La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Voyager avec un handicap

Il m’a fallu devoir prendre le métro avec une poussette pour réaliser à quel point celui de Montréal est difficile d’accès pour les personnes en fauteuil roulant (ça s’est un peu amélioré depuis). Par la suite, j’ai galéré dans les dédales désuets de celui Paris, mais j’ai été ravie de constater qu’il est aisé de trouver des ascenseurs dans les métros de Taipei et Toronto, notamment.



Puis, l’année dernière, j’ai fait la connaissance d’Audrey Barbaud, une Française qui a fait du handivoyage sa spécialité. Dans Roulettes et sac à dos, la blogueuse de 25 ans raconte ses pérégrinations sur roues. «J’ai une maladie génétique neurologique au nom un peu barbare de Charcot Marie Tooth, raconte-t-elle. C’est une maladie qui diffère beaucoup d’une personne à l’autre. Pour ma part, j’ai subi des opérations chirurgicales, notamment une importante de la colonne vertébrale, qui entraîne son lot de difficultés et de douleurs. Je me déplace en fauteuil roulant électrique pour effectuer de longues distances.»

J’ai eu l’occasion de découvrir son parcours lors d’une conférence donnée dans le cadre du Salon des blogueurs de voyage en 2015. «Je voyage seule avec ce fauteuil qui pèse 130 kilos», avait-elle lancé d’entrée de jeu. L’écouter m’a, ce jour-là, ouvert les yeux sur des réalités dont je ne soupçonnais même pas l’existence. J’avais beau avoir été confrontée à certains obstacles comme maman, disons qu’une poussette reste plus facile à déplacer qu’un engin de ce poids!

Quelques mois plus tard, Audrey s’envolait pour l’Asie, un continent dont elle rêvait de fouler le sol, mais qui représentait son lot de défis.

Préparer un voyage avec un fauteuil roulant est un véritable casse-tête. Audrey a constaté que certaines compagnies aériennes asiatiques refusent carrément l’accès à bord aux personnes à mobilité réduite. «C’est même parfois marqué dans leurs conditions générales de vente», observe-t-elle. Non seulement son billet d’avion lui a coûté très cher, mais son fauteuil a été abîmé pendant le transport. Je vous laisse imaginer la saga qui a suivi pour être dédommagée…

Tous les pays du monde ne sont pas non plus égaux quand il s’agit d’accessibilité. Si Hong Kong lui a donné beaucoup de fil à retordre, la Thaïlande l’a ravie à cause de la gentillesse et de la générosité des gens.

Le pays où il a été le plus simple pour elle de voyager à ce jour, tous continents confondus? Les États-Unis. En mars 2014, elle a passé trois semaines en Californie, en Arizona et au Nevada. «Je cherchais les petits pictogrammes bleus pour voir quelles stations [de métro] étaient accessibles aux fauteuils roulants, mais il n’y en avait pas parce qu’en fait, elles l’étaient toutes!»

Un fauteuil électrique n’est pas infaillible non plus. Blandine Evan, avec qui j’ai fait connaissance le printemps dernier à Bruxelles, l’a appris à ses dépens. Alors qu’elle s’apprête à entamer un tour du monde, la jeune femme belge écrit: «Je me souviens de ce moment, à Vienne, où mon chargeur de fauteuil a rendu l’âme. Sans fauteuil roulant, je me suis retrouvée complètement immobilisée. Dans un pays où je ne connais personne, dont je ne connais absolument pas la langue, la veille d’un long week-end avec jours fériés, il y avait de quoi paniquer. Pourtant, malgré ma peur de devoir écourter mon voyage, j’ai essayé de me rassurer moi-même: "Je vais bien, je ne suis pas blessée ou gravement malade, j’ai un toit plutôt confortable au-dessus de ma tête, j’ai de l’argent, et même un téléphone pour rester en contact avec ma famille." En fait, la solution, c’est de se dire que ça pourrait toujours être pire...»

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Et au Québec?

En avril dernier, Audrey me confiait avoir très envie de venir visiter le Québec. «À quel point la Belle province est-elle réellement adaptée à tous types de voyageurs?», me suis-je demandé. J’avoue que je n’en avais pas la moindre idée.

L’organisme Kéroul, qui vise à rendre accessibles le tourisme et la culture aux personnes handicapées, m’a fait parvenir La Route Accessible et Le Québec pour tous, deux publications qui ont répondu à plusieurs de mes questions. J’ai appris, par exemple, que Kéroul a formé plus de 40 conseillers en voyages afin qu’ils puissent offrir des services sur mesure aux touristes handicapés et être en mesure de bien les informer.

À la fois un magazine et un site Internet, La route accessible suggère des attraits selon différentes thématiques. Le Québec pour tous est un répertoire qui compte plus de 1700 entreprises touristiques et culturelles réparties dans 18 régions du Québec. Chacune a été évaluée par Kéroul et certifiée «totalement ou partiellement accessible». En France, Tourisme Handicap fait un boulot similaire, tentant de sensibiliser à la fois le grand public et les professionnels du tourisme.

Et qu’en est-il de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau? L’équipe du webzine Montréal Mobile y a tourné un épisode, histoire de donner un aperçu des initiatives mises en place pour faciliter l’accès aux personnes avec un handicap.

Ainsi, on apprend que dès 2001, Aéroports de Montréal a consulté Kéroul afin de maximiser l’accessibilité, explique Christiane Beaulieu, vice-présidente Affaires publiques, Aéroports de Montréal. «Tout a été adapté pour les différents besoins, que ce soit les personnes en fauteuil roulant, les personnes malentendantes ou les personnes malvoyantes.» À voir, aussi pour comprendre comment sont pris en charge les passagers handicapés à bord d’un avion.

Par ailleurs, saviez-vous qu’il existe une «aire de soulagement» pour les chiens guides (oui, oui, avec panneau indicateur) près des stationnements, vous? Oui, pas mal de détails échappent aux bipèdes pressés!

P.S. : Si vous ne l’avez pas encore vue, il faut absolument visionner la publicité produite par Tourisme Québec, qui présente la province à travers «le regard» d’un aveugle. Époustouflante!