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Pleins feux sur le camping au Québec

Le camping au Québec sera l’une des vedettes de cet été, à n’en pas douter, mais les places seront «chères», car nombreux sont les sites qui n’ouvrent pas au maximum de leur capacité et qui bénéficient déjà de réservations de «fidèles». Voici quelques nouvelles toutes fraîches sur le camping, la location d’équipements et le transport collectif vers certains parcs. 

«L’industrie» québécoise du camping trépignait en mai de pouvoir ouvrir ses sites. C’est maintenant chose faite avec des dates d’ouverture variant d’un camping à l’autre, qu’il soit privé ou public.

De parc en camping privé

Dans le réseau des parcs nationaux de la SÉPAQ, les hébergements – chalets, campings, prêts-à-camper, camps rustiques, yourtes – ont ouvert le 1er juin pour la plupart, avec des règles sanitaires strictes, dont celle d’être «de la même unité familiale» pour réserver un site. Parcs Canada a décidé pour sa part d’attendre le 21 juin pour procéder à l’ouverture de ses campings.

Les autres parcs (privés, OBNL, municipaux ou régionaux) agissent en ordre dispersé. Certains débutent leurs opérations ce week-end, d’autres plus tard en juin. On a appris cette semaine, par exemple, que certains n’ouvriraient carrément pas leurs portes aux campeurs avec tentes, mais seulement aux véhicules récréatifs pour ne pas avoir à ouvrir et entretenir les toilettes.

Le très couru Paradis marin à Grandes-Bergeronnes, sur la Côte-Nord, est l’un de ceux qui ont pris cette décision de garder leurs blocs sanitaires fermés et de n’accepter que les réservations de voyageurs à bord de véhicules ayant leurs propres toilettes et douches. Bien triste pour ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir plus qu’une auto et une tente.

À la SEBKA (camping, kayak, escalade), près de Kamouraska, dans le Bas-Saint-Laurent, on ouvre le 15 juin, mais en accès limité tant pour le camping que pour l’escalade, et sans sorties guidées de kayak cet été. Le site très sympathique en bordure du Saint-Laurent a (heureusement pour lui et malheureusement pour ceux qui n’ont pas été prévoyants) rempli son quota de sites de campings réservés pour TOUT l’été, de mi-juin au 7 septembre. Il faut dire qu’avec 50% de sites en moins et alors que 25% des restants étaient déjà réservés en janvier, il ne restait pas beaucoup de chances aux retardataires… Parfois, il y a quand même des annulations!

La SEBKA, site très sympathique en bordure du Sainte-Laurent, a rempli son quoto de sites de campings réservés pour TOUT l'été. Photo: Facebook SEBKA

Pour les ouvertures de campings des parcs régionaux (52) et autres activités des membres (140 entreprises) de l’association Aventure Écotourisme Québec, je vous suggère de visiter la toute nouvelle page «Plein air d’ici» mise à jour en permanence. On y répertorie les lieux ouverts et bientôt, espère-t-on, leurs activités guidées. Dans tous les cas, réservez là où vous voulez camper au plus vite... s’il reste de la place!

Camper sur l’île d’Orléans

La pointe d’Argentenay, à Saint-François-de-l’île-d’Orléans, est l’un des plus beaux sites encore sauvages de l’île d’Orléans, entourée de battures faisant face au fleuve côté est, mais elle n’est pas facile d’accès. Elle est partagée entre des terres privées et la propriété des Scouts du district de Québec, que Huttopia avait lorgnée il y a quelques années pour en faire un site de choix afin d’agrandir sa famille de villages de glamping (prêts-à-camper) au Québec (Sutton) et dans l’Est américain (Montagnes Blanches et sud du Maine). Le groupe a renoncé à ce projet et les Scouts ont gardé le site.

Je vous annonce donc en primeur un nouveau partenariat qui va plaire aux amateurs de camping rustique. Il a été conclu par les Scouts de Québec avec Quatre Natures, entreprise en tourisme d’aventure de la région de Québec, pour gérer conjointement le Camping de la Pointe.

Créée par Johann Moucheboeuf, Quatre Natures propose des sorties guidées en kayak de mer à l’île d’Orléans, ainsi que du canot-camping dans le parc de la Jacques-Cartier, de la randonnée et du vélo de montagne dans la région de Québec. Cet été, exit ces trois dernières activités pour cause de COVID-19. Restera, espère Johann, le kayak de mer dès que les autorités gouvernementales autoriseront les sorties guidées avec règles de santé publique et un nouveau service de location de vélos électriques. Sans compter le camping rustique de l’île d’Orléans qui ouvre ce 8 juin, et jusqu’à mi-septembre. Au programme: une cinquantaine de sites, dont une douzaine en bordure de fleuve et le reste en forêt. Une jolie cabane-tipi est aussi à louer et devrait faire des petits bientôt.

Le camping rustique de l’île d’Orléans ouvre ce 8 juin, et jusqu’à mi-septembre. Photo: Facebook Camping de la Pointe

Des services novateurs québécois pour aller camper

Voici un autre fou de plein air qui ne manque pas d’idées. David Tall a bien profité des temps libres que lui laissait son travail à Aéroports de Montréal ce printemps. Le jeune homme a peaufiné son idée de fournir aux gens de la région du Grand Montréal qui voudraient faire du camping tout le matériel nécessaire (de bonne qualité et à prix raisonnable) sans avoir à l’acheter, et ce, à partir du 24 juin.

Locapaq offrira dès le 10 juin sur son site la possibilité de réserver aussi bien une tente que tout ce qu’il faut pour y dormir confortablement et le nécessaire pour cuisiner en camping (incluant réchaud, casseroles…). La location (avec instructions de montage et d’utilisation par produit) est faite pour 3, 7, 10 ou 24 jours. On peut louer ce qui nous manque à la pièce, par exemple une bonne tente pour trois personnes à 50$ du vendredi au dimanche. Des «ensembles» pour une, deux ou quatre personnes sont offerts à prix compétitifs. Nettoyage, inspection et aseptisation sont garantis entre chaque utilisation.

