3 films qui ne vous laisseront pas de marbre
On aime que le cinéma nous procure des émotions. Cette semaine, on est servi en la matière par trois films devant lesquels il est impossible de rester de marbre.
Les vieux chums de Claude Gagnon
Pour son 10e long métrage en carrière, Claude Gagnon (Keiko, Larose, Pierrot et la Luce, Visage pâle, Kenny) aborde un thème qui ne laisse pas indifférent, celui de la mort.
Pour Les vieux chums, le réalisateur de 72 ans s’est inspiré de la perte de deux copains très proches, un emporté alors qu’il était dans la quarantaine, et l’autre, le comédien Luc Matte pour le nommer, mort il y a une douzaine d’années. Ces deux décès ont eu une grande influence sur sa manière d’appréhender la fin de la vie.
Au cinéma, ça devient l’histoire de Pierrot qui, à l’aube de la cinquantaine, après avoir bamboché toute sa vie, décide de revenir dans sa ville natale pour saluer une dernière fois les gens qu’il a aimés avant que le cancer du poumon ne l’emporte. Parmi ces gens, il y a Jacques, l’indéfectible ami d’enfance, à qui Pierrot demande une ultime faveur, celle de s’assurer que ses derniers moments ne soient pas trop pénibles.
Le film est émouvant parce qu’on ne peut pas rester insensible à la vue de quelqu’un qu’on sait condamné à mourir. Cependant, cette fiction dégage beaucoup de sérénité, un peu d’humour même, car elle nous tend un miroir sur ce qu’on doit faire de notre vie tant qu’on a la chance d’en profiter.
Il y a quelque chose de classique dans la réalisation de cette production faite avec des moyens modestes. En bon vieux pro qu’il est, Claude Gagnon va au cœur de son sujet sans esbroufe, et avec une totale sincérité au point d’avoir tourné à Saint-Hyacinthe, sa ville natale, pour qu’on sente à quel point notre lieu d’origine est important quand la vie se boucle.
Le réalisateur peut aussi compter sur un duo d’acteurs d’une grande efficacité. Dès le moment où on le voit descendre péniblement de l’autobus qui le ramène à Saint-Hyacinthe, on souffre avec Patrick Labbé, qui incarne avec brio ce Pierrot déclinant, mais serein. Devant lui, Paul Doucet alterne avec conviction entre bienveillance, colère et panique, autant de sentiments qui animent les survivants.
Hors normes d’Éric Toledano et Olivier Nakache
Les réalisateurs du film Intouchables, un des plus grands succès du cinéma français, sont de retour avec une nouvelle histoire: Hors normes.
Encore une fois, ils se servent du 7e art pour nous confronter à une réalité qui a rarement droit de cité sur grand écran. Dans Intouchables, on découvrait ce que peut représenter le fait de vivre cloué à un fauteuil roulant dans une société qui nie les handicaps. Cette fois-ci, ils lèvent le voile sur le monde des enfants autistes.
Éric Toledano et Olivier Nakache se sont inspirés de Stéphane Benhamou, fondateur de l’association Le silence des justes, qu’ils ont connu à l’époque où ils étaient moniteurs dans des camps d’été. Juif pratiquant, Benhamou consacre sa vie à s’occuper d’enfants dont les cas sont si lourds que les services sociaux répugnent à les prendre en charge. À Paris, il fait équipe avec Daoud Tatou, un musulman qui réhabilite des jeunes des banlieues en les faisant, justement, travailler auprès des autistes.
Dans Hors normes, Vincent Cassel et Reda Kateb incarnent ce duo d’impact qui, en plus de prendre soin de cette clientèle vulnérable, doit se battre contre le système de santé qui leur fait des griefs sur leurs méthodes.
Cassel est fabuleux et attendrissant dans ce rôle plein d’humanité, toujours disponible pour les enfants sous son aile, au détriment de sa propre vie. C’est beau de voir l’acteur interagir avec naturel et désinvolture avec les comédiens autistes non professionnels qui font partie de la distribution. On sent une réelle complicité notamment avec Benjamin Lesieur, qui s’est retrouvé, avec raison, en nomination pour le César du meilleur espoir pour son rôle de Joseph.
