Réserver un appartement ou mettre le sien en location sur Airbnb, est-ce toujours une bonne idée?
Plus d’une décennie après sa création, Airbnb semble bien loin du site érigé en exemple par les apôtres de l’économie de partage.
Formidable manière de voyager à moindre coût à ses débuts, le géant californien est aujourd’hui la cible de critiques virulentes aux quatre coins du monde non seulement à cause des prix affichés, souvent plus élevés, mais aussi de son extrême popularité, qui a entraîné de nombreuses conséquences. À la lumière des débats des dernières années, devrions-nous continuer à utiliser le site, qui souhaite entrer en Bourse en 2020, comme avant?
Demandez à n’importe quel résident voisin d’un appartement loué à l’année pour de courtes périodes dans un quartier populaire auprès des touristes et la réponse risque d’être non. Souvent montré du doigt quand il est question de surtourisme et d’embourgeoisement, Airbnb est de plus en plus associé au manque de savoir-vivre d’une partie de ses utilisateurs.
Résidente du quartier Centre-Sud, à Montréal, l’autrice Geneviève Lefebvre est excédée par les voyageurs qui viennent poser leurs valises dans l’un des deux appartements offerts en location par le propriétaire voisin, qui a fait l’achat de l’immeuble il y a quelques années. L’exaspération atteint son apogée pendant la période des festivals. Pour elle, Osheaga et Montréal Métal n’évoquent pas l’amour de la musique, mais le défilé des touristes. Pourquoi tant de haine? «Parce que ce sont de mauvais citoyens corporatifs, de mauvais voisins, qu’ils privent Montréal de milliers de logements, qu’ils font du bruit, roulent leurs osties de valises à toute heure du jour et de la nuit, sortent les poubelles n’importe quand, se servent dans mon jardin…»
La recherche d’authenticité, vraiment?
En quelques années, le site est passé de simple marque à mode de vie pour de nombreux voyageurs. On ne dit plus «j’ai loué un appart», mais plutôt «j’ai loué un Airbnb». C’est la raison pour laquelle de nombreux entrepreneurs ont, comme le voisin de Geneviève Lefebvre, divisé des immeubles pour faire la location d’appartements sur Airbnb. Qui se rappelle la mission première du site, qui consistait à tirer un revenu d’appoint en louant son logis pendant ses vacances?
En plus de la question des impôts, certains dénoncent des frais cachés. La cour supérieure du Canada vient d’ailleurs d’autoriser un recours collectif contre Airbnb pour cette raison.
Martha Radice, anthropologue et professeure agréée à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, a constaté les effets négatifs à Montréal, mais aussi à La Nouvelle-Orléans, ville touristique qui attire plusieurs groupes venus célébrer des enterrements de vie de filles ou de garçons. Ce qu’elle dénonce, c’est surtout le fait qu’Airbnb transforme les quartiers. «Il y a de moins en moins de résidents, dit-elle. Des rues entières sont constituées presque seulement de logements loués sur Airbnb. Ça enlève des loyers abordables aux gens de la place.»
Elle tique également devant le slogan «Vivre comme un local», martelé par plusieurs pour justifier leurs choix. «C’est l’un des paradoxes du voyage: on veut faire semblant de ne pas être un voyageur», observe-t-elle. Selon elle, mieux vaudrait assumer son statut de touriste et se rendre dans des établissements reconnus, qui génèrent aussi des emplois.
Ses recherches sur le cosmopolitisme, soit l’ouverture à l’autre, l’ont amenée à faire plusieurs constats. «Dans le voyage, on a toujours besoin de la personne qui joue le rôle de l’hôte, explique-t-elle. On ne peut pas avoir de voyageurs s’il n’y a pas de receveurs. Si on déloge tous les receveurs, il reste quoi, en fait?» Bonjour, l’authenticité… Martha Radice considère toutefois que louer une simple chambre dans un appartement occupé reste plus proche de l’expérience locale recherchée.
D’autres options?
Plusieurs grandes villes tentent en ce moment de trouver des solutions pour contrer la flambée des prix des loyers, notamment liée à la popularité des sites de location, Airbnb en tête. Des initiatives comme Fairbnb, qui vise à retrouver l’esprit collaboratif initial et qui propose de verser 15% de ses profits à des projets locaux gérés par les résidents, ont aussi vu le jour au cours des dernières années. Mais est-ce vraiment possible sans retomber dans les mêmes pièges? À suivre.
De nouvelles règles
Si, malgré tout, vous souhaitez offrir votre maison ou votre logement en location sur Airbnb ou tout autre site, sachez qu’il faudra bientôt s’enregistrer auprès du gouvernement, comme annoncé par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, en juin dernier. «Un propriétaire qui veut louer sa résidence principale devra obtenir un numéro d’établissement auprès du gouvernement et s’assurer de percevoir la taxe sur l’hébergement de 3,5%, a rapporté Le Devoir. Ce numéro devra apparaître dans chacune des annonces qu’il affiche en ligne ou sur des babillards. Un locataire devra avoir l’autorisation de son propriétaire pour obtenir ce numéro et il faudra l’approbation du syndicat dans le cas des appartements en copropriété.»
Pour obtenir un numéro d’enregistrement, il faudra remplir un formulaire sur le site de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Ledit formulaire n’est pas encore en ligne, mais il est toutefois nécessaire d’obtenir une attestation de classification dès maintenant. Dans le cas d’une résidence secondaire, un panneau indiquant le nombre d’étoiles devra être accroché devant l’entrée.
Alors, on loue un appart pour les prochaines vacances?