David était déjà partenaire de Karavaniers pour la location de matériel d’expédition performant et propose donc aussi des sacs à dos de qualité, des bâtons de marche, des trousses de premiers soins et même des repas lyophilisés de qualité supérieure. Provenant de la compagnie québécoise Happy Yak, ils sont faciles à réhydrater à l’eau bouillante et délicieux, ce qui est rare, parole d’experte.

Locapaq propose aux gens de la région du Grand Montréal qui voudraient faire du camping tout le matériel nécessaire (de bonne qualité et à prix raisonnable) sans avoir à l’acheter. Photo: Facebook Locapaq

Navette Nature: partira, partira pas?

Locapaq s’est aussi associé avec Navette Nature, dite NANA. Cette autre entreprise montréalaise créée par deux jeunes entrepreneuses se spécialise depuis cinq ans dans le transport par autobus vers quelques parcs nationaux, été comme hiver, pour permettre aux gens qui ne peuvent ou ne veulent pas prendre une auto d’aller y faire de la randonnée, du canot, de la baignade ou du camping au départ de Montréal. Ses clients se verront désormais proposer en location une «trousse Navette Nature» préparée par Locapaq (avec sac à dos, bâtons de randonnée, trousse de premiers soins et coussin pour s’asseoir). À condition que la navette reprenne du service cet été…

Pas facile, en effet, de faire du transport collectif par les temps qui courent! «On est prêt à démarrer au 24 juin; notre calendrier est en ligne et les réservations sont ouvertes, mais nous ne pourrons pas fonctionner comme petite entreprise avec 50% de passagers dans nos autobus comme l’exigent les règles sanitaires actuelles», précise Catherine Lefebvre, co-fondatrice de Navette Nature. «On a besoin d’une aide gouvernementale, ajoute-t-elle, pour démarrer nos sorties à la journée cette année.»

Navette Nature se spécalise dans le transport par autobus vers quelques parcs nationaux pour permettre aux gens qui ne peuvent ou ne veulent pas prendre une auto d’aller y faire de la randonnée, du canot, de la baignade ou du camping au départ de Montréal. L'entreprise aura besoin d'aide pour y arriver cet été. Photo: Facebook La Navette Nature

On leur souhaite parce que ce «service de facilitateur» d’accès à la nature est essentiel. Il a été utilisé par 6400 personnes en 2019 pour se rendre dans cinq parcs nationaux: Orford, Mauricie, Tremblant, Oka et Yamaska. Cet été, le service se limiterait aux trois premiers.

Navette Nature avait même l’ambition cet été de proposer des départs de Québec vers les trois parcs nationaux de la Jacques-Cartier, des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie et des Grands-Jardins. «On était bien excité, mais on garde l’idée pour 2021», souligne Catherine. Même chose pour un développement à venir de tournées gourmandes en région et de déplacements vers quelques parcs régionaux.

N’hésitez tout de même pas à réserver une place à bord d’une Navette Nature pour le jour de votre choix cet été, car vous pourrez toujours modifier vos dates ou vous faire rembourser. Ça, c’est garanti!

Retour à la nature: des règles et des espoirs

Pour permettre le retour d’un accès à la nature ordonné et progressif, les règles et conseils fusent désormais de partout. Tour d’horizon pour s’y retrouver avant le grand saut dans nos bois, sur nos sommets ou nos plans d’eau…

Le 20 mai a marqué la réouverture très attendue de presque tous les parcs nationaux du Québec, marquant d’une pierre blanche le début d’une aventure inédite à la sauce COVID-19. Le déconfinement au Québec progresse lentement mais surement, espère-t-on, mais pour le réussir, chacun doit y mettre du sien, y compris dans le milieu du plein air et autant du côté des entreprises ou gestionnaires de parcs que de ceux qui trépignent de faire de la randonnée, du vélo, du canot ou du kayak. Voici quelques balises pour s’y retrouver.

Activités de plein air autorisées

Le 14 mai, le gouvernement québécois a annoncé la reprise graduelle des activités sportives et de plein air partout au Québec, sous réserve du respect de règles de santé et de sécurité.

  • Sont notamment concernés: le canot, le kayak, l’escalade de roche, le kitesurf, le surf, la planche, la plongée, la randonnée pédestre ou équestre, la natation, le patin à roulettes, la voile. Le vélo avait déjà été permis.
  • La pratique «libre non organisée» individuelle ou à deux sans contact physique est seule autorisée, sauf pour les personnes vivant sous un même toit. Pas de sorties de groupe ni guidées pour l’instant.
  • Seules les sorties à la journée sont possibles, sans hébergement ou camping sur place.
  • La circulation interrégionale et les déplacements longue distance sont à éviter.
Photo: Heberti Almeida, Unsplash

On s’occupe de vous, occupez-vous de vous (et des autres)

L’organisme Rando Québec, associé notamment à Aventure Écotourisme Québec, à Vélo Québec, aux parcs régionaux et au Laboratoire d’expertise et de recherche en plein air de l’Université du Québec à Chicoutimi, a travaillé d’arrache-pied ces derniers temps à aider le milieu à adopter les meilleures règles d’adaptation à la situation, notamment pour la distanciation physique et la propreté d’installations et de matériels. L’organisme, qui fédère de nombreux clubs de marche, vient aussi d’édicter un «code de conduite des pratiquant·e·s en contexte de pandémie de COVID-19». L’idée, comme le soulignait le 18 mai Marie Tison dans La Presse, est que «cette première phase de déconfinement se passe bien pour ne pas devoir reculer en chemin». Nicholas Bergeron, directeur technique à Rando Québec, a l’espoir que cela permette de «garder les sentiers ouverts».

Dans un deuxième temps, si tout se passe bien, la distance des déplacements suggérés pourrait être augmentée, l’espoir étant de ne plus avoir de restrictions de déplacements au Québec cet été.

