Image: Meta
23 novembre 2021Auteure : Maxime Johnson

Le métavers, c’est quoi?

Quand Facebook est devenu Meta le mois dernier, son PDG, Mark Zuckerberg, était sans équivoque: désormais, le métavers sera au cœur des ambitions du réseau social. Et il n’est pas le seul à penser ainsi. Après le web et les applications mobiles, plusieurs géants d’Internet se préparent pour ce qui est annoncé comme la prochaine grande révolution technologique. Mais est-ce vraiment le cas? Survol d’une technologie qui ne laisse personne indifférent.


Qu’est-ce que c’est?

Le métavers est un concept d’univers virtuel en ligne, où il sera bientôt possible de jouer à des jeux, suivre des cours, travailler, magasiner et beaucoup plus.

Même si on pourra en théorie accéder au métavers sur n’importe quel écran (téléphone, ordinateur, etc.), le concept est surtout imaginé en réalité virtuelle, où un casque que l’on place devant nos yeux donne l’impression de nous transporter dans un univers numérique.

Concrètement, un utilisateur pourrait ainsi enfiler ses lunettes de réalité virtuelle le matin, et participer à une rencontre avec ses collègues dans un bureau virtuel, où chacun est représenté par un avatar, un peu comme s’ils avaient une réunion dans un jeu vidéo. Ces avatars pourraient être réalistes, ou même fantastiques, selon les goûts et les envies de chacun.

Le soir, les mêmes collègues pourraient se rencontrer virtuellement pour aller magasiner et acheter des vêtements virtuels pour habiller leurs personnages, et ensuite aller ensemble dans un cinéma du métavers. Chaque personne serait physiquement chez elle, dans son salon, mais son casque de réalité virtuelle ou sa télé intelligente connectée au métavers lui permettrait de regarder le film dans cet univers virtuel, avec ses amis.

C’est du moins la vision qui est vendue par les défenseurs du concept.

Notons qu’on pourrait aussi accéder au métavers via la réalité augmentée, où des lunettes permettraient de mêler l’univers virtuel au monde physique. Cela pourrait être pratique pour des réunions hybrides, par exemple, où certains participants seront réunis au même endroit, alors que d’autres y accèderont à distance.

Le métavers est un concept d’univers virtuel en ligne, où il sera bientôt possible de jouer à des jeux, suivre des cours, travailler, magasiner et beaucoup plus. Image: Meta

À qui ça profitera?

On ignore encore de quoi exactement aura l’air le métavers, mais on a déjà une petite idée de qui pourra en profiter.

Les grands gagnants seront probablement ceux qui créeront les plateformes technologiques pour accueillir toutes ces expériences. De la même façon que Google a dominé le web pendant les années 2000, et qu’Apple a dominé les téléphones intelligents pendant les années 2010, d’autres entreprises tenteront de dominer le métavers dans les prochaines décennies.

On le sait maintenant, une des entreprises qui déploient le plus d’efforts pour être au cœur du métavers est Facebook, devenu Meta, en l’honneur du concept. Pour le fondateur du réseau social, Mark Zuckerberg, cette vision est la nouvelle raison d’être de son entreprise.

Meta n’est pas la seule à vouloir mettre en place cette technologie. Les studios derrière les jeux vidéo Roblox et Fortnite ont aussi une telle ambition. Microsoft travaille également sur différents outils qui pourraient se retrouver au cœur d’un métavers, notamment pour faciliter les réunions en mode hybride.

Des outils pourraient se retrouver au cœur d’un métavers, notamment pour faciliter les réunions en mode hybride. Image: Meta

Quelles occasions seront créées par le métavers?

À en croire les défenseurs du métavers, la mise en place d’un tel monde virtuel pourrait permettre la création d’une toute nouvelle économie.

Des outils collaboratifs pourraient être créés (et vendus) pour travailler à distance dans le métavers, des chaînes de cinéma virtuelles pourraient voir le jour, des jeux vidéo pourraient être conçus pour permettre aux joueurs de visiter la Grèce antique avec le même avatar qu’ils utilisent pour aller travailler.

La boutique de vêtement visitée par les collègues de travail dans l’exemple plus haut ne serait ainsi pas une création de Meta ou de Microsoft, mais plutôt d’une marque de vêtements. Cette marque pourrait être spécialisée uniquement dans les habits virtuels, ou encore avoir aussi pignon sur rue dans le vrai monde. Une chaîne comme H&M pourrait, par exemple, créer des versions numériques de ses vêtements, qu’elle vendrait en ligne seulement, ou qu’elle donnerait à l’achat d’une copie physique.

