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Ce qu’il faut savoir sur les applications de traçage comme Alerte COVID

Québec devrait annoncer au cours des prochaines semaines s’il compte, à l’instar de l’Ontario, lancer une application de traçage qui permettrait d’envoyer une alerte aux Québécois lorsqu’ils ont été en contact avec quelqu’un atteint de la COVID-19. Présentation d’une technologie qui est loin de faire l’unanimité.


Qu’est-ce qu’une application de traçage?

Une application de traçage, comme Alerte COVID, lancée par le gouvernement canadien en Ontario, utilise la technologie Bluetooth des téléphones intelligents pour noter tous les autres utilisateurs de l’application avec lesquelles elle a été en contact à une distance rapprochée (généralement 2 mètres), pendant un certain temps (généralement 5 minutes).

Si un utilisateur est atteint de la COVID-19, celui-ci peut alors alerter anonymement toutes les personnes avec qui il a été en contact au cours des deux dernières semaines. Ces dernières sont ensuite invitées par l’application à se faire tester pour la maladie, ou à s’isoler à la maison.

Le but des applications de traçage est de reproduire le traçage manuel qui est effectué par la santé publique lorsqu’un individu est atteint de la COVID-19. Si l’appli est conçue dans les règles de l’art, celle-ci n’enregistre aucune donnée personnelle de l’utilisateur et elle ne note jamais sa position GPS. Au Canada, comme dans toutes les autres démocraties dans le monde à l’exception de l’Inde, l’utilisation d’une telle application se fait sur une base volontaire.

Dans un monde idéal, où la technologie fonctionnerait bien et où elle serait bien adoptée, celle-ci permettrait d’accélérer le déconfinement et faciliterait la vie en société avec le coronavirus. En cas de seconde vague, une telle application pourrait par exemple permettre d’éviter les fermetures de commerces et d’industries, puisque seules les personnes infectées resteraient à la maison.

En pratique, le taux d’efficacité des applications dans les pays qui les ont adoptées jusqu’ici laisse toutefois à désirer. Notons toutefois que plusieurs pays ont utilisé au printemps une technologie qui n’était pas encore au point, et que les autres ont déployé les applications alors que la crise commençait à être contrôlée. Les conditions n’ont donc pas encore été réunies pour vraiment mesurer l’efficacité des applications de traçage.

Pourquoi certaines personnes les remettent-elles en question?

Plusieurs observateurs et politiciens remettent en question la pertinence des applications de traçage de contacts. Certaines craintes soulevées sont légitimes, alors que d’autres démontrent surtout une incompréhension de la technologie, ou carrément une méfiance envers le gouvernement.

Parmi les craintes réelles, notons que des experts en sécurité informatique craignent qu’un pirate qui aurait accès à la base de données où les informations de l’application sont enregistrées puisse retrouver l’identité de certaines personnes. L’attaque ne serait pas facile, surtout considérant les gains potentiels, mais elle serait possible.

Pour d’autres, l’utilisation du Bluetooth représente une porte de plus que pourraient utiliser des attaquants. Pour certains experts en sécurité, ces risques sont trop importants pour justifier le déploiement d’une application de traçage, surtout si son efficacité n’a pas été démontrée. Pour d’autres, le risque est minime, et les bénéfices potentiels de l’application valent la peine.

Des observateurs estiment quant à eux qu’une application de traçage pourrait créer de fausses alertes. S’il y en avait trop (et si les ressources pour tester sont limitées et que le gouvernement n’ajuste pas les paramètres de l’application pour répondre aux alertes trop nombreuses), cela pourrait créer de l’engorgement dans les cliniques de dépistage. Certains craignent aussi qu’une telle application crée un faux sentiment de sécurité dans la population (rappelons que les applis ne protègent pas contre la COVID-19, mais qu’elles permettent d’alerter ceux qui ont peut-être été contaminés).

Malheureusement, la technologie utilisée présentement par les applications de traçage nécessite un téléphone (Android ou iOS) assez récent, donc manufacturé au cours des cinq dernières années environ. Ceux qui n’ont pas de téléphone, ou qui en possèdent un plus vieux, risquent donc de ne pas pouvoir profiter de l’application. Il s’agit souvent de personnes plus âgées, qui sont également les plus à risque face au coronavirus.

Des groupes de défense de la vie privée soulèvent quant à eux les risques de dérives autoritaires associées à de telles technologies. Une appli volontaire pourrait devenir obligatoire, et pourrait ensuite demeurer sur les téléphones longtemps après la fin de la COVID-19, craignent-ils.

Une frange de la population perçoit aussi les applications de traçage comme une façon pour le gouvernement de suivre les citoyens à la trace. Notons que le code de l’application Alerte COVID du gouvernement du Canada est ouvert, et que celle-ci ne permet pas un tel suivi. Aucun nom d’utilisateur, donnée confidentielle ou position géographique n’est en effet enregistré par l’application.

Quelle est la situation au Canada et au Québec?

Une application de traçage a été développée au Canada. Celle-ci respecte dans l’ensemble les règles de l’art considérant les technologies qui sont disponibles à l’heure actuelle. Son code source est ouvert, et les données de localisation et les informations personnelles ne sont pas demandées. L’application a été développée gratuitement par des bénévoles de l’entreprise Shopify (mais pas par l’entreprise elle-même), en utilisant les outils technologiques mis au point par Apple et Google.

Assurer le fonctionnement de l’application n’est pas gratuit, mais les coûts nécessaires ne devraient pas être astronomiques. Pour l’instant, seul l’Ontario offre l’application, mais d’autres provinces ont montré de l’intérêt.

Des audiences publiques ont été organisées la semaine dernière à l’Assemblée nationale pour entendre des experts sur le sujet. Les partis de l’opposition, surtout Québec solidaire, se sont positionnés contre l’adoption d’une application de traçage. Le gouvernement Legault n’a pas encore pris de décision, et devrait annoncer sa position prochainement. À suivre…