  • Le code, en tableau synthétique, présente aux randonneurs les différentes règles à suivre pour adapter leur conduite à la situation actuelle.
  • Les règles sanitaires de base édictées par la Santé publique s’imposent aux amateurs de plein air: lavage de mains, tousser dans son coude, distanciation physique de deux mètres, interdiction de rassemblement, par exemple.

S’y ajoutent selon le code:

  • Être autonome: en eau, nourriture, masque, gel hydroalcoolique, lunettes de soleil ou de vision pour se protéger les yeux.
  • Utiliser votre gel sur toute surface touchée par d’autres.
  • Respecter les fermetures de sites, de bâtiments et de sentiers.
  • Utiliser si possible vos propres équipements (de randonnée ou de canot-kayak).
  • Éviter de vous placer en situation dangereuse qui pourrait nécessiter une intervention d’urgence.
  • Garder vos chiens en laisse longue de 1,5 m maximum.
  • Adopter un comportement respectueux de l’éthique du plein air Sans trace.
Photo: Jon Flobrant, Unsplash

En sentier, le code de conduite suggère fortement au randonneur de:

  • Changer de plan si le site convoité est plein.
  • Respecter la signalisation, par exemple en cas de sens unique de circulation.
  • Respecter la capacité maximale de présence aux belvédères, points de vue, sites de pause, en laissant votre place aux nouveaux arrivants.
  • Conserver la distance de 2 mètres chaque fois que possible. En cas de croisement sur un sentier, la priorité va aux personnes en montée. Immobilisez-vous en leur tournant le dos ou en vous couvrant bouche et nez. En dépassement, prévenez la personne avec courtoisie, celle-ci appliquant la règle précédente.
  • Éviter si possible l’utilisation d’aides à la progression (mains-courantes, arbres, branches, roches) que d’autres peuvent toucher ou se désinfecter les mains.
  • Éviter si possible l’utilisation des toilettes sèches.

Dans un parc national pas trop loin de chez vous

Si Parcs Canada annonce la réouverture de certains de ses sites au 1er juin (sans camping avant le 21 juin), la SEPAQ a redonné accès à la plupart des parcs de son réseau depuis le 20 mai. Ceux des Monts-Valin et de la Pointe-Taillon n’ouvriront que le 29 mai, le parc de Miguasha, le 19 juin et celui d’Anticosti, le 20 juin. Le parc de la Chute-Montmorency, près de Québec, n’est ouvert depuis le 20 mai qu’en accès piétonnier. Les réserves fauniques ouvrent pour la pêche à des dates variées en juin. Consultez le site de la SEPAQ pour connaitre les dernières nouvelles de chaque parc.

  • La randonnée, le vélo et la pêche à la journée sont les seules activités possibles.
  • Les sentiers pédestres ouverts sont limités en nombre.
  • Les droits d’accès doivent être payés d’avance: 8,90$ par personne (gratuit jusqu’à 17 ans); 80,25$ pour la carte annuelle des parcs; 44,50$ pour un seul parc. Imprimez vos droits d’accès ou faites une capture d’écran sur votre téléphone cellulaire.
  • La SEPAQ prend le même type de mesures que le code de conduite de Rando Québec concernant l’entretien, la sécurité, l’accès limité aux activités ou aires communes.
  • Les bâtiments de services, y compris les toilettes, demeurent fermés.
Photo: John Sekutowski, Unsplash

Toilettes ou poubelle en plein air?

Si l’on comprend la crainte que l’utilisation des toilettes sur les sites de plein air puisse être source de propagation du virus, j’ai du mal à accepter qu’on ouvre des parcs comme ceux de la SEPAQ tout en fermant leurs toilettes aux visiteurs. On voit mal comment ils pourront passer une journée en plein air sans avoir besoin d’y aller… Les fermer, au motif qu’il est «risqué» de les fréquenter ou parce qu’on ne veut pas prendre la responsabilité de les nettoyer adéquatement plusieurs fois par jour, me semble une grossière erreur. Au lieu d’inciter les visiteurs à être encore plus vigilants pour se nettoyer et se désinfecter les mains après un passage aux toilettes, elle ouvre la porte à tous les abus par ceux qui n’appliqueront pas le principe du «Sans trace» quand ils iront dans le bois (ou à l’arrière des toilettes fermées) pour se soulager…

Curieusement, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a publié le 19 mai un guide de normes sanitaires en cette période de déconfinement, assorti d’outils spécifiques pour le secteur des activités de loisirs, de sport et plein air. On n’y trouve nullement mention d’une recommandation de fermeture de toilettes, mais plutôt celle que les toilettes et autres blocs sanitaires soient «nettoyés à chaque quart de travail et désinfectés tous les jours».

En attendant que les toilettes ouvrent dans nos parcs, le minimum que vous puissiez faire est de transporter du papier toilette avec vous ainsi qu’un petit sac en plastique qui se referme, pour y mettre vos papiers «souillés» et ne pas les laisser à la vue des autres, d’autant qu’ils mettent des années à se biodégrader! Une saine habitude à conserver pour toujours…

L’accès à la nature, un service essentiel?

La nature s’éveille et tant de temps passé en confinement donne encore plus que d’habitude le goût de sortir dans un parc et de reprendre des activités de plein air, comme la marche, le vélo, le canot ou le kayak…

Des voix s’élèvent de plus en plus pour que l’accès à la nature soit considéré comme un «service essentiel» et que les parcs hors des grands centres urbains, fermés depuis des semaines, rouvrent rapidement, mais les contraintes nouvelles de distanciation ralentissent le processus.

Heureux sont ceux qui, comme moi, ont une forêt à l’arrière de chez eux, une montagne à moins d’un kilomètre, un lac, une rivière ou un fleuve à proximité. Les réseaux sociaux fourmillent ces jours-ci de photos de kayakistes naviguant sur le fleuve Saint-Laurent, de cyclistes en balade sur les routes du Québec, de randonneurs paradant sur un sommet. Moi-même, j’ai sorti mon canot dimanche dernier pour glisser dans les eaux libres entre les glaces d’un lac et admiré un huard dont l’arrivée m’avait été annoncée au matin par son chant magnifique.

