Photo: Marie-Julie Gagnon
3 mai 2017Auteure : Marie-Julie Gagnon

Cambodge solidaire

Dans le cadre du «Défi blogueur» de Village Monde, notre globe-trotteuse Marie-Julie Gagnon s'est retrouvée au Cambodge. Récit d'un voyage humain et touchant.



Peut-on voyager en s’assurant que les populations locales bénéficient des retombées de notre passage? Voilà une question qui me taraude depuis de nombreuses années. Moi qui aime tant les grands hôtels et les expériences en tout genre, je me demande, chaque fois que je visite des pays en développement, si l’argent que je dépense a un impact sur les habitants. Oui, le tourisme crée des emplois. Mais il me semble qu’il y a plus…

Ce sont toutes ces réflexions qui m’ont amenée à m’intéresser de plus près au travail de Village Monde, un organisme fondé en 2010 par un couple de Français installé au Québec, Charles Mony et Isabelle Vitte, après un tour du monde en voilier avec leurs enfants. À force de côtoyer les populations locales, ils ont eu envie de mettre de l’avant le tourisme villageois. L’idée de créer un site Web qui deviendrait une sorte de «Airbnb rural et solidaire» est née. Car ce n’est pas tout de soutenir les hébergements locaux, encore faut-il que les voyageurs sachent qu’ils existent et puissent réserver facilement!

Je n’ai pas hésité une seconde quand l’équipe m’a proposé de partir explorer l’une des destinations du réseau, en mars dernier. Dans le cadre du «Défi blogueur», je me suis ainsi retrouvée au Cambodge en compagnie de Maude Carrier, alias MCGlobetrotteuse.

Photo: Marie-Julie Gagnon
Photo: Marie-Julie Gagnon

D’un voyage à l’autre

Comme plusieurs, j’ai commencé mon exploration du Cambodge par les ruines d’Angor, il y a une quinzaine d’années maintenant. Site archéologique incontournable, la cité m’a envoûtée, particulièrement les temples du Bayon au petit matin. Puis, les plages de Sihanoukville m’ont permis de recharger mes batteries. Un séjour à des années-lumières de celui que je m’apprête à faire.

Notre périple débute à Kratie, au nord-est du pays, après une nuit dans la capitale. Nous logeons au Tonlé, une sympathique auberge où travaillent des jeunes en formation. Bien que les toilettes soient partagées, les chambres (privées) sont climatisées et offrent tout le confort nécessaire pour un séjour agréable.

Au restaurant de l’auberge, on sert différentes spécialités locales. J’opte pour le «poisson Amok», servi avec du riz et une sauce au lait de coco. Quel régal!

Nous en profitons pour visiter le centre de formation Le Tonlé, où des jeunes dans le besoin sont formés à différents métiers de l’hôtellerie, comme l’entretien des chambres et de la cour. Sur place, on apprend aussi aux apprentis les rudiments du service à la clientèle et quelques notions d’anglais, qu’ils pourront parfaire au contact des touristes, une fois en stage à l’auberge Tonlé.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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La province de Kratie

Kratie est aussi le nom d’une province. Nous partons explorer les environs en tuk-tuk en compagnie d’un guide, afin d’avoir un aperçu de la culture locale. Sur la route, nous arrêtons manger du riz gluant dans un bambou. Les ingrédients: du riz, de la canne à sucre, de la noix de coco servis dans du bambou. Franchement très bon.

Si la promenade en bateau pour voir les dauphins s’avère plus intéressante que l’observation de mammifères, de moins en moins nombreux, la visite du village éphémère de Kambi, à une quinzaine de kilomètres de Kratie, nous accroche illico un sourire au visage.

Érigé chaque année au début de la saison sèche, l’endroit accueille les visiteurs moyennant quelques riels. Sur place, on peut relaxer dans un hamac, piquer une tête dans le Mékong, faire des achats ou même commander à manger avec son portable et se faire livrer son repas sans bouger de son petit coin de paradis. L’endroit parfait où relaxer en famille ou entre amis le week-end!

Photo: Marie-Julie Gagnon
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Sur l’île de Ko Trong

Pendant notre séjour, nous passons trois nuits chez l’habitant. La première, sur l’île de Ko Trong, à quelques minutes de bateau de Kratie, et les deux autres à Cheung Kok, près de la ville de Kampong Cham. Dans un cas comme dans l’autre, les familles qui accueillent ainsi les voyageurs ne parlent ni anglais, ni français.

À Ko Trong, la chaleur est si intense que mettre un pied devant l’autre demande un effort surhumain. Je pense aux paysans forcés de travailler aux champs sous le règne des Khmers rouges. Non, la torture n’était pas que dans les prisons.

