Que représente cette curieuse sculpture flottante à la marina? La réponse vous surprendra. À découvrir au tout début du parcours Passages insolites. Photo: Stéphane Bourgeois

Passages insolites et embuscades artistiques, l’art public dans les rues du Vieux-Québec

L’art est essentiel, s’il y a bien une chose que la pandémie nous aura appris, c’est bien celle-là. L’art est un formidable ciment social et quand il descend dans la rue, il transforme les villes, surprend, interpelle ou émeut les passants qui, tout à coup, sourient, sourcillent, commentent, photographient et échangent. C’est cette expérience unique, sympathique et un peu déstabilisante que nous fait vivre cet été jusqu’au 11 octobre, Passages insolites une innovation de l’organisme EXMURO à Québec. Pour cette huitième édition on a, non seulement étendu le parcours, mais on a également inclus les arts vivants dans les rues du Vieux-Québec avec Les embuscades, des performances artistiques furtives qui surgiront sur votre parcours du 14 juillet au 22 août du mercredi au dimanche entre 13h et 17h.



Au détour d’une rue, alors que vous fouinez à une boutique, soudain deux personnages s’animent sous nos yeux, la scène qui nous intrigue d’abord nous déstabilise un peu… Est-ce un jeu ou la réalité? Comédiens, acrobates, chanteurs, musiciens : au total, c’est 30 artistes de cinq disciplines (art multi, théâtre, cirque, musique et danse) qui ont été invités par l’organisme Acte Premier à créer, en toute liberté, des numéros et des performances qu’ils livrent au gré du hasard sur la route des visiteurs de la vieille ville. Quelle idée fantastique, quel bel espace de création pour ces artistes émergents pour la plupart que la pandémie a, dans bien des cas, réduit au silence.

En conférence de presse, Vincent Roy, directeur général et artistique d’EXMURO et Marc Gourdeau, directeur général et artistique de Premier Acte, ont tous deux insisté sur l’importance de provoquer des occasions d’expression et de création pour les artistes, qui du jour au lendemain, pendant la pandémie, se sont retrouvés sans public, sans contrats, sans lieux d’expression et nous, sans eux. Animer les rues d’embuscades artistiques? L’idée m’a vraiment plu. Si vous voulez vous faire surprendre vous aussi à ces sympathiques embuscades, il vous suffit de déambuler dans les rues du vieux Québec d’ici le 22 août et de garder l’œil et l’esprit ouverts. Vous êtes pratiquement assurés de vous faire embusquer, puisque 25 numéros originaux dans 75 prestations/apparitions ont lieu chaque jour dans le Vieux-Québec.

Des acrobates qui performent soudainement sur vos pas. L'expérience des embuscades est multiple, ici des artistes de cirque
Photo: Stéphane Bourgeois

Coup de chapeau à Vincent Roy qui a eu cette idée d’intégrer les arts vivants à l’expérience des Passages insolites et à Marc Gourdeau, qui avec Premier Acte a répondu présent et réuni des artistes et des organisations de plusieurs horizons artistiques, offrant ainsi à des artistes émergents une super plateforme. Je suis toujours impressionnée, voire touchée, par la passion et l’engagement qui animent les gens du milieu culturel. Leur créativité et leur volonté de faire vivre les arts teintent notre vie, y donnent souvent un sens et nous réunissent dans un ressenti collectif qui tisse notre identité culturelle. Les compagnies artistiques impliquées sont L’orchestre d’hommes-orchestres (L’ODHO) en art multi, FLIP Fabrique en arts du cirque, Le Crue en danse, District 7 Production en musique et Théâtre Kata.

Cette voyageuse qui semble s'envoler... une touriste heureuse? Les badauds l'observent, ils sont tombés dans une embuscade...
Photo: Stéphane Bourgeois

Des œuvres qui parlent et font parler

Revenons aux Passages insolites, j’ai pris un vif plaisir à parcourir les rues du Vieux-Québec à la recherche de ces œuvres parfois étranges, pour le moins insolites, mais porteuses de sens. J’ai pris aussi beaucoup de plaisir à voir les touristes, moins nombreux encore cet été, mais tout de même présents, à chercher les carrés et les flèches jaunes au sol qui indiquent le chemin ou la présence des œuvres et à voir leurs réactions. Éclats de rire, sursauts, regards scrutateurs, aucune de ces œuvres ne laissent indifférents. Le corps étendu et coincé entre deux murs, une femme anonyme sans visage, surplombe une ruelle et stoppe la marche des visiteurs. On s’arrête forcément, on commente, on pointe de la tête cette inquiétante représentation d’une femme dont on voudrait connaître l’histoire.