Tous n’ont pas cette chance, notamment ceux qui habitent en ville. Comment ne pas envahir les parcs de Montréal quand on n’a pas un chalet à la campagne, qu’on ne peut louer une chambre d’hôtel ou un refuge pour s’évader en région et que tous les parcs hors des villes sont fermés? Devant cette affluence, la Ville de Montréal a fermé les stationnements de plusieurs grands parcs pour en limiter l’accès à ceux qui peuvent s’y rendre à pied ou à vélo, mais n’est-ce pas une source d’inégalité pour ceux qui n’ont pas de parcs à proximité de chez eux et ne peuvent se déplacer facilement par ces modes de transport? Et une source d’inégalité «sanitaire» puisqu’ils opteront peut-être pour le métro ou l’autobus, désormais plus «dangereux» que la sacro-sainte automobile…

Ouvrir les parcs nationaux, régionaux et municipaux à l’extérieur des grands centres serait apprécié de ceux qui vivent à proximité et permettrait de relâcher un peu la pression sur les espaces naturels urbains.

Photo: David Murray Chambers, Unsplash

Oui au magasinage, pas aux parcs?

Lundi dernier, Alice-Anne Simard, directrice générale de l’organisation environnementaliste Nature Québec, réclamait une réouverture des 24 parcs gérés par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), s’étonnant que «les gens puissent aller magasiner à compter de ce lundi dans la plupart des régions du Québec» (sauf Montréal), mais qu’il ne leur soit «pas permis d’aller marcher en sentier dans un parc national où la distanciation physique est beaucoup plus facile à respecter».

Comme plusieurs autres, y compris d’éminents scientifiques, Mme Simard soutient que les espaces naturels ont des impacts positifs sur la santé physique et mentale, diminuant les symptômes d’anxiété et de dépression, le stress et la fatigue mentale. Nature Québec croit donc que l’accès à la nature est «une mesure de santé publique que le gouvernement doit favoriser», surtout pendant une crise aussi anxiogène que celle provoquée par le coronavirus.

Depuis le début de cette crise sanitaire, j’ai l’intime conviction que l’accès à la nature devrait être considéré comme un «service essentiel» à notre santé physique et mentale. C’est bien la raison pour laquelle les parcs de Montréal sont restés ouverts et j’espère bien que quelques hurluberlus irrespectueux des règles de distanciation sociale seront contrôlés comme il se doit pour qu’on ne dérape pas vers des fermetures de parcs urbains qui soulèveraient la colère.

Photo: Julia Kirilova, Unsplash

«Conversations» du Sommet du plein air

Pour les parcs nationaux du Canada, ceux du Québec, les parcs régionaux et autres, je ne vois pas pourquoi ils continuent d’être exclus des ouvertures programmées actuellement par les gouvernements. C’est l’un des sujets de l’heure dans le milieu du plein air pancanadien.

Il y a près d’un mois que je participe aux «conversations» virtuelles, initiées par l’Outdoor Council of Canada (Conseil canadien de plein air), qui préparait la tenue d’un «Sommet du plein air» à Gatineau en septembre. Ce grand rendez-vous de l’industrie canadienne n’aura pas lieu, mais ses organisateurs ont utilisé leur liste de participants pour provoquer une discussion passionnante sur les défis auxquels ils font face et sur les moyens d’adapter leurs pratiques à la nouvelle réalité sanitaire.

Ces conversations ont réuni virtuellement chaque semaine plus d’une centaine de membres de la communauté canadienne du plein air. De là est née la création d’une plateforme, Thoughtexchange, qui recense déjà 150 «bonnes idées» et 2850 évaluations d’idées par les participants. L’accès à des activités de plein air, considéré comme un service essentiel, arrive en tête de ce sondage-éclair du milieu. On y considère l’accès à la nature comme «un facteur de prévention de la crise de santé mentale qui se profile à l’horizon», en plus de contribuer à la santé physique de la population.

Le groupe met de l’avant l’expertise actuelle des organisateurs d’activités de plein air, qui leur permettra d’accueillir des participants en respectant les règles de santé publique, telles que la distanciation sociale. Le groupe en appelle aussi à travailler avec les provinces pour rouvrir dès que possible les parcs et autres sites naturels, en adoptant des règles conformes à la lutte contre la COVID-19.

Au cours de ces discussions, Jeff Willis, président de Fireside Adventures et membre du Conseil canadien de plein air, rappelait que «les gens veulent reprendre les activités de plein air qu’ils aiment». Pour que ça ne soit pas dans le désordre du «free for all», il faut se préparer adéquatement dans les parcs comme ailleurs à les recevoir, avec des règles sanitaires bien précises à respecter.

Photo: Lea B, Unsplash

En mode préouverture des parcs et entreprises de plein air

La patience ayant en effet des limites, surtout à l’approche des beaux jours, il devient urgent de fixer de telles règles. Au Québec, l’industrie touristique prépare avec le gouvernement un plan sanitaire pour son redémarrage dans les prochaines semaines. Nul doute que son application sera progressive, comme devraient l’être l’ouverture de nos parcs et la disponibilité d’activités de plein air à réserver. Un exemple: s’il peut sembler facile d’organiser une sortie de canot en groupe sur une rivière en pratiquant la distanciation physique (à condition d’avoir dans un canot deux personnes vivant sous un même toit), comment faire si l’on doit déplacer le groupe en amont d’une rivière, comme on le faisait auparavant en minibus? Comment organiser une longue randonnée pédestre ou une expédition de kayak de mer avec un groupe en dormant sous tente et en partageant les repas? Comment limiter le nombre de personnes sur un sentier ou leur présence sur un petit belvédère?