Parallèlement au portrait qu’on fait du peu de soutien offert aux familles d’enfants autistes, Hors normes s’intéresse aussi aux défis de la réinsertion sociale. Dans son rôle d’éducateur spécialisé, Reda Kateb témoigne d’une poigne certaine devant l’apathie et le manque de ressort de ses ouailles. L’acteur ne manque pas de répliques cinglantes pour bien identifier là où le bât blesse.
Même s’il s’étire vers la fin, le film Hors normes réussit, comme tout bon documentaire, à nous informer sur un phénomène de plus en plus présent dans nos sociétés, mais il a aussi, comme tout bon film de fiction, la façon de nous émouvoir, le tour de nous divertir.
Les Trois Accords. Live dans le plaisir au cinéma de Louis-Philippe Eno
Impossible de rester de marbre devant le film Live dans le plaisir au cinéma des Trois Accords qui prend l’affiche en salle cette semaine partout au Québec.
Im.pos.sible.
Vous connaissez les chansons du groupe de Drummondville?
Comment ne pas? Ce sont, depuis 2003, vers d’oreille par-dessus vers d’oreille: Hawaïenne («J’aurais voulu que tu sois…»), Saskatchewan («Tu m’as pris ma femme…»), J’aime ta grand-mère («Je veux faire à ton père, plein de demi-frères…»), Corinne («Il n’y a pas de remède, le rythme me possède…»), Dans mon corps de jeune fille («Il y a des changements…») Ouvre tes yeux Simon («Ouvre tes yeux quand tu chantes…»).
Pendant le visionnement de ce film d’une heure treize minutes, je me suis littéralement senti comme un ado, le poing en l’air, hochant de la tête, scandant les paroles complètement surréalistes des 18 chansons des Trois Accords retenues pour cet exercice hallucinant. Merci à la pandémie d’avoir permis à ce genre de chose d’exister.
Le film de Louis-Philippe Eno, c’est une captation live d’un show livré en studio devant des écrans géants, dont un de 50 pieds de haut (!), sur lesquels sont projetés des images pleines de couleurs et de folie comme des pilules multicolores pour Corinne, des chaussons de ballerines pour Dans mon corps de jeune fille, un requin qui sourit pour Tout nu sur la plage ou des perroquets qui font du rola bola sur Beaucoup de plaisir.
La musique des Trois Accords est rock’n frenetic, et c’est pareil pour le montage qui nous tient en alerte du début à la fin.
Les chansons sont entrecoupées de courtes vignettes sonores humoristiques à propos de la production du film.
Je me rappelle la première fois que j’ai parlé des Trois Accords au Téléjournal, il y a de ça presque 20 ans. Je le faisais parce que c’était le phénomène de l’heure. À l’époque, je ne m’attendais pas à ce que ce groupe déjanté dure bien longtemps. J’ai été confondu. Ils n’ont jamais dérogé à leur concept, et leur succès ne s’est jamais démenti. La preuve qu’il y a quelque chose là, ils ont été invités plusieurs fois à partager la scène avec nulle autre que l’Orchestre symphonique de Montréal.
Alors aujourd’hui, je le concède, Simon Proulx est un génie de la mélodie musicale et de l’absurde, avec des chansons qui ont l’art de toucher des zones sensibles. Il est entouré de musiciens exceptionnels. Le film nous en fait amplement la démonstration. Pierre-Luc Boisvert, c’est le pouls du groupe avec sa basse imparable. Charles Dubreuil est une machine à la batterie. Avec ses guitares, Alexandre Parr donne au son de la formation sa facture résolument rock. Son solo sur Les dauphins et les licornes est à jeter par terre. Pour le film, les musiciens des Trois Accords sont accompagnés du claviériste Gabriel Gratton et de la percussionniste Mélissa Lavergne. Ça sonne en titi.
Bref, ce film donne parfaitement dans le plaisir et, c’est garanti, Tout le monde capote comme le dit une autre des chansons au programme.