La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Edgar et ses fantômes 2: de la suite dans les idées

À 87 ans, Edgar Fruitier remonte sur scène pour partager sa passion pour la musique. Dans Edgar et ses fantômes 2, le comédien-mélomane reçoit de nouveau un aréopage de compositeurs de génie, et j’ai été aussi emballé que la première fois.



Lors de la création du premier spectacle en 2010, j’avais été séduit par cette idée qui rappelait la série Les grands esprits qu’animait le même Edgar Fruitier aux Beaux Dimanches. Quelle jubilation de voir Bach, Beethoven, Mozart et Satie, personnages marquants de l’histoire de la musique, parler de leur vie et de leur travail, interagir entre eux, et à travers tout ça, entendre leur musique. Le spectacle a été un immense succès. On l’a repris jusqu’en 2016. Il y aura même une version à Paris en 2018 avec Patrick Poivre d’Arvor dans le fauteuil du mélomane.

Les suites étant souvent décevantes et mercantiles, je craignais cette prise 2, mais l’idéateur et producteur Jean-Claude Dumesnil a bien joué ses cartes. Ça demeure une merveilleuse trouvaille. L’auteur Emmanuel Reichenbach a brillamment pris la relève de Normand Chaurette aux textes et Michèle Deslauriers succède à Normand Chouinard à la mise en scène, qui gagnera sûrement en fluidité avec le temps.

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De la grande visite

Cette fois, l’action se passe dans un magasin de disques qu’Edgar vient d’acquérir.

Le premier à s’y présenter, c’est Giuseppe Verdi, l’homme des grands airs d’opéra, ce qui nous vaut d’entendre des extraits de Il Trovatore, La Traviata, Rigoletto et Nabucco interprétés par les excellents chanteurs Myriam Leblanc et Keven Geddes, qui reviennent périodiquement durant la soirée.

Joseph Haydn suit. On découvre un homme plein d’entrain, une joie qui s’entend dans ses symphonies. Tout le contraire de Piotr Ilitch Tchaïkovsky, qui nous fera comprendre la source de sa mélancolie en nous faisant entendre, entre autres, la Canzonetta et l’Aria de Lensky de l’opéra Eugène Onéguine. Finalement, il y a George Gershwin qui débarque avec son assurance américaine et ses rythmes empruntés au jazz.

On apprend plein de choses sur leur compte. Que Verdi a vu mourir ses enfants en bas âge et sa femme précocement. Qu’il a consacré plusieurs années de sa vie à la politique. Que Haydn a fait le saltimbanque avant de devenir le prolifique compositeur salarié d’une grande famille autrichienne. Que Tchaïkovsky a vécu secrètement et douloureusement son homosexualité. Que Gershwin a été un petit voyou avant d’être sauvé par la musique.

Les quatre comédiens qui les incarnent sont fabuleux. Sébastien Dhavernas (Verdi), Antoine Durand (Haydn), Jean-François Blanchard (Tchaïkovsky) et Gilbert Lachance (Gershwin), chacun amène avec brio la couleur de son personnage.

Eu égard à son âge, on a donné une partenaire au fragile Edgar Fruitier pour que le spectacle repose moins sur ses frêles épaules. C’est l’animatrice de radio et musicienne Catherine Perrin qui partage avec Edgar la tâche de faire parler les fantômes. On ne doute pas un instant de ses connaissances musicales, mais, à l’évidence, ce n’est pas une comédienne.

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C’est toute une musique

Pour ce qui est de la musique, c’est encore Jean-Pascal Hamelin qui dirige, avec le même enthousiasme, l’orchestre formé de 26 instrumentistes.

La présence des musiciens sur scène est le facteur wow de cette production. Sans leur contribution, l’appareil serait nettement plus lourd et difficile à faire lever.

Edgar et ses fantômes réussit donc pour une deuxième fois le pari de rendre la musique classique accessible. Imaginez, le spectacle se termine avec la foule qui chante en chœur Va, pensiero de Verdi… comme dans les spectacles de musique populaire.

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