Sur la Route des Navigateurs dans Chaudière-Appalaches
Du Centre-du-Québec au Bas-Saint-Laurent, la Route des Navigateurs vous invite à longer le fleuve sur 470 kilomètres. Début septembre, j’ai voulu emprunter la portion de la 132 qui traverse la région de Chaudière-Appalaches. Quelque part entre Saint-Jean-Port-Joli et Lévis, entre deux arrêts improvisés, je me suis rappelé qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir une destination pour se sentir en vacances.
C’est l’histoire qui m’a amenée à vouloir explorer la région. D’abord, celle de la Grosse-Île, dans l’archipel de L’Isle-aux-Grues, où se sont arrêtés des dizaines de milliers d’immigrants venus d’Europe entre 1832 et 1937. En pleine pandémie, découvrir l’évolution des pratiques depuis des époques qui ont vu les ravages du choléra, du typhus et de la variole m’apparaissait particulièrement pertinent. Je n’ai pas été déçue. Entre les croyances et la science, ce regard vers le passé m’a ramenée aux incertitudes de notre présent.
Un jour, peut-être, 2020 sera racontée à travers le filtre des années de recherche post- COVID-19. On froncera les sourcils devant certaines choses qui paraîtront évidentes à ce moment, comme on le fait aujourd’hui devant l’importance accordée à l’époque aux miasmes – émanations malsaines –, sans toutefois se soucier de la proximité physique. La désinfection a été imposée à Grosse-Île en 1893 seulement, soit 61 années après l’inauguration de la station de quarantaine (on appelle d’ailleurs les premières années la «période d’improvisation»).
Le cimetière des Irlandais, où reposent 5000 immigrants qui ont souhaité s’installer au Canada pour fuir la Grande Famine en 1847, nous rappelle aussi ce chapitre sombre de l’histoire, où le typhus aura été plus fort que l’espoir.
Casser la croûte
La traversée de l’île à Berthier-sur-Mer prend environ 35 minutes. Une fois revenue sur la terre ferme, j’ai vite repéré le camion stationné près de la marina, la terrasse et les multiples tables à pique-nique disséminées près du fleuve. S’inspirant des beer garden, Théo BBQ est l’endroit où boire un verre ou manger une bouchée en contemplant l’horizon. Emportée par la beauté du site, la gourmandise et l’enthousiasme du moment, j’ai commandé côtes levées, burger au porc effiloché, taco au porc effiloché et poutine au porc effiloché (rassurez-vous, j’ai partagé!). Verdict: tout est savoureux. Tout! Le genre d’endroits que j’aimerais voir pousser partout au Québec pendant la belle saison.
Théo BBQ vient cependant tout juste de «fermer ses fenêtres» jusqu’au printemps prochain. En attendant, si vous cherchez un endroit chouette où manger une bouchée le long de la 132, arrêtez-vous au Casse-croûte Rétro, à L’Islet, où la déco nous propulse dans les années 1950 (avis aux intéressés, Kijiji m’indique qu’il est à vendre!).
L’Auberge des Glacis
Où dormir quand on est passionné d’histoire? À une quinzaine de minutes de la 132, l’Auberge des Glacis s’est rapidement imposée. Cet ancien moulin transformé en hôtel trois étoiles offre le cadre idéal pour décrocher le temps d’un week-end. Des sentiers aménagés autour de l’auberge permettent de prendre un grand bol d’air.
Reconnu pour sa gastronomie, l’établissement membre d’Ôrigine artisans hôteliers propose des plats concoctés à partir d’ingrédients de 70 producteurs locaux. Depuis janvier dernier, le chef d’origine lyonnaise Pascal Androdias, qui a contribué à bâtir la réputation du restaurant il y a 27 ans, est de retour aux fourneaux.
Nancy Lemieux, la propriétaire depuis 2006, avoue avoir hésité avant de rouvrir les portes de l’auberge au début de la saison. Proche de ses clients, elle se sentait plus responsable que jamais de leur sécurité. «J’avais peur que tout ce qu’on a bâti depuis 14 ans s’évapore parce que j’aurais oublié d’asperger une surface…», confie-t-elle. Sa fille, Audrey-Jade, qui travaille avec elle depuis un an et demi, l’a convaincue. Résultat: le téléphone s’est rapidement remis à sonner et les clients fidèles ont été au rendez-vous tout l’été.
Au printemps, la pause forcée par la pandémie a permis d’agrandir et de réaménager le restaurant et le bar. «Nous avons le même nombre de tables en ce moment, mais avec plus d’espace.»
Sur la route
Le dernier jour, plutôt que de reprendre l’autoroute, nous décidons de faire durer le plaisir en empruntant la route 132. En longeant le Saint-Laurent, nous découvrons des maisons colorées qui semblent porter mille histoires et de superbes points de vue au-delà des champs. On ne s’étonne pas que Tourisme Québec ait voulu attirer l’attention sur les multiples attraits de ce chemin historique en créant la Route des Navigateurs dans les années 1990!
Je ne visiterai pas cette fois-ci le Musée maritime du Québec, mais je ferai un détour par Saint-Jean-Port-Joli pour admirer les sculptures du parc des Trois-Bérets et marcher le long du fleuve, je m’arrêterai discuter quelques minutes avec Clermont Guay, technicien forestier retraité qui tient La Bigorne, à la fois forge et caverne d’Ali Baba, et je mangerai un de mes derniers cornets de l’été au Bar Laitier Passion d’été, à Saint-Romuald, en me promettant d’y repasser pour tester toutes les saveurs de gelato concoctées sur place.
Une fois à la maison, en cherchant à valider une information à propos des marées, je tombe sur le balado Ralentis, la marée monte!, présenté par le Musée maritime. Ce docufiction propose de découvrir «les visages maritimes de la région à travers ses paysages, ses histoires, ses personnages, son patrimoine bâti et sa tradition orale». Bien qu’on recommande de l’écouter en sillonnant la Route des Navigateurs, j’ai triché et j’ai enfilé les neuf épisodes depuis mon sofa. Une belle façon de poursuivre le voyage!
Pratico-pratique:
- Il est possible de se rendre au lieu historiquenational de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais à partir de Berthier-sur-Mer jusqu’au 27 septembre avec Croisières Lachance.
- Il n’y a ni restaurant, ni dépanneur à Grosse-Île. Il faut apporter eau, lunch et collations. Il est toutefois possible de commander un sac à lunch (pour une quinzaine de dollars), par l’entremise de Croisières Lachance, qui est remis juste avant l’embarquement.
- L’Auberge des Glacis compte deux sections: l’une avec 10 chambres dans l’ancien moulin, avec des murs de pierre, et une nouvelle, bâtie en 2010, avec fenêtres plus grandes et climatisation. La webtélé Glacis.tv permet de découvrir les producteurs de la région. L’auberge a remporté plusieurs prix au fil des ans, dont celui de la Meilleure table du terroir.
- Des soupers-spectacles sont présentés à l’Auberge des Glacis. Inspiré par la défunte émission L’Auberge du chien noir, un groupe maison portant le nom du chien de l’auberge a été créé il y a sept ans. Le Pollux Band propose notamment des soirées thématiques.
J’étais l’invitée de Tourisme Chaudière-Appalaches. Merci! Merci aussi à Bonjour Québec!