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Prix d’excellence en architecture 2024: nos coups de cœur

On l’admet, plusieurs laideurs architecturales affligent nos paysages au Québec. Reste qu’il se construit aussi du beau et de la qualité à la grandeur de la province. La preuve en trois coups de cœur, lauréats des Prix d’excellence en architecture 2024 de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ).

Pavillon d’accueil de l’Insectarium de Montréal

La magnifique métamorphose de l’Insectarium de Montréal avait raflé l’an dernier l’un des deux Grands Prix de l’OAQ. Même si le pavillon d’accueil est moins spectaculaire, il mérite néanmoins sa place parmi les gagnants.

Même s'il n'est pas spectaculaire, le pavillon d'accueil mérite néanmoins sa place parmi les gagnants. Photo: James Brittain

Ce petit bâtiment triangulaire sans prétention s’inscrit à merveille dans le contexte du Jardin botanique. Sa forme n’est pas anodine: elle permet d’entrer d’un côté et de sortir par l’autre, sans interrompre son chemin. Les bords du large toit carré, qui semble seulement posé sur les piliers du triangle, abritent les visiteurs lors des averses et les protègent du soleil.

Les bords du large toit carré, qui semble seulement posé sur les piliers du triangle, abritent les visiteurs lors des averses et les protègent du soleil. Photo: James Brittain

En laissant les immenses portes ouvertes du printemps à l’automne, les architectes de Pelletier de Fontenay brouillent les frontières entre l’intérieur et l’extérieur. On aime particulièrement le revêtement d’acier Corten aux motifs ondulants, qui s’oxydera au fil des années. Les plantes grimpantes y étendent déjà les bras, comme si, lentement, la nature reprenait ses droits.

En laissant les immenses portes ouvertes, les frontières entre l’intérieur et l’extérieur sont brouillées. Photo: James Brittain

La boîte à lumière

Derrière ce nom hautement poétique se cache une rénovation bien pensée d’un shoebox, ces maisons aussi petites qu’une boîte à chaussures (ou presque) qui témoignent du passé ouvrier de la métropole et que l’on retrouve dans plusieurs quartiers, à l’ombre des plex.

Un étage a été ajouté en recul, ce qui permet de conserver la façade d’origine tout en créant une terrasse de plus. Photo: Ronan Mézière

Celui-ci se situe dans l’arrondissement de Rosemont—La-Petite-Patrie. Il a été agrandi pour répondre aux besoins d’un couple passionné d’architecture et d’art qui voulait s’établir en ville. Les concepteurs de _naturehumaine ont ajouté un étage en recul au-dessus, ce qui permet de conserver la façade d’origine tout en créant une terrasse de plus.

Ce qui frappe surtout, c’est la quantité étonnante de lumière naturelle qui baigne la résidence. «La façon dont la luminosité pénètre au cœur des espaces de vie est un clin d’œil aux multiples puits de lumière arrondis du musée Miro de l’architecte Josep Lluís Sert à Barcelone», explique la firme d’architecture.

Une quantité étonnante de lumière naturelle baigne la résidence. Photo: Ronan Mézière

Côté ruelle, un nouveau bâtiment surmonté d’un jardin sur le toit abrite un atelier et une suite pour les invités. Le terrain était quand même assez grand pour ajouter en plus une cour intérieure avec spa.

On a un faible pour l’imposant escalier métallique tout de blanc vêtu et pour le bois blond, qui donne de la chaleur à l’ensemble.

On aime le bois blond, qui donne de la chaleur à l’ensemble. Photo: Ronan Mézière

Promenade Samuel-De Champlain – Phase 3

Redonner le fleuve aux Québécois: voilà la mission dont les architectes de Daoust Lestage Lizotte + Stecker ont été investis avec la phase 3 de la promenade Samuel-De Champlain. Un défi complexe, relevé avec brio, qui se coiffe du Grand Prix 2024 de l’OAQ.

Redonner le fleuve aux Québécois: voilà la mission de ce projet complexe, relevé avec brio. Photo: Maxime Brouillet

Ce projet signature transforme 2,5 km d’autoroutes et de voies ferrées en un espace urbain accessible à tous. La station de la plage, qui regroupe un bassin de baignade, un miroir d’eau, un grand pavillon et, comme son nom l’indique, une plage, a d’ailleurs fait de nombreux adeptes depuis son inauguration l’été dernier. L’intérieur du bâtiment, avec ses planches peintes en blanc, rappelle les stations balnéaires.

La station de la plage, qui regroupe un bassin de baignade, un miroir d’eau, un grand pavillon et, comme son nom l’indique, une plage, a d’ailleurs fait de nombreux adeptes depuis son inauguration l’été dernier. Photo: Stéphane Groleau

La promenade offre de son côté une vue spectaculaire sur le Saint-Laurent. Vers l’ouest, les jardins évoquent les prairies maritimes. On craque pour les immenses «galets» gris qui flanquent le chemin de part et d’autre. À l’est, le marais existant est mis en valeur par un laminage de quais.

On craque pour les immenses «galets» gris qui flanquent le chemin de part et d’autre. Photo: Maxime Brouillet

On a aussi porté une attention particulière à la biodiversité. Pas moins de 1 055 arbres, 28 950 arbustes et 117 000 herbacées indigènes ont été plantés.

