Notre Dame de Paris à Québec: il est revenu, le temps des cathédrales!
Le Notre Dame de Paris de Richard Cocciante et Luc Plamondon a 20 ans. Pour célébrer cet anniversaire, les producteurs de ce grand spectacle musical ont eu la bonne idée de le reprendre sur scène.
Cette nouvelle production québécoise, que j’ai eu la chance de voir mardi en première au Grand Théâtre de Québec, est magistrale. Les 83 000 personnes qui ont déjà leurs billets pour les représentations à Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Ottawa et Montréal ne seront pas déçues.
La première fois que j’ai entendu les chansons de Notre Dame de Paris, c’était à l’occasion d’une conférence de presse au Monument-National à la fin des années 1990. Dès lors, même avec un seul accompagnement au piano, Bruno Pelletier, Garou, Daniel Lavoie, Patrick Fiori nous avaient convaincus que ces chansons deviendraient des immortelles. La première version du spectacle, dans une mise en scène d’une grande efficacité signée Gilles Maheu, l’a confirmé.
La suite appartient à l’histoire. Notre Dame de Paris a été jouée plus de 4 300 fois et vue par 11 millions de spectateurs. Paris, Londres, Moscou, Barcelone, Rome, Pékin, Shanghai… au total 20 pays l’ont présenté, dans huit langues différentes.
La dernière fois que j’ai assisté à Notre Dame de Paris, c’était en 2013 à Séoul. Toute la charge émotive passait, même si je ne comprenais rien à la langue coréenne dans laquelle le spectacle avait été traduit.
Mardi, à Québec, j’ai eu l’impression d’assister à la plus réussie des versions que j’ai vues de cette production même si c’est, grosso modo, toujours la même recette signée Cocciante-Plamondon-Maheu.
L’histoire tournant autour de la belle bohémienne Esmeralda qui fait chavirer le cœur de tous les hommes, ses chansons doivent être défendues à la fois par une interprète et une tragédienne. Je n’ai jamais vu une artiste de la trempe de Hiba Tawaji dans ce rôle. La chanteuse d’origine libanaise est ma révélation de la soirée. Sa prestation élève toute la dynamique de ce spectacle.
Il faut dire aussi que Richard Cocciante a déniché une relève incroyable pour endosser l’habit de Quasimodo. Angelo Del Vecchio, qui a été son choriste, rappelle Garou, mais ses origines italiennes lui donnent ce petit supplément d’âme quand il s’agit de chanter les tourments du cœur qui sont à la base du propos de Notre Dame de Paris.
Et avec le temps qui passe, Daniel Lavoie, le seul qui reste de la distribution originale, est plus que jamais immense dans le rôle de Frollo. Grandiose dans ses numéros en solo, mais aussi quand il chante en duo, notamment la sublime Florence avec Richard Charest, le nouveau Gringoire.
Outre ces performances, il y a plein de raisons qui contribuent à la réussite de ce Notre Dame de Paris 2018. Je soulignerais notamment la qualité du son qui nous permet d’apprécier toutes les paroles des chansons écrites par Luc Plamondon. Son livret, vraiment solide, traverse remarquablement le temps, comme le prouve sa complainte des Sans-papiers toujours tristement d’actualité.
Et que dire de la musique de Richard Cocciante sinon qu’elle est comme un harpon auquel on ne peut résister si on est un tant soit peu romantique dans l’âme…
Aussi, cette nouvelle production est constituée d’une troupe de feu qui se défonce sous nos yeux, aussi efficace dans les chorégraphies que dans les acrobaties. Le numéro qui accompagne la chanson Déchiré, interprétée avec beaucoup d’émotion par Martin Giroux et magnifiquement éclairée par Alain Lortie, est prodigieux. Même chose pour Les Sans-papiers et son ballet de barrières sur roues.
C’est fou, ce spectacle m’a rendu nostalgique. Il y a 20 ans, on était capable de s’emballer pour une création et l’encourager pour qu’elle grandisse au point de faire le tour du monde. C’est grâce à cet élan donné à Notre Dame de Paris avant l’an 2000 que le spectacle peut nous revenir aujourd’hui encore meilleur et toujours porté par la faveur populaire. J’ai bien peur que notre société d’aujourd’hui n’ait plus cette générosité-là à l’égard de nos créateurs.
Des expositions à voir à Québec
J’ai profité de mon passage à Québec pour aller voir des expositions qui piquent ma curiosité depuis qu’elles ont pris l’affiche, et surtout avant qu’elles prennent fin.
Berthe Morisot, femme impressionniste
D’abord Berthe Morisot, femme impressionniste présentée au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) jusqu’au 23 septembre.
Non, mais, c’est quand même injuste. Berthe Morisot (1841-1895) fait partie des fondateurs du groupe impressionniste aux côtés des Degas, Monet, Renoir, mais, parce que c’est une femme, elle n’a pas la moitié du quart de la notoriété de ses collègues masculins! L’exposition du MNBAQ, qui compte une soixantaine de toiles, est la première à lui être entièrement consacrée au Canada. Lorsque cette exposition monographique sera présentée au musée du Quai d’Orsay à Paris l’été prochain, ce sera une première en France depuis 1941.
Les œuvres rassemblées à Québec proviennent de grandes collections privées et publiques. On y décline les différentes étapes de sa courte vie d’artiste – Berthe Morisot est morte à 54 ans des suites d’une grippe.
Cette femme née dans un milieu assez aisé commencera à peindre sous l’aile de Corot, que l’on considère souvent comme le précurseur du mouvement impressionniste. Comme lui, elle installera son chevalet en plein air et s’inspirera de la nature, notamment des bords de mer.
