Dans ma voiturette d’enfant Carnet de Jacques Boulerice

Dans ma voiturette d’enfant, Carnet… Le titre m’a intriguée… Carnet… Le mot évoque quelque chose d’un peu suranné, comme la « voiturette d’enfant » d’ailleurs. Mais j’aime les vieilles photos et c’est exactement ce que j’ai trouvé. Entendons-nous bien, le livre de Jacques Boulerice n’est pas illustré et ce n’est pas non plus un livre d’Histoire, mais chaque récit est le polaroid d’un souvenir, d’une impression ou d'une parcelle de vie.

Ces "chroniques des jours heureux" sont donc des souvenirs d’enfance, d’adolescence ou d’adulte, des tranches de vie, des portraits d’humains et d’humanité qui s’accumulent dans la voiturette d’enfant du narrateur. Il y prit place, nous raconte-t-il, au début de l’été 1953. Genou au plancher, il quitte alors la cour de la maison... « Je ne vais plus jamais m’arrêter ». La vie est en marche et le narrateur nous en raconte des fragments, ceux de sa vie, ceux des gens croisés dans le quartier, au collège où il enseigne et un peu partout dans les détours que prennent parfois les années.

Le ton est un peu vieillot, on reconnait souvent le poète, on sent parfois une précision un peu didactique, mais on n’est jamais loin du présent. C’est tout l’intérêt du livre : les souvenirs du narrateur  s’accrochent à l’actualité, à sa vie d’homme aux temps présents et y prennent d’autres sens ou trouvent un écho. Au total, 58 récits réunis en neuf chapitres Le ton et le rythme rappellent la douceur d’une soirée d’été, même si le regard de l’auteur se fait parfois incisif et toujours lucide.

C’est le genre de livre que j’offrirais pour faire du bien à un ami. Mais je pourrais tout aussi bien l’offrir à un amoureux des mots et de la poésie, car chez Jacques Boulerice la poésie n’est jamais loin. Mon récit préféré?  Il y en a plusieurs, mais j'ai particulièrement aimé Une chaise rouge, une chaise verte, (Chapitre Au bonheur des mots) où Gertrude l’inadaptée sociale, lance son cri dans un poème . Autre coup de coeur: Quelques arbres et une pomme (Chapitre Au jardin de mon père).

Au bout de quelques années, les arbres fruitiers que nous avions transplantés ont commencé à donner. Chaque essence venait par couple. Deux pommiers, deux poiriers, deux pruniers, deux cerisiers, de sureaux, deux retraités… Il y poussait aussi un caryer à noix douce, un solitaire installé là bien avant nous. À chaque année,  mon père rappelait l’importance de ne pas prendre tous les fruits et de laisser aux arbres un peu de leur production. Pour les remercier et aussi pour se recueillir en douce après les avoir cueillis.

Je raconte cette histoire de deux sous pour une simple raison. C’est ma façon de la déposer comme un don dérisoire sur l’un des plateaux de la balance du poids des jours : celui du respect de la vie jusque dans la sève. Au soir de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, à Paris, je n’en peux plus des haineux qui jettent leurs fruits pourris dans l’autre plateau. Je pense à mon père, à son amour et à un sorbier.

Elle n’est pas à deux sous votre histoire, Jacques Boulerice.

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Poète, chroniqueur et romancier, Jacques Boulerice est l'auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages. Récipiendaire en 1986 du Prix Québec-Paris  pour son recueil Apparence. Son ouvrage Alice, au pays de l'Alzheimer (Fides 2008) a connu un succès de librairie. Depuis 2013, il est également chroniqueur au Canada Français.

 

Dans ma voiturette d’enfant, Carnet de Jacques Boulerice, Éditions Fides, septembre 2017, 280 pages 22.95 $

Trafiquant d’olive, Sébastien Borduas

Sébastien Borduas est un artiste aux multiples talents. Détenteur de diplômes en arts visuels, en musique et en ébénisterie, il s’alimente de ses nombreuses connaissances pour créer.

Cet artiste visuel né en 1975 est fortement inspiré de ses voyages à l’étranger, alors qu’il se produisait dans des festivals folkloriques comme danseur et musicien. Les thèmes abordés dans ses tableaux font état de cette passion pour la musique et de son ouverture sur le monde.