S’agissant du secteur de la randonnée, l’organisme Rando Québec annonçait cette semaine avoir réuni virtuellement des acteurs du milieu du plein air pour édicter ensemble «des lignes directrices claires autour de la pratique de la randonnée pédestre et du plein air dans le contexte sanitaire de la COVID-19». La SEPAQ, Aventure Écotourisme Québec, Vélo Québec, Sans trace Canada, l’Association des guides professionnels en tourisme d’aventure y participaient notamment, aux côtés de réseaux membres de Rando Québec et du Laboratoire d’expertise et de recherche en plein air (LERPA) de l’Université du Québec à Chicoutimi.

Si les Québécois trépignent d’impatience pour retourner jouer dehors, et qu’ils seront plus nombreux que jamais à le faire cet été, le milieu prône la prudence pour des raisons de santé et de sécurité. «De nombreux enjeux, souligne Rando Québec, doivent être considérés afin de protéger adéquatement la population et de préserver les milieux naturels: l’augmentation significative de l’achalandage attendu dans les parcs, l’étroitesse de nombreux sentiers, ainsi que les espaces restreints dans les belvédères et points de vue.» Pas d’«ouverture précipitée et mal encadrée», selon le milieu, avant la sortie – d’ici quelques semaines – d’un guide fixant des règles nouvelles pour les gestionnaires de sites de randonnée et édictant des recommandations aux pratiquants pour adopter de «nouvelles habitudes de pratique pour un retour sécuritaire aux activités de plein air.

Comme ce sera certainement le cas aussi pour les activités autres que la randonnée, il faut espérer que l’on s’entende rapidement sur ces règles et sur ce qu’on autorise à la suite d’une ouverture des parcs et entreprises de plein air, au risque sinon de voir se déplacer le problème sanitaire et de sécurité ailleurs, les plus avides d’aller jouer dehors se précipitant dans tous les espaces naturels non contrôlés, sur terre comme sur l’eau…

Rêver notre été avant de le vivre en vrai?

Rêver à ce que nous ferons cet été comme activités de plein air, dans quelles régions du Québec, dans quels parcs, avec qui? Voilà ce que nous faisons quand vient le temps de planifier nos vacances estivales, nos expéditions, nos week-ends… Ce rêve, il faut le garder vivant!

En piste pour le futur

Le retour à la normale dans le monde du plein air comme ailleurs n’est certes pas pour demain, avec les contraintes de déplacement, les parcs et entreprises fermés. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas rêver qu’on pourra, un jour prochain, reprendre nos randonnées à pied, nos balades à vélo, nos sorties en kayak de mer dans nos belles régions du Québec, en prenant les précautions qui seront requises, notamment la règle de la distanciation sociale.

Les régions se préparent toujours à vous accueillir dès que la règle du confinement sera assouplie. Profitez donc du confinement pour faire des recherches sur leurs sites touristiques et ceux des entreprises de plein air qui sont spécialisées dans les activités qui vous tentent. Le site d’Aventure Écotourisme Québec est la porte d’entrée à privilégier pour accéder au répertoire de ses entreprises membres et de parcs régionaux accrédités. Vous pourriez même réserver vos séjours ou activités, car nombreux sont ceux qui offrent depuis le début de la crise sanitaire des facilités nouvelles d’annulation pure et simple si la situation vous y obligeait. 

Le vélo en vedette dans quatre régions

Selon une enquête de 2018 de la Chaire de tourisme Transat-UQAM, 14% des visiteurs estivaux en région inscrivaient le vélo dans leur plan d’activités. Nul doute que ce pourcentage est encore plus fort aujourd’hui avec le développement accéléré du vélo de montagne et du gravel bike, s’ajoutant aux circuits habituels de vélo de route. Le respect de la distanciation sociale étant facilité en bicyclette, on voit déjà à Montréal comme en région qu’elle devient pour beaucoup un «outil» privilégié de déplacement urbain comme d’activité sportive à la campagne.

Cantons-de-l'Est

Tourisme Cantons-de-l’Est a mis au point un nouveau guide vélo. Il propose 34 circuits en quatre expériences clés aux titres parfois accrocheurs: «C’est ici que je me dépasse»; «C’est ici que je me balade»; «Vélo de montagne»; «Parcs nationaux de la région».

Il y en a pour tous les goûts et chaque circuit détaille des infos pratiques telles que le niveau de difficulté, la longueur, des coups de cœur et attraits incontournables. Les pages du guide sont détachables pour en faciliter l’utilisation à vélo. En cette période de confinement, vous pouvez commander le guide en ligne ou le télécharger sur le site de Tourisme Cantons-de-l’Est et ici.

Le guide Circuits vélo - Édition 2020-2021 des Cantons-de-l'Est comprend 20 circuits vélo, classés en trois catégories, ainsi que de l’information technique et plusieurs coups de cœur.

Laurentides

Dans les Laurentides, une nouveauté pour les cyclistes (et marcheurs) qui emprunteront la piste du parc linéaire du P’tit Train du Nord quand il rouvrira: en passant par Prévost, sur cette ancienne voie ferrée courant sur 232 km jusqu’à Mont-Laurier, ils pourront faire arrêt à la jolie gare ancienne consacrée cette année «maison d’accueil» du parc.

La gare ancienne de Prévost est consacrée cette année «maison d’accueil» du parc. Photo: Facebook Gare de Prévost

Outaouais

En Outaouais, on ne vous promet rien de moins que «le bonheur sur deux roues», avec 600 km de pistes dans la région d’Ottawa-Gatineau. Ajoutez-y l’ancienne voie ferrée du Cycloparc PPJ entre Wyman et L’Isle-aux-Allumettes dans le Pontiac (92 km) et la Véloroute des Draveurs, dans la vallée de la Gatineau. De Low à Messines, cette piste cyclable de 72 km (en poussière de pierre sur 44 km) constitue aussi un tronçon du sentier Transcanadien.