Les voitures pelouses dans le Vieux-Québec.
Photo: Stéphane Bourgeois

Quelques cris de surprise proviennent des abords d’une petite cabane, ah! tiens c’est un kiosque de crème glacée, mais que diable y sert-on? Je vous laisse le découvrir au pied du Petit Champlain. Et ce pêcheur à la silhouette si vraisemblable et au visage sombre et anonyme qui tient sa ligne au-dessus d’un cours d’eau asséché? Et ces voitures têtes en bas, dont le dessous ainsi exposé est recouvert d’une herbe verte qui y pousse? Bon, je m’arrête là, pas question de tout vous dévoiler, sauf pour vous dire que mon de coup de cœur va à une immense sculpture, autoportrait de l’artiste (rare en sculpture). Je vous invite plutôt à faire le circuit qui, cette année s’est élargi.

Assurément un coup de coeur pour cette sculpture géante autoportrait de l'artiste.
Photo: Françoise Genest

Le parcours principal fait environ 5 km, depuis le Petit Champlain, jusqu’à Saint-Sauveur en passant par le Vieux-Port, la Place Royale et Saint-Roch. Au total une vingtaine d’œuvres à découvrir, certaines d’envergures internationales, comme Les voitures pelouses de Benedetto Bufalino (France). Un moment d’adaptation (dans le bassin Louise), œuvre de Nicole Banowetz (États-Unis) ou encore trois œuvres de trois grandes artistes suédoises. Fait à souligner, pour la première fois cette année, il est possible de se procurer le catalogue des œuvres des Passages insolites, qui se détaille à 25 $ et qu’on peut se procurer à l’accueil de l’Espace 400e.

Une des oeuvres des Passages insolites. Au sommet de la montage de Charles-Étienne Brochu.
Photo: Stéphane Bourgeois

Je vous recommande de débuter votre circuit par une exposition primeur du Boston Museum of Bad Art, le Musée du Bad Art que vous pouvez voir à l’Espace 400e près de la Marina, où vous trouverez aussi les cartes du circuit et les infos d’usage. L’exposition, qui fait partie des Passages insolites, réunit des œuvres «si mauvaises qu’elles ne peuvent être ignorées».

À elle seule, cette oeuvre du Musée du Bad Art résume bien les défauts artistiques des oeuvres de l'exposition.
Photo: Françoise Genest

C’est une idée qui nous arrive de Boston et qui semble farfelue, mais qui est pourtant très intéressante, car elle pousse la réflexion sur ce qui constitue ou non une œuvre d’art, une œuvre réussie ou non. Gaucheries dans la technique, dans la palette ou dans le sujet, ces œuvres font à la fois sourire et réfléchir. L’exposition vous demandera environ 30 à 40 minutes, c’est gratuit comme toutes les prestations et le circuit des Passages insolites et des Embuscades. Et si le Bad art vous intéresse, vous pouvez pousser l’expérience plus loin par une visite virtuelle du musée bostonnais http://museumofbadart.org

Le Vieux-Québec, n’est jamais ennuyant. S’y faire « piéger » par des artistes ou surprendre par des œuvres, rend la visite encore plus sympathique et enrichissante. Laissez-vous prendre au jeu!

Les passages insolites ailleurs au Québec

C'est à la Place des festivals qu'on peut voir cette oeuvre des Passages insolites à Montréal.
Photo: EXMURO

En version plus réduite mais tout aussi sympathique, les Passages insolites laissent leur marque à Longueuil, à Trois-Rivières, à Terrebonne, à Gatineau et à Montréal avec des œuvres qui ont déjà fait partie du parcours de Québec. À découvrir…

C'est à Longueuil qu'on peut voir cette oeuvre de Demers-Mesnard, Les heureux naufragés, déjà présentée à Québec. Photo: Seminaro7