Photo: Benoit Larochelle
30 avril 2020Auteur : Bernard Leprohon, SPPQ

Faire de la photo en noir et blanc… et 255 nuances de gris

En dépit de toutes les technologies modernes de production et d’impression de photos couleur, la photographie en noir et blanc demeure très populaire. Tous les grands photographes produisent du noir et blanc et toutes les expositions photo dignes de ce nom en contiennent. Pour des tas de raisons, le noir et blanc attire. Mais réussir son noir et blanc n’est pas aussi facile que ça en a l’air, et on a vite fait de se retrouver avec des images grisâtres sans trop d’intérêt. Alors, quand doit-on faire du noir et blanc et comment en produire?


L’utilisation du noir et blanc doit-elle se limiter à certains sujets?

Pour Benoit Larochelle, photographe amateur chevronné ayant un faible pour le noir et blanc, le sujet n’est pas une contrainte. Est-ce que l’émotion ou le message à transmettre seront mieux servis par l’utilisation du noir et blanc? Si oui, sans aucune hésitation, il utilise alors cette technique créative.

Le choix entre la couleur et le noir et blanc dépend tout d’abord du sujet et de la façon dont chaque photographe veut le raconter. La couleur attire le regard. Mais lorsqu’elle est trop disparate ou lorsqu’elle se trouve non pas sur notre sujet, mais plutôt sur un objet qui est accessoire, elle peut détourner l’attention.

Le noir et blanc simplifie l’image et la rend plus simple à lire. Alors que la couleur mise par exemple sur des aspects de saturation, de complémentarité et de vibrance, pour ne nommer que ceux-là, le noir et blanc misera plutôt sur le contraste, les nuances de gris et le rapport structurel entre les noirs et les blancs.

En photo d’architecture, le noir et blanc permet la mise en valeur des lignes directrices, des formes géométriques et des zones de lumière.

Shanghai Grand Theatre Photo: Benoit Larochelle

Le noir et blanc apporte de la profondeur à un portrait, enrichit les textures du grain de la peau et permet de concentrer la lumière sur le sujet.

Photo: Benoit Larochelle

Par l’absence de couleurs, le photographe gagne de la latitude en se libérant de la nécessité de représenter la réalité d’un paysage et en faisant appel à sa capacité créatrice pour créer une atmosphère particulière.

Photo: Benoit Larochelle

Le défi du photographe est de rendre une image plus intéressante et plus parlante en utilisant les caractéristiques du noir et blanc, c’est-à dire les contrastes, les nuances de gris et la lumière. 

À la prise de vue, comment faire?

Dois-je photographier en noir et blanc? Sachez d’abord que les capteurs de tous les appareils photo enregistrent toujours en couleur, ce qui peut permettre, en théorie du moins, de différer la décision de finaliser une photo en couleur ou en noir et blanc.

Le fichier qui est créé par l’appareil contient toute l’information requise pour éventuellement produire une version couleur ou une version noir et blanc de la photo. Les fonctionnalités de noir et blanc des appareils photo permettent de visualiser sur l’écran ce que sera la photo finale, et donc de se rendre compte immédiatement du rendu noir et blanc.

Toujours selon Benoit Larochelle et selon la majorité des experts, même si on peut toujours décider a posteriori de «sortir» une photo en couleur ou en noir et blanc, il est avantageux d’apprendre à regarder en noir et blanc pour développer une nouvelle vision du monde. Si vous pensez en amont votre photo en noir et blanc, elle sera bien meilleure. Si vous regardez le monde autour de vous en vous demandant ce qu’il donnerait en noir et blanc, alors vous aurez une belle photo.

Bien que les techniques de prise de vue demeurent les mêmes que pour la photo couleur, voici quelques conseils pour améliorer la qualité de vos photos noir et blanc:

  • Positionnez la «balance des blancs» à «lumière de jour» plutôt qu’en mode automatique, car l’appareil photo ne doit pas décider en lieu et place du photographe, et ajustez ce réglage lors de la postproduction en fonction des conditions au moment de la prise de la photo (remarquez que ceci est aussi vrai pour la photo couleur);
  • Captez vos images dans le format RAW. Ceci vous permettra de jouer plus finement sur le mélange des différentes couches de couleurs qui deviendront, évidemment, des nuances de gris, ainsi que sur la luminosité et le contraste lors de la postproduction;
  • Faites des photos par temps gris, car la brume, le brouillard, la grisaille et la pluie ajoutent une atmosphère spéciale aux photos en noir et blanc;
  • Restez très attentif aux formes parce que l’œil qui regardera la photo en noir et blanc ne sera plus guidé par la couleur, mais sera plutôt attiré par les formes, les lignes;
  • Privilégiez une lumière qui crée des ombres, de côté ou de face; cela renforce les contrastes et souligne les formes et les textures; donc, choisissez votre position en conséquence;
  • Évitez de trop augmenter les ISO, car en noir et blanc on cherche à tout prix à éviterle «grain», sauf si vous désirez, volontairement, donner un rendu très «vintage» ou «artisanal» à votre photo;
  • Pratiquez!, c’est la meilleure façon d’affiner votre technique et de sublimer chaque photo. 

En postproduction, on procède comment? 

La grande majorité des logiciels de traitement de photos offre des fonctionnalités intéressantes et propose des paramètres prédéfinis pour soutenir la production de photos en noir et blanc. Certains sont même spécialisés à cet effet, par exemple Silver Efex Pro (probablement le plus populaire chez les photographes) et Topaz B&W Effects.

Malheureusement, ou heureusement, selon le point de vue, il n’y a pas de recette applicable à toutes les photos. Cependant, une démarche de travail est suggérée par Benoit Larochelle:

  • Commencez d’abord par apporter les correctifs de base (cadrage, balance des blancs, exposition, etc.) à votre photo couleur et transférez celle-ci en noir et blanc en utilisant les fonctionnalités offertes par votre logiciel de traitement. Le résultat de cette opération est généralement un noir et blanc fade et peu contrasté.
  • Amusez-vous ensuite à jouer entre les noirs, les blancs et les gris en utilisant les réglages comme l’exposition, le mélangeur de couches, les noirs, les ombres, les hautes lumières, etc. L’objectif est d’obtenir un subtil dosage des gris en fonction de la tonalité des couleurs d’origine et de l’émotion à transmettre.
  • Cela étant fait, passez à la retouche locale afin de mettre en valeur les éléments principaux.

Finalement

Comme il a été dit plus haut, la lecture d’une photo est guidée par sa composition, par les éléments graphiques qui la composent, la répartition entre les zones sombres et les zones claires. Ce langage graphique est facilité lorsque la couleur est absente. En fait, le noir et blanc sublime tout.

Photo: Benoit Larochelle

À propos de Benoit Larochelle

Photo: Benoit Larochelle

Benoit Larochelle fait de la photographie depuis les années 1970, époque où il fonde avec des amis le club de photo Le Viseur de Terrebonne. À la fin des années 1980, il abandonne la photo pour se consacrer à l’informatique, mais avec l’arrivée du numérique dans les années 2000 et l’évolution du logiciel Photoshop, il reprend goût à la photo, surtout à la photo Beaux-arts en noir et blanc.

Il aime partager ses connaissances avec les autres photographes du club photo Évasion, club dont il fait partie depuis une douzaine d’années. Il considère qu’il y reçoit plus qu’il y donne et qu’être membre d’un club est une excellente façon de progresser en photographie.