À hauteur du lac Edja à Blue Sea, vous aurez tout intérêt à vous rendre à Carpe Diem Aventures, une entreprise spécialisée dans l’organisation de forfaits de plein air. Carpe Diem loue des vélos, kayaks, canots et planches à pagaie, en plus de proposer un service de navette et d’avoir un camping. Cette année, si la situation s’améliore, on pourra même y dormir dans 12 nouveaux hébergements insolites: dix tentes suspendues et deux écolofts (microchalets)!

Chez Carpe Diem Aventures, si la situation s’améliore, on pourra dormir dans des tentes suspendues. Photo: Facebook CarpeDiem aventures

Centre-du-Québec

Dans la région du Centre-du-Québec, aussi réputée pour ses circuits vallonnés de vélo de route, le gravel bike commence à prendre son essor tandis que le vélo de montagne a particulièrement la cote sur les flancs du mont Arthabaska à Victoriaville et au parc régional de la rivière Gentilly à Sainte-Marie-de-Blandford. Ce parc compte 24 km de sentiers de vélo de montagne pour tous niveaux. On peut y louer des vélos de montagne et des fatbikes. Pour les enfants, la location de vélos est gratuite. L’accent est mis notamment cette année sur l’apprentissage du vélo en bas âge, avec 16 vélos d’équilibre pour les plus jeunes. 

La région du Centre-du-Québec est réputée pour ses circuits vallonnés de vélo de route. Photo: Facebook Tourisme Centre-du-Québec

À pied ou à cheval dans Chaudière-Appalaches

Dans Chaudière-Appalaches, la grande nouveauté du parc régional du Massif-du-Sud est l’ouverture d’un «pavillon de services Desjardins» avec aire de détente, comptoir-cuisine, location d’équipement de plein air, local d’interprétation, bloc sanitaire, buanderie et terrasse. Cinq PODS, prêts-à-camper, ont été ouverts l’automne dernier dans le secteur du Bassin. Après deux années de fermeture et un réaménagement complet des infrastructures, le secteur des Portes-de-l’Enfer (avec sentier pédestre donnant sur un canyon creusé par la rivière du Pin) devrait rouvrir en juin. Espérons qu’il le sera bien!

Au Domaine du Radar, à Saint-Sylvestre, le développement de la base de plein air se poursuit rondement. Cette année, dix Coolbox colorées (anciens conteneurs transformés en minilofts) sont disponibles sur le terrain, en plus d’un dixième chalet (pour dix personnes): un bon plan pour profiter des sentiers pédestres et de vélo de montagne, comme du parcours d’hébertisme, avant d’aller se baigner…

Aux Chalets Villégiature et Pourvoirie Daaquam, à Saint-Just-de-Bretenières, il y a longtemps qu’on organise des sorties à cheval dans la campagne environnante, mais voici peut-être venu le temps pour vous de partir en expédition à cheval. La pourvoirie comptait offrir ce forfait sur cinq jours cet été, avec coucher en refuge ou en tente prospecteur. Au programme: 140 km en nature sur votre monture à travers différents écosystèmes: forêt boréale, forêt mixte, tourbières, bords de lacs et de rivières. Espérons que ce forfait pourra être adapté à la règle de la distanciation sociale!

La pourvoirie Daaquam comptait offrir un forfait pour une expédition à cheval sur cinq jours avec coucher en refuge ou en tente prospecteur. Photo: Facebook Chalets Villégiature et Pourvoirie Daaquam

En camping ou sur l’eau dans Lanaudière

2020 devait être la première saison complète d’opération du camping rustique du parc régional des Chutes Monte-à-Peine-et-des-Dalles, à cheval sur les municipalités de Sainte-Béatrix, Saint-Jean-de-Matha et Sainte-Mélanie, dans Lanaudière. Les 22 sites de camping sans services sont accessibles avec une voiturette de golf pour transporter clients et bagages. Belle occasion (quand le parc rouvrira) pour découvrir tranquillement ses 17 km de sentiers et son beau canyon.

À Saint-Michel-des-Saints, c’est l’entreprise Jeunes entrepreneurs Haute-Matawinie qui ajoute une corde à son arc. En plus de gérer un camping rustique sur une île du réservoir du lac Taureau et de proposer des vélos électriques en location, elle avait tout prévu pour louer cet été des canots, kayaks et planches à pagaie afin de faire la descente de la très jolie rivière Matawin. On lui souhaite de pouvoir concrétiser ce projet.

 

L’entreprise Jeunes entrepreneurs Haute-Matawinie avait tout prévu pour louer cet été des canots, kayaks et planches à pagaie afin de faire la descente de la très jolie rivière Matawin. On lui souhaite de pouvoir concrétiser ce projet. Photo: Facebook JEHM

Du haut des airs dans Charlevoix

Dans la gamme des hébergements insolites proches de sites de plein air intéressants, Repère Boréal complète cette année son offre originale de «petites habitations en nature» sur les hauteurs de la Route du fleuve, aux Éboulements. À la différence de ces prédécesseurs qui gardent les pieds sur terre, les UHU (hibou en langue innue) prennent la vie de haut… Ces minichalets triangulaires sont en effet perchés à la cime des arbres, bien solides sur leurs grands pilotis.

Repère Boréal propose des minichalets triangulaires perchés à la cime des arbres. Photo: Facebook Repère Boréal

Une note d’humour signée Tourisme Côte-Nord

Un marsouin, deux chevreuils, deux Gilles Vigneault… Sur son compte Facebook, le bureau de Tourisme Côte-Nord publie à notre intention un petit «guide nord-côtier des distances» pour nous aider à bien respecter la distanciation sociale. C’est savoureux!

Photo: Facebook Tourisme Côte-Nord

Plein air-aventure: du pire au rêve de demain

La crise actuelle oblige les amateurs de plein air et de tourisme d’aventure à faire preuve de beaucoup de patience. Trois spécialistes de tourisme d’aventure racontent dans quelles conditions ils travaillent depuis que les frontières se sont fermées ou que le confinement est en vigueur et comment ils préparent pour vous la sortie de crise, avec l’espoir – comme pour nous tous – qu’elle vienne vite! 

