La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Arts.film: les transmutations du Festival international du film sur l’art

Alléluia, les salles de cinéma et de spectacle rouvrent leurs portes le 7 février! Mais d’ici là, qu’est-ce qu’on fait? Vous avez vu tous les films en ligne possibles, épuisé votre liste de choses à visionner sur Tout.TV, Netflix et autre Crave? J’ai une suggestion pour vous: Arts.film. Ça fait longtemps que je veux vous parler de cette formidable plateforme du Festival international du film sur l’art (FIFA). Je pense que c’est le temps!



En mars 2020, première année de la pandémie de COVID-19, le FIFA ne s’est pas laissé abattre par le premier grand confinement imposé par le gouvernement. Le festival s’est rapidement adapté aux circonstances en remplaçant son édition en présentiel par une version virtuelle. La formule a connu beaucoup de succès.

Dans la foulée, pour retenir ses adeptes de films sur l’art, les organisateurs se sont attelés à créer une plateforme offrant à l’année une sélection de ses films. Ainsi est né Arts.film, qui propose au-delà de 300 titres. C’est vous qui devenez programmateur de votre cinéma maison. Et quand on dit «film sur l’art», le registre est large. On y trouve des productions très variées (documentaires, captations, grandes entrevues, vidéos d’art) sur une gamme très vaste de disciplines (danse, théâtre, musique, architecture, arts visuels, cinéma, etc.).

L’abonnement d’un an coûte 60$ (5$ par mois!). On peut visionner les films d’où que l’on soit au Canada. C’est un site sans but lucratif. Une part importante des recettes est retournée aux créateurs.

Pour inciter le public à découvrir son trésor, le FIFA offre gratuitement, jusqu’au 30 janvier, les films de sa plateforme Arts.film. Il suffit de s’inscrire à l’infolettre du FIFA.

Une fois inscrit, on obtient un code promo donnant un accès sans frais au catalogue.

Je vous garantis que c’est moins compliqué que ça en a l’air. Aussi, la navigation sur le site est très facile et la qualité des projections, vraiment optimale.

On regarde quoi?

Évidemment, avant de vous parler de Arts.film, j’ai exploré le site à la recherche de titres qui pourraient vous intéresser. Je me suis régalé!

Anthony Perkins, l’acteur derrière la porte

Parmi les nouveautés disponibles, les amateurs de cinéma seront intéressés par le documentaire Anthony Perkins, l’acteur derrière la porte (2020). Le fameux Normand Bates du film Psychose d’Alfred Hitchcock, qui aurait eu 90 ans cette année s’il n’était pas mort du sida en 1992, nous apparaît sous les multiples facettes qu’il a collectionnées au fil des ans.

Produit en France, le film prend plaisir à rappeler la francophilie de cet acteur américain qui a même fait un disque de chansons en français incluant la très belle Il n’y a plus d’après de Guy Béart.

Ce film est surprenant jusqu’à la fin, lorsqu’on nous rappelle que sa veuve, la photographe et actrice Berry Berenson, comptait parmi les victimes des attentats du 11 septembre 2001. Elle était à bord du vol 11 d’American Airlines.

Eliades Ochoa: From Cuba to the World

La programmation de Arts.film s’enrichit chaque mois de nouveaux titres. Ce mois-ci, on a vu s’ajouter un documentaire sur Eliades Ochoa, musicien que l’on a découvert en 1997 dans la formation cubaine Buena Vista Social Club, et devenu depuis une vedette internationale de la guitare.

Le film Eliades Ochoa: From Cuba to the World (en espagnol, sous-titres anglais) nous le montre, guitare huit cordes portée sur son cœur, chantant le folklore de son pays sur les routes du monde, de Santiago de Cuba au continent africain, en passant par Paris, Mexico et même la Maison-Blanche à Washington. On nous révèle aussi quelques secrets concernant la célèbre Chan Chan qu’il a tant chantée en duo avec son compatriote Compay Secundo.

Je recommande ce film particulièrement aux amateurs de guitare et de musique cubaine. À défaut d’aller à Cuba, Cuba viendra dans votre salon!


De la mode

La mort inattendue du designer de mode Thierry Mugler dimanche dernier m’a incité à aller voir ce qu’on proposait dans la catégorie Mode. Je suis tombé sur deux documentaires retraçant la carrière de deux icônes de la haute couture française: Coco Chanel (Les guerres de Coco Chanel [2018]) et Christian Dior (Christian Dior, le couturier et son double [2005]).

