La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Déconnexion forcée ou se sentir loin «pour vrai»

Les vacances sont-elles encore possibles à une époque où l’on peut rester branché à son quotidien grâce à WiFi? Je ne suis pas la première à m’interroger à ce sujet. Mais il faut parfois se retrouver dans l’impossibilité de se connecter pour réaliser toute l’importance de cette question.



Je reviens d’un voyage éclair à Cuba pour le travail. Quatre petites journées à Varadero pour constater l’état des choses après le passage d’Irma (spoiler: il reste encore des travaux à faire, mais rien pour empêcher un teint vert de changer de couleur en toute quiétude). Je vous raconte…

Photo: Deposit photos
Photo: Depositphotos

Vendredi midi. À peine arrivée à l’hôtel, j’achète une carte à 2 CUC me permettant de naviguer pendant une heure sur Internet. Le hic: mon cellulaire refuse de rester branché au réseau de l’hôtel. «Votre téléphone est trop récent», me dit en riant la sympathique représentante à destination d’Air Transat. Ce que j’ai pris pour une blague semble s’avérer exact: je n’ai aucun problème à me brancher avec le iPhone 5 de ma fille, plus vieux d’une génération que le mien.

Est-ce à cause de mon niveau d’épuisement? J’accueille la chose plutôt positivement, pour quelqu’un qui passe beaucoup trop de temps devant les écrans. J’en profite pour enchaîner les siestes après avoir exploré les environs.

Le lendemain, la pluie diluvienne me déculpabilise d’avoir envie de traîner au lit. Je dors. Je dors encore… Je regarde une série pour ados à la télé. Je me résigne à sortir explorer la ville de Varadero, parapluie à la main. Je flâne dans les marchés d’artisanat et reviens me réfugier sous les couvertures. Ah! Le plaisir retrouvé de la sieste sans culpabilité!

La possibilité d’avoir accès à une source infinie d’information a fait de moi une obsédée de la nouvelle en direct. Je ne supporte pas d’être «en retard». Encore moins quand l’actualité est pleine de rebondissements. Pas étonnant que je sois constamment essoufflée.

Pendant les 24 premières heures de ma cure forcée, je triche à quelques reprises. J’enlève le mode «avion» de mon téléphone pour aller voir les gros titres des principaux médias. Mon fournisseur me gronde quelques heures plus tard. Le forfait me permettant de naviguer comme à la maison avec la 3G, en vigueur lors de mon dernier passage, n’est plus offert sur l’île. Résultat: ma curiosité me fait frapper le fameux plafond de 100$. Pour quelques minutes grappillées ici et là.

Débrancher pour mieux savourer les moments de voyage. Photo: Pixabay
Débrancher pour mieux savourer les moments de voyage. Photo: Depositphotos

Le lendemain, les nuages semblent loin. Je profite du soleil pour aller lire… à l’ombre. Moi qui n’arrive plus à plonger dans un roman comme avant, je dévore La mort d’une princesse d’India Desjardins en alternant entre les piña coladas et les cornets de crème glacée au chocolat. Ironiquement, l’auteure parle abondamment des réseaux sociaux et de leur dérive dans son roman.

Alors qu’une averse me force à aller me réfugier au restaurant voisin, je réalise que je commence à prendre goût à cette cure de désintoxication numérique forcée. J’observe les vacanciers du coin de l’œil et me demande où, dans le monde, je pourrais aller pour m’assurer de ne PAS trouver WiFi.

L’idée d’un séjour en Éthiopie parmi les Karos, peuple de la vallée de l’Omo qui n’a aucune idée de ce qui se passe de l’autre côté des terres ancestrales, me plaît particulièrement. Ou alors, pourquoi ne pas partir à la recherche des îles les plus proches du point Nemo, zone la plus isolée de la planète, quitte à passer de longues heures en mer (on dit que les gens qui s’en approchent le plus sont les astronautes en orbite tant c’est loin)? Plus modestement, je songe à aller prolonger ma cure à Green Bank, ville de Virginie qui interdit les ondes WiFi. Déclarée «zone de tranquillité» par le gouvernement américain, Green Bank abrite le plus grand radiotélescope du monde, l’observatoire de Green Bank. Oui, l’idée d’un tour du monde débranché me plaît de plus en plus.

Dimanche soir. Plus que quelques heures de semi-vacances. Il me reste à peine une vingtaine de pages à lire avant de voir apparaître le mot «fin».

Et c’est là, juste au moment où j’arrive enfin à me sentir réellement loin de la maison pour la première fois depuis des lustres, que j’allume la télé et que je tombe sur… La voix junior à TVA.

Ce voyage a été possible grâce à Air Transat.