Pas de voitures à Ko Trong, que des motos-taxis, des charrettes et des vélos. Nous choisissons la seconde option. Sous le soleil tapant, nous découvrons un village flottant vietnamien, qui semble vivre en autarcie. «Ils parlent vietnamien», dit Meng, notre guide.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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Nous allons aussi rendre visite à un villageois qui tient un petit magasin général, en plus de cultiver une petite parcelle de terre. «Tout est bio», précise-t-il.

Le village de Cheung Kok

Nous rendre à Cheung Kok s’avère un peu plus rocambolesque. Bien qu’il soit possible de faire le trajet par la route, nous optons pour une balade en chaloupe sur le Mékong. Les cinq heures de croisières se transforment en sept.

C’est en se retrouvant sur une petite embarcation instable et sans toilettes que des superpouvoirs se révèlent. Moi qui exige constamment des pauses pipi sur la route, pas une fois je n’ai demandé au capitaine de s’arrêter. En tête, un seul objectif: arriver sans heurt à destination en perdant le moins de temps possible.

Malgré ces inconvénients, la balade est fort agréable. Le soleil brille. Très calme, le Mékong nous offre un nouveau point de vue. Nous apercevons un paysan dans l’eau avec les buffles. Plus loin, nous voyons des enfants courir. La vraie vie qui bat, sur chacune des rives.

Je profite du voyage pour lire L’élimination, récit du cinéaste Rithy Panh, qui m’aide à mieux comprendre la vie à l’époque des Khmers rouges et l’ampleur du drame.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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Une fois arrivés au village, la pluie se met à tomber. Rien à voir avec une petite averse: on a plutôt l’impression de se faire jeter des seaux d’eau sans arrêt pendant de longues heures. Nous l’avons échappé belle. Je n’ose imaginer m’être retrouvée ainsi aspergée pendant le trajet en chaloupe!

Une guide locale, Somalin alias Aline, nous fait visiter le village le lendemain matin. Un mariage se prépare. Tout le monde met la main à la pâte. On lave des feuilles de bananiers qui serviront de base au gâteau. On sent l’effervescence.

Plusieurs femmes ont appris à tisser au cours des dernières années, histoire de tirer un revenu supplémentaire lors de la visite des touristes. À la boutique du village, on peut lire le nom de la tisserande qui a fabriqué le krama, foulard traditionnel, ou le vêtement qu’on souhaite faire sien. J’achète deux foulards plus fins et un krama dans les tons de violet.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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Les cicatrices de Phnom Penh

Avant de rentrer, nous nous arrêtons quelques heures à Phnom Penh, la capitale. Impossible de ne pas aller visiter le Musée Tuol Sleng, aussi appelé S21, où des centaines de prisonniers ont été torturés. Cet ancien lycée, qui a été le théâtre des pires horreurs, se trouve en pleine ville. On peut très bien passer à côté sans le remarquer. Et pourtant, s’il y a un seul lieu lié au génocide à visiter, c’est bien celui-là. Au fil de la visite, on saisit mieux la mesure du drame qui s’est joué pendant le règne de Pol Pot. Difficile, mais nécessaire.

Nous nous dirigeons ensuite vers les Champs de la mort, dont le nom résume la vocation de jadis, avant de filer découvrir une nouvelle galerie d’art, histoire de conclure ce voyage sur une note plus joyeuse.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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À la nouvelle galerie KBac, je rencontre le streetartist montréalais FONKi, dont quelques œuvres sont exposées. Ce fils de Cambodgiens qui ont vécu en France et au Canada se sert de l’art urbain pour renouer avec ses racines.

Dans l’une de ses toiles baptisée Rebirth, on voit un krama enroulé autour des jambes d’un personnage à la manière d’un serpent. Pour le jeune artiste, il est hors de question que ces symboles restent associés au régime de terreur des Khmers rouges, qui portaient le foulard avec leurs habits noirs. Par son art, il exprime haut et fort sa volonté de se réapproprier la culture de ces ancêtres.

Une belle manière de boucler la boucle.

Photo: Marie-Julie Gagnon
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Pratico-pratique:

  • Pour réserver l’un des hébergements de Village Monde, visitez le site Web. Sachez que 100% du montant va aux gens sur place.
  • Différents niveaux de confort sont proposés aux voyageurs.
  • Si, dans la maison des gens qui nous ont accueillis à Ko Trong, les toilettes se trouvaient à l’intérieur, à Cheung Kok, elles sont à l’extérieur. Pas de douche non plus, on doit utiliser l’eau du puits et un seau pour se laver.

J’étais l’invitée de Village Monde et de la Fondation Air Canada. Toutes les opinions émises ici sont 100% les miennes.


Pour en savoir plus

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