark Rothko, la peinture vous regarde, de Pascale Bouhénic
Si Patrice Chéreau est un disciple de l’expressionnisme allemand, le peintre Mark Rothko (1903-1970) est un pionnier de l’expressionnisme abstrait, l’un des principaux courants artistiques américains du 20e siècle, auquel on associe aussi Jackson Pollock, Adolph Gottlieb, et Barnett Newman.
Le film Mark Rothko, la peinture vous regarde de Pascale Bouhénic nous fait littéralement entrer dans l’œuvre de cet artiste né en Lettonie et mort, par suicide, à New York. Il nous fait comprendre ce qu’il y a derrière ces tableaux en apparence monochromes.
C’est la guerre qui conduit Rothko à renoncer au figuratif, lui qui a commencé sa carrière en peignant des scènes de la vie quotidienne à New York, dont beaucoup de gens lisant les journaux, partout dans la ville, comme aujourd’hui nous sommes vissés à nos écrans de téléphones portables.
Le documentaire essaie, sans y parvenir, parce que c’est un secret qu’a trop bien verrouillé Rothko, de découvrir la recette qu’il employait pour faire de ces immenses tableaux des aimants pour qui les regardent. Son mélange de pigments de couleur avec l’œuf, la tempera, technique qui remonte au Moyen-Âge, donne à sa peinture une singularité qui a fait sa renommée, et rendu leur restauration très complexe.
C’est très intéressant de se faire dire qu’on n’a pas besoin de comprendre les tableaux. En fait, l’artiste, qui a toujours politiquement campé à gauche, voulait que son travail soit ressenti plus que compris ou interprété. Une manière d’être plus accessible à tous.
À défaut de pouvoir aller voir la grande rétrospective Rothko à la Fondation Louis Vuitton à Paris (115 œuvres, notamment de la National Gallery of Art de Washington, de la Tate à Londres, de la Phillips Collection et de collections privées, dont celle de la famille), le documentaire Mark Rothko, la peinture vous regarde constitue une bonne entrée en matière dans l’univers de ce peintre hors norme.
En ligne sur ARTS.FILM à partir du 22 mars.
Dancing Free de Elettra Fiumi
J’étais curieux du film Dancing Free de Elettra Fiumi pour voir ce que fait Michel Gagnon, l’ancien directeur de la programmation de la Place des Arts désormais à la tête du LAC – le Lugano Arte e Cultura –, un centre culturel et artistique inauguré en 2015 sur le bord du lac de Lugano en Suisse.
Le documentaire nous propose de suivre trois chorégraphes invitées par Michel Gagnon au LAC Lugano Dance Project. Il y a une Suisse (Lea Moro), une Américaine (Annie Hanauer) et une Québécoise (Virginie Brunelle).
Il n’y a que cette dernière qui m’a intéressé, encore que le tournage a eu lieu dans les locaux du Centre chorégraphique Circuit-Est à l’angle de Sherbrooke et De Lorimier, en pleine pandémie. Tout le monde masqué, c’est comme un mauvais souvenir.
Quant aux deux autres chorégraphes et leurs danseurs, ils n’ont vraiment pas l’air d’avoir de plaisir au travail.
J’irais bien à Lugano un jour, par contre...
Le film sera présenté en soirée le samedi 23 mars au Musée McCord Stewart et en ligne sur ARTS.FILM à compter du 22 mars.
Where We Grow Older de Daniel Schwartz
Déception aussi pour Where We Grow Older, documentaire produit par le Centre canadien d’architecture de Montréal sur le défi que pose l’habitation pour la nouvelle génération de personnes âgées. Bon sujet, mais effleuré.
Ça commence pourtant sur les chapeaux de roue, avec deux vieilles femmes qui bavardent sur la plage de Barcelone. On comprend que les vieux d’aujourd’hui sont différents de ceux d’autrefois, et qu’on ne peut plus leur offrir le même type de logements.
Des spécialistes surgissement pour dire qu’il faut désormais intégrer l’idée que la population vivra plus longtemps, que leur besoin de sociabiliser sera plus important, que les services doivent impérativement être à proximité, que les constructions doivent favoriser l’autonomie et être accessibles financièrement.
On visite donc un nouveau projet d’habitations à loyer modique développé par la municipalité de Barcelone avec vue sur la mer pour certains des résidents. Malheureusement, tout ça est un peu court-circuité par un autre exemple d’habitation qu’on nous présente, à Baltimore, aux États-Unis, mais pas encore construit, où l’on entrevoit de faire vivre sous le même toit des personnes âgées et ceux qui leur fournissent des soins et des services.
Le format de 30 minutes ne permet de développer aucun des deux exemples. On ne peut même pas comparer ces solutions avec nos nouvelles maisons des aînés. Dommage!
Le documentaire sera en ligne sur ARTS.FILM à partir du 22 mars.