Des mesures (parfois inusitées!) pour contrer le tourisme de masse
De nombreux reportages ont fait état de la reprise spectaculaire des voyages au cours des derniers mois. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le tourisme mondial est en voie d’atteindre son niveau prépandémie d’ici la fin de l’année. De nombreuses destinations ont pris des mesures concrètes afin d’éviter que la qualité de vie de leurs habitants soit altérée par la présence des visiteurs et que des lieux naturels souffrent de leur (trop) grand nombre. En voici quelques-unes.
1- Interdiction de s’arrêter de marcher à Portofino, en Italie
Si la côte amalfitaine continue de faire rêver de nombreux vacanciers, ses foules monstres en été ont de quoi rendre fou les résidents… comme les autres vacanciers. C’est sans doute l’une des mesures les plus inusitées de l’été 2023: afin de rendre la circulation plus fluide, Portofino a interdit aux piétons de s’arrêter pour limiter les attroupements au même endroit. Oui, vous avez bien lu: vous pouvez marcher, mais pas «stationner», sous peine de vous retrouver avec une amende pouvant aller jusqu’à 275 €. L’interdiction est en vigueur jusqu’au 15 octobre.
2- Des quotas dans les calanques de Marseille, en France
En 2022, un système de quotas a fait ses preuves dans les calanques de Marseille, faisant passer le nombre de visiteurs quotidiens de 3000 à 400 pendant l’été. Au point qu’en 2023, la période a même été prolongée. «Le site accueillait autrefois jusqu’à plus de 3000 visiteurs par jour, rapporte France info. Pour lutter contre l’érosion et protéger la biodiversité, le parc national des Calanques a reconduit le dispositif en l’allongeant de 25 jours.»
3- Les valises à roulettes bannies de Dubrovnik, en Croatie
Les résidents de la perle de l’Adriatique n’en peuvent plus d’entendre le tintamarre des valises roulant sur leurs rues pavées (on les comprend!). Le nombre de visiteurs ayant encore augmenté entre 2022 et 2023, la Ville et l’office du tourisme de Dubrovnik ont lancé l’initiative «Respect the city». En plus de l’interdiction de faire rouler des valises, on rappelle aux visiteurs de ne pas jeter leurs déchets en pleine rue et de ne pas se déplacer en moto ou à scooter. Les valises peuvent néanmoins être transportées à la main ou livrées à l’adresse de résidence temporaire. Le maire a tenu à préciser que le but est d’éduquer et non de punir les visiteurs.
4- Une taxe d’entrée à Venise, en Italie
À compter de 2024, Venise va tester une taxe d’entrée de 5 € (7,25$) destinée aux visiteurs d’un jour pendant les 30 journées traditionnellement les plus achalandées de l’année. La Sérénissime étant l’une des villes les plus visitées au monde – 100 000 touristes y dorment chaque jour pendant la haute saison, alors que la ville compte 50 000 habitants –, on souhaite diminuer le nombre de touristes qui viennent s’ajouter à ce nombre sans y passer au moins une nuit. «En 2017, la création de nouveaux hôtels dans le centre-ville a été interdite, un quota de 20 000 participants a été fixé sur la place Saint-Marc pendant le carnaval et lors de certains jours fériés, et la fermeture de certaines rues et débarcadères décidée», rappelle aussi Les Échos. Les paquebots de plus de 180 mètres de long et de plus de 35 mètres de haut sont par ailleurs interdits dans le centre de la ville depuis le 1er août 2021.
5- Des amendes pour préserver les monuments en Italie
L’Italie est le cinquième pays le plus visité au monde. Dans les communes de Venise, Florence et Rome, les amendes prévues en cas de détérioration de monuments et de non-respect de la propreté des rues ont été renforcées depuis 2019. Un jeune touriste allemand ayant abîmé la fontaine de Neptune après l’avoir escaladée pour prendre une photo s’est par exemple fait coller une amende de 5000 € au début du mois.
6- Le rocher Uluru (Ayers Rock) interdit d’accès en Australie
Site sacré pour les aborigènes Anangu, le rocher le plus célèbre d’Australie a longtemps été pris d’assaut par les touristes qui souhaitaient monter dessus. À la suite de pressions des aborigènes, les autorités du parc national d’Uluru-Kata Tjuta en interdisent l’ascension depuis le 26 octobre 2019. Il reste toutefois possible d’explorer le parc.
7- Un quota au Machu Picchu, au Pérou
La réservation d’un créneau horaire sur un site dédié est obligatoire depuis 2017 pour visiter la mythique cité inca érigée il y a six siècles. Un maximum de 2500 personnes par jour peuvent s’y rendre, comme recommandé par l’UNESCO, qui l’a ajouté à la liste de son patrimoine en 1983.
8- Des plages payantes et des amendes sur des îles d’Italie
Le nombre de visiteurs est maintenant limité sur certaines plages de la Sardaigne et de la Sicile et un droit d’entrée de 1 à 10 € est exigé. «La taxe doit permettre d’aménager un parking, d’entretenir des sentiers et des toilettes de plage», souligne GEO à propos de quatre plages situées à proximité de Baunei. En Sicile, sur la plage d’Isola dei Conigli, sur l’île de Lampedusa, le nombre de visiteurs est aussi limité à 700 par jour, soit moins du double de la fréquentation enregistrée en été. Il est également interdit d’apporter chaises longues et matelas d’eau flottants. Des amendes sont par ailleurs imposées du côté de la Spiaggia Rosa (la plage rose), où les curieux peuvent seulement l’admirer à distance, en bateau. Quiconque oserait y marcher pourrait se retrouver avec une amende de 3500 €. La plage a été fermée en 1994 parce que les touristes volaient son sable.
9- Un maximum de 214 alpinistes au mont Blanc, en France
Depuis 2019, le nombre d’alpinistes qui font l’ascension du mont Blanc est limité à 214 par jour, soit le nombre de lits dont disposent les trois refuges qui se trouvent sur la «Voie normale» (ou «royale»). Pour s’assurer que ce nombre soit respecté, la réservation d’un lit est obligatoire. «Cette mesure, en vigueur pendant la période d’ouverture de ces refuges (de mi-mai à fin septembre), vise notamment à réduire les accidents et le nombre de déchets laissés par les alpinistes en altitude », mentionne Le Figaro. Chaque année, 25 000 personnes se lancent à la conquête du mont Blanc.
10- Des quotas à Maya Bay, en Thaïlande
À la suite du mégasuccès du film The Beach mettant en vedette Leonardo DiCaprio en 2000, la superbe plage de Maya Bay, dans l’archipel de Koh Phi Phi, a été prise d’assaut par les touristes, causant ainsi la détérioration du récif corallien. En juin 2018, la baie a été complètement fermée au public. Rouverte le 1er janvier 2022, la plage est, depuis, accessible à un maximum de 375 visiteurs simultanément entre 10h et 16h, ce qui équivaut à environ 2200 visiteurs par jour. «La baignade demeure interdite et les bateaux doivent jeter l’ancre à l’arrière de la baie afin d’éviter d’endommager le récif corallien, précise Le Figaro. La mesure a prouvé son efficacité puisque des requins à pointes noires ont réinvesti les lieux au bout de quelques mois. Mais il faudra bien plus de temps pour que l’écosystème ne retrouve son état originel...»