La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Les légendes de Khiva

Marie-Julie se trouve actuellement en Asie centrale pour réaliser un vieux rêve: parcourir une partie de la mythique route de la soie. Au programme: le Kirghizistan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan. Troisième épisode d’une série de cinq.



Khiva fait partie de ces lieux qu’il est difficile de ne pas aimer. De l’extérieur, les remparts d’Itchan Kala (Itchan Kala est le nom de la vieille ville de Khiva) ont l’allure d’un opulent château de sable. Une fois qu’on pénètre dans la cité fortifiée, on comprend pourquoi tous les guides évoquent un musée à ciel ouvert.

De l’extérieur, les remparts d’Itchan Kala ont l’allure d’un opulent château de sable. Photo: Marie-Julie Gagnon

Puis, à la tombée du jour, des enfants transforment les rues en terrain de jeux. Malgré la vocation touristique de plus en plus affirmée de la ville intérieure, de petits bouts de «vraie vie» se glissent ici et là. Environ 250 maisons principalement érigées au 16e ou 19e siècle y ont toujours pignon sur rue, en plus de la cinquantaine de monuments historiques.

Une des madrasa d'Itchan Kala. Photo: Marie-Julie Gagnon

Même en haute saison, on s’y balade tranquillement, sans devoir jouer du coude. Peu de véhicules circulent entre ses remparts. Dans les étals des vendeurs ambulants se côtoient foulards colorés de soie et de cachemire (du moins, c’est ce qu’on nous dit, hein), chapeaux de fourrure et autres sacs aux motifs typiquement ouzbeks.

Étal de chapeaux de fourrure à Khiva. Photo: Marie-Julie Gagnon

Un soir, je suis allée flâner seule dans les rues d’Itchan Kala sans ressentir la moindre crainte, moi, grande poule mouillée – je dirais même bien trempée. Il en aurait toutefois été autrement il y a quelques siècles, si je me fie à Lonely Planet: «Au XIXe siècle, le nom de Khiva, évocateur de caravanes d’esclaves et d’éprouvants périples à travers des déserts et des steppes peuplés de tribus sauvages, terrifiait tous les voyageurs sauf les plus intrépides.»

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Comme dans tout le pays, les légendes affluent. Il faut dire qu’en plus de 2500 ans, Khiva a vu se tisser de nombreuses histoires. Les descendants de la ville sont-ils issus d’une histoire d’amour illicite entre une fée et un démon? Est-ce le fils de Noé qui, après avoir vu une forteresse en rêve, a décidé de créer une ville à l’endroit où il a bu une eau de grande qualité à son réveil?

Notre guide propose une autre version: «Khiva était un point d’eau [une oasis], dit-il. À l’époque où la terre a été inondée, le fils de Noé est descendu sur une île, où il s’est endormi. Il est revenu ensuite et a créé une ville.»

J’aime l’idée d’une version où s’enchevêtrent toutes ces lubies.

On comprend pourquoi tous les guides évoquent un musée à ciel ouvert lorsqu'ils parlent d'Itchan Kala. Photo: Marie-Julie Gagnon

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Partout sur la route de la soie, l’ombre de Gengis Khan continue de planer. Impitoyable, le conquérant a fondé le plus vaste empire contigu jamais égalé. C’étaient quand même de sacrés opportunistes, ces Mongols. Des divisions de pouvoirs en Eurasie? Bah! Et si on allait conquérir la Chine et l’Asie centrale, les gars?

Pas spécialement reconnus pour leur délicatesse (!), les guerriers ont quitté leur steppe en 1206 et tout anéanti sur leur passage jusqu’à devenir maîtres des peuples turco-altaïques du plateau mongol. Ils ne se sont pas arrêtés là. «Ils attaquent l’Europe de l’Est en 1240, avant de se retirer pour installer leurs bases sur la Volga, rappelle Historia. Ils s’emparent de la ville de Bagdad en 1258, achevant la conquête du monde perse, jusqu’à l’Euphrate, prenant sous leur contrôle l’Anatolie. Dorénavant, un même ensemble unit toute l’Eurasie, laissant circuler les marchands et les aventuriers de toutes origines.»

C’est là qu’entre en scène l’un des personnages les plus adulés des voyageurs: Marco Polo. C’est l’avidité des Mongols qui a permis à des Occidentaux comme lui de se lancer sur ces routes balisées depuis des siècles. «Les routes de la soie n’ont pas été que commerciales: elles ont aussi et peut-être même d’abord été des itinéraires d’échanges culturels, linguistiques, religieux, rappelle Historia. Bien entendu, elles n’ont jamais existé comme un tout global, parcouru d’une seule traite par la même personne ou la même caravane. En ce sens, la fameuse expression "route de la soie" peut être trompeuse. Plutôt que d’y voir une grande route unissant l’Eurasie d’un bout à l’autre, il faut plutôt se représenter une multitude de trajets segmentés, d’une ville à l’autre, d’un caravansérail à l’autre, qui ont toujours été très variables.»

En 1220, les Mongols ont détruit Khiva. Il faudra attendre quelques siècles avant qu’elle retrouve son lustre. Photo: Marie-Julie Gagnon

C’est en 1220 que les Mongols ont détruit Khiva. Il faudra attendre quelques siècles avant qu’elle retrouve son lustre. Plusieurs dynasties se sont ensuite succédé. En devenant une capitale en 1598, la ville s’est à nouveau développée. Puis, les troupes russes s’en sont emparées en 1873.

Aujourd’hui, Itchan Kala est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Et quelques foulards de soie ont trouvé leur chemin jusque dans la valise de cabine avec laquelle je m’entête à voyager (divulgâcheur: je ne parviendrai pas à tout faire entrer dedans au retour).

Aujourd’hui, Itchan Kala est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Photo: Marie-Julie Gagnon

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C’est à partir de Khiva que nous prendrons la route vers le Turkménistan, l’un des pays les plus fermés de la planète. Pour pouvoir y obtenir un visa, il faut d’abord se munir d’une lettre d’invitation. Et pour traverser la frontière, il est en plus nécessaire de passer un test de COVID. Vous avez bien lu: en septembre 2024, le Turkménistan exige toujours une preuve de test négatif.

Plus je fais des recherches sur cette intrigante contrée, moins je parviens à imaginer ce qui m’attend. Les voyageurs du groupe Facebook auquel je me suis abonnée ressassent à peu près tous les mêmes informations (et beaucoup trop de publicités). C’est à la fois excitant et inquiétant.

Histoire de nous préparer à toute éventualité, nous avons tous effectué un test quatre jours avant de prendre la route des caravanes du désert, y compris ceux du groupe ne présentant aucun symptôme.

L’un de nous a vu apparaître les deux petites lignes que nous redoutions tant. Sera-t-il refoulé à la frontière le jour J? D’autres obtiendront-ils des résultats positifs entre-temps? Suspense…

Ensemble architectural Pakhlavan Mahmud. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pratico-pratique:

  • On mange bien en Ouzbékistan. Les légumes constituent une part importante des menus. Des salades de concombres et de tomates sont servies à presque tous les repas. Et c’est la saison du melon!
  • La monnaie locale est le sum, mais il est généralement possible de payer en dollars américains dans les bazars. Et oui, il faut négocier!
  • Le circuit sur la route de la soie de la collection Sélect de Groupe Voyage Québec dure 22 jours au total. Il y a un départ en automne et un départ au printemps. Des guides locaux font les visites en français.
On mange bien en Ouzbékistan. Photo: Marie-Julie Gagnon

Je suis l’invitée de Groupe Voyage Québec, qui n’a eu aucun droit de regard sur ce texte.