Jeu de go. Photo: Frédéric Bisson, Flickr.
16 mars 2016Auteur : Maxime Johnson

L’intelligence artificielle bat l’Homme au jeu de go

Après avoir battu l’Homme aux dames, aux échecs et même à Jeopardy, les ordinateurs ont finalement vaincu l’humanité au go, le dernier jeu où l’intelligence humaine dominait toujours l’intelligence artificielle. Compte-rendu d’une lutte palpitante, et aussi un peu triste.


Une série de cinq matchs plus difficile que prévu

Le logiciel AlphaGo de DeepMind, une compagnie d’intelligence artificielle rachetée par Google en 2014, a affronté au cours des derniers jours en Corée du Sud Lee Sedol, champion du monde de go, un jeu de table chinois reconnu pour sa complexité.

La série était censée être dans la poche pour Sedol, qui prévoyait balayer l’ordinateur de Google en cinq matchs. Après tout, les observateurs prévoyaient que les machines ne pourraient battre l’Homme au go avant un autre 10 ans.

Quelle erreur.

Lee Sedol a finalement encaissé trois défaites de suite, parfois cuisantes. «Hier, j’étais surpris, mais aujourd’hui, je suis sans voix» a-t-il laissé entendre après sa seconde défaite, un match à sens unique, où AlphaGo a même joué des coups curieux, que les commentateurs étaient incapables d’expliquer.

Une partie qualifiée de «belle» par les joueurs professionnels, mais aussi de «triste» par certains journalistes présents sur place.

L’humanité a au moins évité un blanchissage, grâce à une victoire – symbolique – de Sedol dans le quatrième match.

Un jeu apparemment insurmontable

Pourquoi est-ce que le go est si difficile pour un ordinateur, même près de 20 ans après la victoire de Deep Blue contre le grand maître Gary Kasparov aux échecs en 1997?

Le problème est la quantité immense de coups possibles dans une partie. Après un tour complet aux échecs, 400 positions différentes sont possibles sur le plateau de jeu. Au go? 129 960. Et cette différence se creuse à mesure que la partie avance, avec 35 coups possibles par tour aux échecs en moyenne, contre 250 au go. Le tout, sans compter le fait que les parties de go sont beaucoup plus longues.

À cause de cette amplitude, les algorithmes développés pour les jeux comme les échecs ne s’appliquent pas au go, et les ordinateurs peinent par exemple à déterminer lequel des deux joueurs est en avance dans une partie à n’importe quel moment donné.

Il est bon de noter que ces difficultés s’appliquent aussi aux humains. Les maîtres de go jouent généralement par intuition, et non en calculant le plus de coups possibles à l’avance.

Comment Google a maîtrisé le Go

La division de Google DeepMind a finalement été capable de maîtriser le go non pas grâce à la force brute de ses ordinateurs, mais grâce à l’apprentissage profond (deep learning).

Les chercheurs de la compagnie ont tout d’abord entraîné AlphaGo en fournissant au logiciel des archives de parties existantes. Après avoir «appris à jouer», AlphaGo a ensuite joué des millions de parties contre lui-même, en apprenant chaque fois de ses erreurs et en peaufinant son jeu.

Pour tester la puissance de son intelligence artificielle, Google l’a testée contre les autres logiciels de go existants, puis contre le champion européen de go Fan Hui en octobre dernier.

On connaît la suite.

Et maintenant?

Qu’adviendra-t-il de DeepMind, maintenant qu’AlphaGo a remporté tous les honneurs? Comme l’explique le journaliste Mike Murphy de Quartz, la question est de savoir si l’algorithme créé par la compagnie pourra être utilisé pour autres choses que le go. 

Même après avoir battu le meilleur joueur d’échecs au monde, Deep Blue était après tout inutile à quoi que ce soit d’autre.

Grâce à l’apprentissage profond, le fondateur de DeepMind affirmait la semaine dernière au site spécialisé The Verge avoir des ambitions beaucoup plus grandes que de placer des pierres noires ou blanches sur une planche de jeu. Les algorithmes de la compagnie pourraient en effet avoir des applications dans les domaines des services de santé et de la robotique. 

Et pour la suite? Disons que ce ne sont certainement pas les films hollywoodiens qui manquent pour nous aider à imaginer jusqu’où l’intelligence artificielle peut aller!