Interpellé par le comportement humain, il explore différents aspects caractérisant l’Homme dans sa relation avec le monde physique et psychique. Ses tableaux et ses créations se veulent une allégorie de cette coexistence entre ces deux mondes dans lesquelles l’être humain évolue et se développe.

Ayant obtenu des bourses en arts visuels, en musique ainsi qu’en ébénisterie, ses réalisations peuvent prendre forme à partir de différents matériaux ou procédés. Elles sont toujours créées avec authenticité, cette dernière étant pour lui un gage indispensable à la réussite d’une œuvre.

sebastienborduas.com

artotheque.ca

Trafiquant d'olive, 2016. Sébastien Borduas. Acrylique sur toile. 122 x 92 cm. © L'Artothèque
Trafiquant d'olive, 2016. Sébastien Borduas. Acrylique sur toile. 122 x 92 cm. © L'Artothèque

Marché Artisans du Reine Elizabeth: épicerie nouveau genre

Le mythique hôtel Reine Elizabeth a profité récemment d’une cure de jouvence impressionnante. On retrouve désormais à l’accueil de l’établissement un grand marché où faire ses emplettes ou manger. Un concept unique pour le moment, mais qui s’étendra probablement rapidement dans les prochaines années.

En entrant dans le grand hall de cet hôtel du centre-ville de Montréal, on remarque tout de suite les changements. Cet établissement de la chaîne Fairmont, qui avait autrefois un style chic-classique, offre désormais un univers très moderne.

Photo: Facebook Marché artisans
Photo: Facebook Marché Artisans

C’est près de l’accueil que se trouve l’entrée du marché Artisans, qu’on qualifie de «garde-manger de l’hôtel». Là, dans un décor splendide et lumineux fait de blanc, de noir et de bois, se trouvent différents espaces mettant de l’avant le savoir-faire des artisans québécois.

Produits d’érable, chocolats, thés, huiles, sauces, mélanges d’épices, accessoires de cuisine... L’idée du marché Artisans est de promouvoir le plus possible des aliments issus de producteurs québécois.

Et ce n’est pas fou. Puisqu’il n’y a certainement pas de meilleure vitrine pour notre terroir qu’un grand hôtel où passent les visiteurs par milliers.

Photo: Véronique Leduc
Photo: Véronique Leduc

Comme au resto

En plus des sections d’épicerie fine, on trouve dans ce marché nouveau genre une crêperie-pâtisserie, une boulangerie, un comptoir de boucherie et de poissonnerie, des fromages d’ici, des pains frais, des fruits et des légumes et plusieurs plats préparés pour emporter.

Photo: Facebook Marché artisans
Photo: Facebook Marché Artisans

Mais ce qui différencie vraiment le concept, ce sont ces comptoirs entourant les cuisines où on peut déguster des guédilles de homard, des poissons et des huitres, ou des planches de charcuteries et de fromages à savourer avec un verre de vin, comme dans un restaurant. Mario Paladin, directeur du marché, l’avoue: l’équipe souhaite carrément faire des lieux une destination gourmande montréalaise incontournable. Les paris sont faits.

Le concept, qui ravira autant les touristes que les travailleurs du centre-ville, rappelle les fameux marchés Eataly, désormais installés dans plusieurs grandes villes du monde, ou encore, ce vaste espace Pusateri’s du réseau souterrain de Toronto, dont il était question récemment sur Avenues.ca.

Photo: Véronique Leduc
Photo: Véronique Leduc

Pour le moment, le marché Artisans fait office de précurseur. En effet, il est le premier espace de ce genre à Montréal et le seul marché avec ce concept dans un hôtel canadien.

Mais dans une société où l’alimentation et la production locale prennent de plus en plus de place, gageons que le marché Artisans ne restera pas seul longtemps…

Le secret des Vietanamiennes de Kim Thuy

Nous parlons Saveurs sur avenues.ca, mais nous ne publions pas de recettes et nous ne présentons pas non plus de livres de recettes, dans cette chronique Livres. Et pour être tout à fait honnête, les livres de recettes ne m'excitent pas trop. Mais ça c'était avant que je n’ouvre le livre de Kim Thuy, Le secret des vietnamiennes.