Parcs et entreprises en tourisme d’aventure fermés, obligation de sorties réduites à la proximité des domiciles, accès limités à certaines régions… Le monde du plein air au Québec subit de plein fouet les effets de la crise de la COVID-19 et fournit sa part d’efforts pour réduire au minimum les risques de propagation du virus.

Même chose pour les agences spécialisées en tourisme d’aventure à l’international, dont il faut louer les efforts incroyables accomplis pour rapatrier leurs clients, aider les autres dans leurs démarches d’assurance annulation de voyages, tout en continuant à préparer les séjours de l’été avec un personnel réduit et dans des conditions financières très difficiles.

La crise de mars au Québec

«Nous avons manqué deux ou trois semaines d’activités en fin d’hiver», dit le directeur général d’Aventure Écotourisme Québec (AEQ), Pierre Gaudreault.

Dans cet entre-deux saisons, les effets de la crise semblent limités dans les 135 entreprises en écotourisme et tourisme d’aventure ainsi que dans les 50 parcs régionaux du Québec membres d’Aventure Écotourisme Québec. «Le moral est assez bon et les membres demeurent optimistes», affirme monsieur Gaudreault. Ceux qui travaillent avec une clientèle internationale sont nettement «plus nerveux».

Les plus affectés ces temps-ci sont ceux qui offrent habituellement au printemps des sorties ou des formations en rafting et kayak en eau vive. Pour eux, ce sera zéro revenu.

Les autres ne paniquent pas, mais l’incertitude provoque beaucoup d’inquiétude, note Pierre Gaudreault.

Si les parcs nationaux peuvent recevoir l’aide de leurs MRC respectives, les petites entreprises locales du secteur ne peuvent compter que sur elles-mêmes. «Notre secteur avait le vent dans les voiles en 2019. Tout allait bien, mais certains ont fait des investissements et le ralentissement actuel pèse sur les finances. C’est le calme plat depuis trois semaines. Les écoles fermées ont annulé leurs activités de plein air sans payer; les gens annulent leurs réservations et personne ne réserve pour l’été. Nos entreprises sont donc sans entrées d’argent».

L’AEQ a mis en place une équipe pour les aider à gérer la crise, avec une chaîne téléphonique, la fourniture d’un aide-mémoire sur les actions à prioriser, des conseils pour prendre des arrangements avec leurs fournisseurs et bailleurs de fonds.

Les plus affectés ces temps-ci sont ceux qui offrent habituellement au printemps des sorties ou des formations en rafting et kayak en eau vive. Photo: Rune Haugseng, Unsplash

Rapatriements rocambolesques

Il faut louer les efforts incroyables accomplis depuis mars par les agences de voyages québécoises pour rapatrier leurs clients de l’étranger. Tel fut le cas chez Terres d’Aventure Canada et Karavaniers, nos deux plus importantes agences spécialisées en tourisme d’aventure à l’international, qui travaillent toujours d’arrache-pied, à effectifs réduits et sans recettes nouvelles, pour servir leur clientèle.

Jad Haddad, directeur de Terres d’Aventure Canada, raconte: «Mi-mars a été une véritable course contre la montre car la situation changeait d’heure en heure, avec des pays fermant leurs frontières les uns après les autres, alors que nous tentions de ramener ici une vingtaine de clients se trouvant au Costa Rica, en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Australie, Nouvelle-Zélande, Maroc et Vietnam.» Les quelques employés de Montréal ont dû jouer des pieds et des mains, 24 heures sur 24, pour les épauler, leur trouver des vols de retour qui étaient ensuite annulés…

L’histoire d’un client qui devait partir en Jordanie début mars est éclairante. La veille, le pays ferme sa frontière. Terres d’Aventure lui propose alors de rejoindre plutôt un groupe pour un trek au Maroc. Le client à peine arrivé à Marrakech, le pays ferme aussi ses frontières et le reste du groupe n’arrive pas… «Nous avons dû le prendre en charge à distance et lui trouver un vol via la France.»

Jad Haddad, directeur de Terres d’Aventure Canada, a fait des pieds et des mains pour rapatrier un client qui devait partir en Jordanie début mars. Photo: Emile Guillemot, Unsplash

Richard Rémy, fondateur de Karavaniers et guide, explique de son côté que l’équipe de Montréal «a eu beaucoup d’adrénaline quand il a fallu rapatrier une quarantaine de clients en expédition au Népal et au Maroc. Nous avions sept personnes y travaillant à temps plein et l’un des rapatriements est digne d’un film de James Bond». Un groupe de jeunes adultes québécois traumatisés crâniens et leurs accompagnateurs se trouvaient dans le désert marocain avec leurs guides et éducateurs spécialisés quand l’heure du rapatriement a sonné. «Nous ne voulions pas les séparer sur différents vols et ça nous a pris du temps pour trouver la solution. La compagnie minière canadienne Thyssen cherchait elle aussi à ramener 40 employés du Maroc. On a négocié en secret avec elle pour noliser un avion qui est passé de Montréal à l’Islande, puis par l’Irlande, avant de ramener tout le monde de Marrakech au Québec.» La belle histoire, c’est que Thyssen a finalement pris en charge tous les frais de ce transport aérien!

L'équipe de Karavaniers a eu beaucoup d’adrénaline quand il a fallu rapatrier une quarantaine de clients en expédition au Népal et au Maroc. Photo: Sergey Pesterev, Unsplash

Aide aux annulations

En plus de s’occuper des rapatriements, Karavaniers a dû gérer les annulations de tous les voyages prévus en mars et avril pour cause de COVID-19. «On a travaillé fort et ce n’est pas fini», résume Richard Rémy. Une quinzaine de groupes ne sont pas partis. Il a fallu ensuite conseiller les gens pour qu’ils vérifient leurs couvertures d’assurance et demandent des remboursements.