L’idée est loin d’être farfelue. On le voit depuis quelques mois avec les NFT, ces œuvres d’art numériques qui se vendent à gros prix sur Internet, de nombreux consommateurs sont prêts à payer pour des objets purement virtuels.

Au printemps, la marque Gucci a d’ailleurs créé une installation virtuelle temporaire dans le jeu vidéo Roblox. Un sac Gucci virtuel s’y est même vendu plus de 5000$. Quel prix l’accessoire de mode aurait-il atteint si l’acheteur avait été en mesure d’en profiter non pas seulement dans Roblox, mais aussi dans toutes les autres facettes virtuelles de sa vie, comme ce serait le cas avec un véritable métavers? Probablement plus.

Des galeries d’art virtuelles pourraient ainsi exister, et permettre à des artistes de créer et de vendre de nouveaux genres d’œuvres en 3D qui seront achetées pour meubler sa demeure dans le métavers, par exemple.

Chacun de ces concepts pourrait être mis de l’avant par des entreprises de toutes tailles, qui existent déjà ou qui verront le jour au cours des prochaines années.

À en croire les défenseurs du métavers, la mise en place d’un tel monde virtuel pourrait permettre la création d’une toute nouvelle économie. Image: Meta

Quelle place pour le Québec dans le métavers?

Le Québec serait en bonne position pour se démarquer dans un tel métavers. Les clés du royaume risquent d’appartenir à des géants internationaux, mais la province jouit d’une forte expertise dans les jeux vidéo, notamment, qui pourrait être bénéfique pour participer activement à l’économie du métavers, que ce soit par créations de jeux, d’événements artistiques, de services ou d’objets virtuels.

Plusieurs compagnies locales s’y intéressent d’ailleurs déjà, comme le collectif de créateurs Les 7 doigts, dont une équipe se consacre déjà au métavers. Le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, s’intéresse aussi au concept, via son entreprise Hanai World.

À mesure que le concept évoluera, on peut aussi imaginer que d’autres entreprises existantes s’adapteront au métavers. Rien n’empêcherait Ubisoft d’y créer des jeux, et Moment Factory d’y produire des environnements immersifs.

Faut-il croire tout ce qu’on raconte?

Le métavers est un véritable mot à la mode en ce moment. Les entreprises technos tentent toutes de monter à bord du train et plusieurs financiers espèrent profiter de la manne pendant qu’elle passe.

Comme avec beaucoup d’autres visions technologiques qui ont été un peu trop vantées par le passé, il faudra être vigilant au cours des prochaines années et apprendre à séparer le bon grain de l’ivraie.

À en croire certains, pratiquement chaque jeu vidéo multijoueur et chaque événement en ligne est un métavers à l’heure actuelle. Une recherche pour «metaverse» dans la boutique App Store renvoie d’ailleurs des dizaines de résultats, même si le métavers ne sera pas lancé avant plusieurs années.

Le métavers est un véritable mot à la mode en ce moment. Les entreprises technos tentent toutes de monter à bord du train et plusieurs financiers espèrent profiter de la manne pendant qu’elle passe. Image: Meta

Suis-je normal si le métavers ne m’intéresse pas?

À lire les commentaires sur les réseaux sociaux et dans les médias spécialisés après le changement de nom de Facebook pour Meta, il semble y avoir une dichotomie entre la vision de Mark Zuckerberg et des autres barons technologiques d’un côté, et entre l’intérêt d’une bonne partie de la population de l’autre. En général, ceux qui ne passent pas déjà leurs journées en ligne dans des mondes virtuels ne se sentent absolument pas concernés par le métavers. Et d’autres y voient carrément un cauchemar dystopique, qui force les gens à être constamment connectés.

Un récent sondage en ligne indiquait d’ailleurs que seulement 36% des Américains étaient intéressés par le métavers. Chez les 65 ans et plus, cette proportion fondait à 19%. Voilà qui explique surement la popularité de l’« Icelandverse », une campagne publicitaire pour promouvoir l’Islande lancée à la mi-novembre. Cette campagne qui se moque de la conférence de Mark Zuckerberg résume bien le questionnement de plusieurs: pourquoi s’intéresser au virtuel quand on a accès au monde réel?

Les défenseurs du métavers imaginent un univers omniprésent dans nos vies. En réalité, il faut plutôt s’attendre à un univers omniprésent dans la vie d’une partie de la population, tandis qu’une autre, elle, n’aura aucun intérêt pour cette vision qui semble souvent plus mercantile qu’humaniste. Reste à voir quel groupe sera le plus nombreux.