Si un jour on m'avait dit que je serais émue en feuilletant un livre de cuisine, je ne l'aurais sans doute pas cru. C'est pourtant inévitable quand on parcourt ce magnifique livre inclassable. Si réussi sur le plan esthétique, qu'on pourrait le placer dans la catégorie des beaux livres, les photos, la mise en page, la qualité du papier, les couleurs , il en a toutes les caractéristiques.

Les herbes

(...) Quand j'avais mon restaurant, Ru de Nam, je n'étais pas capable de manger ce que je cuisinais à la fin de la journée, à l'exception des rouleaux de printemps. Je ne m'en lasse jamais parce qu'ils m'enivrent avec le mélange de leurs feuilles: la menthe-poisson, la ciboulette à l'ail, le basilic thaïlandais, le basilic vietnamien, la menthe, la coriandre. elles libèrent leur fraîcheur dès les lèvres lorsqu'on prend la première bouchée. Elles se fusionnent et offrent des arômes changeant au fur et à mesure qu'on les mâche. Dans la gorge, elles laissent le parfum du bouquet en souvenir longtemps après... comme le goût d'un baiser amoureux.

On pourrait aussi en parler comme d'un recueil de textes. Entre les extraits de ses romans, les pages où elle nous présente une à une ses tantes numérotées, sa mère et sa grand-mère, l’évocation des souvenirs et des préférences culinaires de son père, de la famille et les siens, Kim Thuy se raconte, évoque des tranches de son Viet-Nam natal et de son intégration au Québec, parle de ses émois culinaires et révèle une fois de plus son immense humanité.  Vous l'aimez? Vous l'aimerez encore plus après avoir épluché ce livre unique.

Et puis, bien sûr, c'est aussi un livre de cuisine, avec recettes, 50 "bijoux" que lui ont légués sa mère et ses tantes, mais c'est bien plus que des recettes. Chaque plat est mis en contexte, les ingrédients de base nous sont expliqués à la sauce culturelle. La romancière, qui a été chroniqueuse culinaire dans les médias, sait nous mettre l'eau à la bouche. En prime, le témoignage et les suggestions accords mets-vin de la sommelière Michelle Bouffard. Et en guise de conclusion, un magnifique texte de Monique Giroux, signé « ta Mo Giroux", où l'animatrice résume dans ses mots ce que nous ressentons tous pour Kim Thuy "notre" amie.

Kim Thuy a quitté le Vietnam avec les boat people à l'âge de dix ans et s'est installée au Québec avec sa famille. Diplômée en traduction et en droit, elle a travaillé comme couturière, interprète, avocate, propriétaire de restaurant et chroniqueuse culinaire pour la radio et la télévision. Ru, son premier livre est paru en 2009 est devenu immédiatement un best-seller au Québec et en France. Les droits de ce premier livre ont été vendus dans plus de 25 pays et il lui a valu le Prix du Gouverneur général du Canada en 2010. Elle a reçu un doctorat honorifique de l'Université Concordia pour avoir prêté sa voix à l'expérience des réfugiés. En 2018, elle fait son entrée dans la nouvelle édition du Robert illustré. Son dernier roman Vi a remporté le Prix international Nord-Sud 2017.

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Le secret des Vietnamiennes, Kim Thuy, Éditions du Trécarré, octobre 2017, 192 pages, 29,95$

Les deux côtés, Anne-Laure Djaballah

Anne-Laure Djaballah est une jeune artiste contemporaine qui vit et travaille à Montréal. Inspirée par l’environnement urbain, elle crée des œuvres abstraites où de multiples couches de peinture se juxtaposent.

L’artiste aime explorer les relations entre les éléments : les fils et le dessin, la peinture et les murs, le 3D et le 2D, les traces hésitantes et les marques audacieuses. Les lignes sont utilisées comme fil conducteur entre les différents éléments présents dans une œuvre, créant ainsi une histoire ou une route à suivre.

« Pour moi, la peinture est intimement liée aux lieux – le paysage, les saisons et le temps associés à certains souvenirs refont surface et m’habitent lorsque je peints. »

artothèque.ca

anne-lauredjaballah.blogspot.ca

Les deux côtés, 2011. Anne-Laure Djaballah. Huile sur toile. 76 x 122 cm. © L'Artothèque
Les deux côtés, 2011. Anne-Laure Djaballah. Huile sur toile. 76 x 122 cm. © L'Artothèque

Coût de location par mois pour un particulier (taxes incluses): 26$