Les guerres de Coco Chanel

Dans ce film, on est éberlué de voir comment celle qui a donné de la noblesse aux tailleurs pour femmes s’est hissée au sommet de la mode, dans une trajectoire qui lui a fait côtoyer autant la famille royale britannique que les occupants de l’Allemagne nazie en France. Disons aussi que son parfum, le célèbre No5, a été toute une vache à lait pour cette femme farouchement indépendante.

Christian Dior, le couturier et son double

Dans le cas de Dior, le film s’intéresse à la double personnalité de cet homme dont la vie privée était considérablement plus réservée que ce qui émanait de son génie créatif.

Pierre Cardin, qui a travaillé sous ses ordres, et John Galliano, qui a été directeur artistique de la maison Dior au début des années 2000, sont parmi les personnalités qui témoignent.

Christian Dior est mort en 1957, à l’âge de 52 ans.

Gateways to New York: Othmar H. Amman and his bridges: l’art du pont

De tous les films que j’ai visionnés, celui qui m’a le plus captivé porte sur un art fascinant: l’architecture des ponts.

Le documentaire suisse Gateways to New York: Othmar H. Amman and his bridges (en anglais avec sous-titres français) nous fait revivre l’époque où la ville de New York devient un modèle de modernité.

En même temps que la silhouette de la métropole se transforme avec l’érection de l’Empire State Building et du Chrysler Building, des bâtiments qui deviendront iconiques, l’ingénieur Othmar H. Amman (1879-1965) réinvente l’art de construire des ponts.

Il signe d’abord le pont George-Washington, premier lien entre l’île de Manhattan et le New Jersey enjambant la rivière Hudson. Il est le premier à imposer l’idée d’un pont suspendu, sur le modèle de la corde à linge, se plaît-il à dire. Il enchainera avec plusieurs autres ouvrages non moins célèbres, dont le Bronx-Whitestone Bridge, le Throgs Neck Bridge et le Verrazzano-Narrows Bridge.

En 1962, les autorités new-yorkaises se permettent même d’ajouter un deuxième tablier au pont George-Washington qu’Amman avait conçu assez résistant en 1931 pour accueillir une telle charge supplémentaire. Dire qu’en 1962 on construisait ici le pont Champlain, qu’on démolit aujourd’hui parce qu’il menaçait de s’écrouler!

Au fil de sa carrière, l’expertise de M. Amman sera sollicitée pour la construction du Golden Gate de San Francisco et lors de la commission d’enquête sur l’effondrement du pont de Québec en 1907.

Le rappel de cette tragédie qui avait coûté la vie à une centaine de travailleurs, dont plus de soixante-dix Mohawks de Kahnawake, est l’occasion de donner la parole à deux travailleurs mohawks qui ont travaillé sur les chantiers de Othmar H. Amman. Images à l’appui, à couper le souffle, ils nous racontent comment ça se construisait un pont à New York dans les années où ces structures s’érigeaient un boulon à la fois par des ouvriers suspendus dans le vide.

Pour nous montrer combien la construction d’un pont est un art, le documentaire évoque aussi l’effondrement du pont Tacoma, dans l’État de Washington, en 1940. Une fois inauguré, le pont suspendu n’a tenu que quatre mois, emporté par un mauvais calcul des charges qui le faisait osciller au moindre vent.

Le documentaire s’attarde aussi à l’impact urbanistique colossal que les projets d’Othmar H. Amman ont eu sur le développement de la métropole américaine.

Bref, voilà 88 minutes où j’ai été suspendu aux lèvres du narrateur de cette histoire de ponts absolument fascinante.

Une 40e édition qui promet

En terminant, le Festival du film sur l’art dévoilait cette semaine les visuels de sa 40e édition, qui aura lieu du 15 au 27 mars prochains.

Le directeur général et artistique du FIFA, Philippe U. del Drago, a créé avec l’artiste 3D Alexis Quesnel et le designer graphique Samuel Charpentier une animation qui symbolise les transmutations de notre époque et qu’on décline en trois affiches distinctes. Le FIFA a toujours eu des affiches très stylisées. Pour le 40e anniversaire, on s’est vraiment dépassé.

Cette année, le festival renouera avec la formule virtuelle développée depuis 2020 et ajoutera selon les consignes sanitaires du moment des activités en présentiel. Les organisateurs ont reçu mille propositions de films cette année, on connaîtra la liste des productions retenues sous peu. À suivre!