Même son de cloche chez Terres d’Aventure Canada, où le gros du travail actuel est encore de servir le client en produisant notamment des documents pour faciliter les demandes aux assureurs ou au FICAV (Fonds d’indemnisation des clients d’agence de voyages), qui accepte les requêtes de clients dont les voyages sont annulés dans les 72 heures de la date de départ.

En général, «les clients ont été très compréhensifs sur le fait que nous ne pouvions pas nous-mêmes les rembourser, alors que nous avions déjà payé nos fournisseurs», précise Richard Rémy. Karavaniers travaille – depuis des années souvent – avec des agences locales et des guides qui préparent ses expéditions sur le terrain, au Pérou comme au Népal, notamment. «Pour avoir le meilleur service, on leur avance de l’argent pour qu’ils prennent des réservations, par exemple pour payer les permis d’accès au chemin des Incas. C’est aussi très important pour le futur que ceux avec qui nous travaillons à l’étranger ne perdent pas tout, alors qu’ils n’ont pas le filet social que nous pouvons avoir ici.»

«Nous n’allons pas demander à nos partenaires à l'étranger de nous rembourser alors qu’ils vivent des situations bien pires que les nôtres!» Photo: Adrian Dascal, Unsplash

Jad Haddad tient le même propos. «Certains ont l’impression que nous gardons leur argent, mais ce n’est pas le cas. En plus de tous nos services de conseils aux clients, notre travail de formation des équipes à destination est fait bien avant les départs et nous payons nos fournisseurs d’avance. Nous n’allons pas leur demander de nous rembourser alors qu’ils vivent des situations bien pires que les nôtres!»

Quand vient le temps d’annuler à la dernière minute, le client doit se tourner vers son assureur, mais pour les réservations à venir de mai ou pour plus tard, Terres d’Aventure Canada songe à offrir des crédits-voyage à ceux qui voudraient les annuler.

Karavaniers va s’attaquer bientôt pour sa part aux réservations faites pour des voyages en juin-juillet et pourrait envisager des remboursements partiels à la pièce, en fonction des conditions particulières à chaque destination mais, pour l’instant, aucun voyage pour juin-juillet n’est annulé.

Préparer «l’Après» maintenant

«Malgré un bon début, 2020 s’annonce comme une année catastrophique parce que nous faisons 80% de notre chiffre d’affaires entre janvier et mai, précise Jad Haddad. 2019 ayant été excellente, on devrait passer à travers et repartir sur notre lancée en 2021.» Il croit que l’envie de voyager des amateurs de tourisme d’aventure ne s’envolera pas. «Notre clientèle, ajoute-t-il avec conviction, en est une de gens curieux et avides de découvertes. Ils vont vouloir repartir.»

Richard Rémy pense aussi que les Québécois ne vont pas se fermer au reste du monde, même si le redémarrage risque d’être lent. «Nous espérons que cette pause forcée sera la plus courte possible et n’affectera pas les départs de cet été et de l’automne à l’étranger», précise-t-on sur le site. Karavaniers réfléchit toutefois dès maintenant à une offre alternative d’expéditions en randonnée ou en kayak de mer au Québec. «Nous travaillons déjà avec des membres d’Aventure Écotourisme Québec pour offrir à nos clients des séjours de plus de quatre jours qu’ils n’offrent pas actuellement à leur propre clientèle québécoise: cinq jours en kayak de mer sur le fjord du Saguenay ou dans l’archipel des iles Mingan, par exemple. À nos clients habituels, nous demanderions une inscription sur l’honneur afin de commencer à travailler sur la logistique de ces nouvelles expéditions pour groupes de 12 maximum.»

Karavaniers réfléchit à une offre d’expéditions en randonnée ou en kayak de mer au Québec, notamment dans l’archipel des iles Mingan. Photo: Facebook Réserve de parc national de l'Archipel-de-Mingan

Le plein air de proximité en hausse attendue

Tout le monde s’accorde à dire que le marché du tourisme de proximité va bondir dès que le confinement sera levé et celui du plein air n’échappera pas à la règle. Pierre Gaudreault en est convaincu: «Le tourisme d’aventure au Québec sera dans une situation favorable dès la sortie de la crise parce que les gens vont vouloir s’évader un peu, pas trop loin, en famille ou en petits groupes, pour faire du camping, de la randonnée, une via ferrata ou du kayak. Nous conseillons donc à nos membres de se préparer à une hausse des demandes venues de leurs régions comme à un afflux de visiteurs d’ailleurs au Québec, ce qui compensera au moins en partie une baisse d’accueil de touristes étrangers. Ils doivent dès maintenant penser à adapter leurs produits, par exemple en offrant plus d’activités à la journée que sur plusieurs jours.»

Le tourisme d’aventure au Québec sera dans une situation favorable dès la sortie de la crise. Photo: Facebook Parc de la Chute-Montmorency

Tout en mettant la pédale douce sur leurs dépenses, il leur faut aussi, dit-il, conserver du personnel clé pour planifier leurs opérations et leur recrutement de personnel «en fonction de deux ou trois scénarios: une ouverture en juin, une au 1er juillet ou une plus tard en été. Dans le meilleur des cas, pense-t-il, si la sortie de crise nous permet d’ouvrir la saison en juin, on va sauver les meubles.»

Conseils aux «consommateurs» de plein air

«Il est temps de rêver, de faire des projets, de regarder de la documentation, de lire des guides de voyage, conseille Jad Haddad. Nous étions là pour aider nos clients dans les pires situations. Nous serons là aussi pour concrétiser leurs nouveaux projets, dès que la situation va le permettre.»

Chez Karavaniers, on invite notamment les passionnés à assister à des conférences sur des destinations étrangères en Facebook Live puisque celles prévues ce printemps en région ont toutes été annulées.

Quant à Pierre Gaudreault, il suggère aux amateurs de plein air de profiter de leur confinement pour préparer de belles activités de vacances ou de week-end au Québec et de les réserver dès maintenant pour donner un coup de pouce aux gestionnaires d’activités. Sans danger pour eux puisque la plupart ont d’ores et déjà assoupli leurs conditions d’annulation et de remboursement!