Le fait d’être une femme l’amène à faire le portrait de ses semblables, illustrant comment elles vivent, se vêtent et vaquent aux tâches de la vie quotidienne. La peinture de Berthe Morisot tient presque du documentaire féministe. Elle nous montre des femmes du monde qui égrènent le temps, d’autres, nourrices et lavandières, qui s’échinent au travail, et souvent sa fille, un modèle récurrent, de la naissance à la jeune adolescence.
Il y a dans sa méthode une recherche picturale qu’il est extrêmement intéressant de voir évoluer. Qu’on pense à sa façon de juxtaposer dans un même tableau des scènes intérieure et extérieure ou encore à sa manière de laisser dans ses toiles une impression d’inachevé.
Berthe Morisot constitue une découverte fascinante à faire. Cette exposition s’avère très plaisante à parcourir à cause d’un petit quelque chose d’apaisant, de réconfortant, d’humain, que j’oserais qualifier de féminin. Disons qu’à ce jour, on n’a pas abusé de peinture au féminin, une bonne raison de se rattraper.
Fait main
Si vous allez au Musée national des beaux-arts du Québec avant le 3 septembre, profitez-en pour aller voir aussi Fait main. Je ne m’attendais à rien à propos de cette exposition, ma surprise n’en a été que plus grande. On y présente des œuvres plutôt baroques. Vous dire que ça va de la courtepointe à la porcelaine en passant par la sculpture sur papier n’est pas suffisant. Il faut vous décrire. Par exemple, l’artiste de Saskatoon Clint Neufeld reproduit en porcelaine des moteurs de camions, de taille réelle, qu’il dépose sur des meubles de salon. L’effet est surprenant. Olivier Roberge fabrique des paysages miniatures dans lesquels une infinité de détails se concentre. Et mon préféré, Guy Laramée, sculpte des paysages dans les livres. Je suis déjà allé dans son atelier et je garde un souvenir impérissable de son travail et du résultat obtenu.
Ici Londres
Changeons de musée. Celui de la civilisation, rue Dalhousie dans le Vieux-Québec, s’est mis à l’heure de Londres cet été. Au point de transformer un détail de l’architecture de son bâtiment en Big Ben. Très réussi.
Ici Londres veut nous faire ressentir toute l’énergie créatrice de cette ville dont l’influence est énorme partout dans le monde. Dans une scénographie particulièrement réussie qui évoque les quartiers de la capitale britannique, son métro, son côté straight et son originalité, on nous présente des œuvres d’artistes du milieu de la mode, de la musique, des arts visuels et du design. Les Beatles et les Stones sont évoqués, bien sûr, mais aussi les créateurs de mode Vivienne Westwood et Alexander McQueen, les vedettes d’art contemporain Damien Hirst et le duo Gilbert and George, le célèbre concepteur de la chaise Wassily, Marcel Breuer, et tant d’autres. C’est un vaste programme de raconter Londres en une seule exposition. Il y a ce qu’on voit, ce qu’on peut entendre avec l’audioguide, ce qu’on peut faire apparaître avec notre téléphone intelligent, ce qu’on peut attraper au vol dans les visites guidées. Bref, le résultat ressemble à un fourre-tout dans lequel on a parfois l’impression d’être comme la boule du flipper.
Dallaire, de l'idée à l'objet
J’ai préféré la présentation consacrée au fantastique designer québécois Michel Dallaire. Dans ce cas-ci, ça va direct au but, comme le titre de l’exposition: Dallaire, de l’idée à l’objet.
Michel Dallaire, qui a à son actif une multitude de projets dépareillés, a toujours fonctionné de la même façon: faire du beau et du pratique tout en donnant un sens aux objets. Par exemple, on apprend que c’est la forme du boomerang, un objet conçu pour revenir vers celui qui le lance, qui a inspiré la forme du cadre du Bixi dont il est le concepteur.
De voir la variété des projets sur lesquels Michel Dallaire s’est penché est fascinant: les bancs du Quartier international de Montréal, ceux du Centre Bell, les pots de yogourt Yoplait, le métro de la ligne rouge de Boston et la torche olympique des Jeux de Montréal en 1976, le projet qui l’a fait connaître au monde. Son inspiration dans ce cas précis lui est venue des roseaux de sa jeunesse qu’il trempait dans l’essence pour en faire des flambeaux. Hâtez-vous, Dallaire, de l’idée à l’objet se termine le 4 septembre.
Puisque vous passez par là
En sortant du Musée de la civilisation, allez arpenter la Place des canotiers. La firme Daoust Lestage, à qui on doit la Promenade Champlain, la Place des festivals du Quartier des spectacles et le Quartier international de Montréal, a transformé ce vaste espace de 20 000 mètres carrés situé en bordure du fleuve en un grand espace public fait pour flâner, déambuler et apprécier le magnifique paysage des alentours. Les architectes ont réutilisé plusieurs de leurs bonnes idées, comme des fontaines où les enfants peuvent s’amuser, des brumisateurs fort bienvenus en période caniculaire et des dégagements pour installer des œuvres d’art. Jusqu’au 21 septembre, c’est une œuvre du duo Cooke-Sasseville qui trône au milieu de la place. Les Gardiens rappelle le rôle capital des phares dans la vie du fleuve Saint-Laurent. Le Lieu historique national du chantier A.C. Davie, de l’autre côté de la rive, a aussi son œuvre de Cooke-Sasseville. Il suffit de prendre le traversier pour la voir!