On espère que les berges du fleuve redeviendront avec ce projet un lieu de rencontre, comme c’était le cas au siècle dernier.

On espère que les berges du fleuve redeviendront avec ce projet un lieu de rencontre, comme c’était le cas au siècle dernier. Photo: Adrien Williams

D’autres projets dignes de mention

Les prix d’excellence de l’OAQ donnent l’occasion de découvrir d’autres réalisations remarquables au Québec.

L’École de l’Étincelle à Chicoutimi, issue du Lab-École, offre douceur aux élèves avec son écrin de bois et de blanc. L’ensemble aurait selon nous mérité une touche de couleur ou plus d’arbres, mais ce n’est qu’un détail.

L’École de l’Étincelle à Chicoutimi, issue du Lab-École, offre un écrin de douceur aux élèves. Photo: Maxime Brouillet

L’Atelier Pierre Thibault s’illustre encore une fois cette année. En collaboration avec ultralocal architectes, la firme a conçu la Distillerie du St.Laurent. Malgré son aspect industriel, le tout ne détonne pas dans le paysage de Rimouski.

Malgré son aspect industriel, la Distillerie du St.Laurent. ne détonne pas dans le paysage de Rimouski. Photo: Maxime Brouillet

On peut voir tous les projets lauréats sur le site web de l’OAQ. Qui sait, ça pourrait vous donner des idées d’escapades au Québec.

Vers une Stratégie québécoise de l’architecture

Après des années de tergiversation, le gouvernement du Québec entreprend finalement le début des travaux qui permettront de doter la province d’une Stratégie québécoise de l’architecture. Retour sur ce dossier d’une grande importance.

L’idée d’une politique nationale de l’architecture ne date pas d’hier. L’Ordre des architectes du Québec (OAQ) milite en sa faveur depuis 2014. En octobre 2017, l’Ordre invitait notamment les citoyens à signer la Déclaration pour une politique québécoise de l’architecture. L’OAQ a également publié l’an dernier le Livre blanc pour une politique québécoise de l’architecture, qu’il a déposé auprès du ministère de la Culture et des Communications.

Ses efforts semblent porter fruit. Le gouvernement de François Legault a annoncé en avril qu’il allait élaborer sa première stratégie sur le sujet. Celle-ci «visera l’adoption de pratiques exemplaires dans les projets menés par l’État et la mise en place de mesures incitatives dans les projets qu’il subventionne. Elle répondra ainsi aux besoins des Québécois par une contribution de l’architecture à l’identité québécoise, en faisant de la culture un élément fondamental de la qualité de nos cadres de vie et de la vitalité de nos milieux».

Le gouvernement espère ainsi que les projets seront d’une plus grande qualité et bâtis pour l’avenir, en conformité avec les principes de développement durable. Des experts de toutes les disciplines seront appelés à collaborer avec l’État au cours des prochains mois pour alimenter la réflexion.

Photo: Facebook Maison de la littérature

Définir l’identité architecturale du Québec

Mais justement, quelle est l’identité architecturale québécoise? Cette dernière semble à définir. La province se caractérise-t-elle par son patrimoine historique? Par ses quelques bâtiments iconiques, comme le Stade olympique? Ou par son architecture du quotidien, qui se compose autant de beauté que de laideur, de bibliothèques inspirantes que d’immeubles où la tôle ondulée règne en maître? L’architecture du Québec manque encore de cohésion. Raison de plus pour mettre de l’ordre dans ce joyeux bordel et harmoniser le tout.

En entrevue avec Le Soleil, la présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Anne Carrier, soulignait d’ailleurs que l’objectif de la Stratégie est de définir notre identité culturelle québécoise. «Nous avons des choses à dire avec notre architecture. Je pense que nous pouvons concilier patrimoine, audace, créativité et innovation», assurait-elle alors.

La Maison des étudiants de l'École de technologie supérieure. Photo: Stéphane Brugger, v2com

L’affaire de tous

Même si l’architecture n’est pas le sujet de prédilection des Québécois, elle est l’affaire de tous. Elle façonne nos maisons, nos quartiers, nos milieux de travail et les lieux publics que nous fréquentons. Ce n’est pas pour rien que l’OAQ a fait une tournée dans 13 villes avant de lancer sa Déclaration pour une politique québécoise de l’architecture. L’Ordre espérait ainsi entendre les préoccupations des gens, mais aussi les sensibiliser à l’importance du cadre bâti dans leur vie.

Le gouvernement veut aujourd’hui «placer les citoyens au cœur des réflexions». Ce faisant, peut-être que les enjeux cruciaux de notre époque, comme l’étalement urbain, le développement durable ou le logement, intéresseront plus grandement les Québécois. Dans une province où le prix d’une construction importe plus que sa qualité, il faudra changer les mentalités.

Si la Stratégie voit le jour, ce sera une première au Canada. Une politique du genre existe toutefois déjà dans une vingtaine de pays et régions d’Europe, dont la France, l’Allemagne ou le Danemark.

Établir une telle stratégie ne réglera évidemment pas tout. Si l’État donne l’exemple en bâtissant des édifices publics de qualité, comme il l’a fait brillamment avec le réseau des bibliothèques, il pourrait néanmoins avoir une influence sur les promoteurs privés et les particuliers. Ce serait déjà un pas dans la bonne direction.