Vers une Stratégie québécoise de l’architecture
Après des années de tergiversation, le gouvernement du Québec entreprend finalement le début des travaux qui permettront de doter la province d’une Stratégie québécoise de l’architecture. Retour sur ce dossier d’une grande importance.
L’idée d’une politique nationale de l’architecture ne date pas d’hier. L’Ordre des architectes du Québec (OAQ) milite en sa faveur depuis 2014. En octobre 2017, l’Ordre invitait notamment les citoyens à signer la Déclaration pour une politique québécoise de l’architecture. L’OAQ a également publié l’an dernier le Livre blanc pour une politique québécoise de l’architecture, qu’il a déposé auprès du ministère de la Culture et des Communications.
Ses efforts semblent porter fruit. Le gouvernement de François Legault a annoncé en avril qu’il allait élaborer sa première stratégie sur le sujet. Celle-ci «visera l’adoption de pratiques exemplaires dans les projets menés par l’État et la mise en place de mesures incitatives dans les projets qu’il subventionne. Elle répondra ainsi aux besoins des Québécois par une contribution de l’architecture à l’identité québécoise, en faisant de la culture un élément fondamental de la qualité de nos cadres de vie et de la vitalité de nos milieux».
Le gouvernement espère ainsi que les projets seront d’une plus grande qualité et bâtis pour l’avenir, en conformité avec les principes de développement durable. Des experts de toutes les disciplines seront appelés à collaborer avec l’État au cours des prochains mois pour alimenter la réflexion.
Définir l’identité architecturale du Québec
Mais justement, quelle est l’identité architecturale québécoise? Cette dernière semble à définir. La province se caractérise-t-elle par son patrimoine historique? Par ses quelques bâtiments iconiques, comme le Stade olympique? Ou par son architecture du quotidien, qui se compose autant de beauté que de laideur, de bibliothèques inspirantes que d’immeubles où la tôle ondulée règne en maître? L’architecture du Québec manque encore de cohésion. Raison de plus pour mettre de l’ordre dans ce joyeux bordel et harmoniser le tout.
En entrevue avec Le Soleil, la présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Anne Carrier, soulignait d’ailleurs que l’objectif de la Stratégie est de définir notre identité culturelle québécoise. «Nous avons des choses à dire avec notre architecture. Je pense que nous pouvons concilier patrimoine, audace, créativité et innovation», assurait-elle alors.
L’affaire de tous
Même si l’architecture n’est pas le sujet de prédilection des Québécois, elle est l’affaire de tous. Elle façonne nos maisons, nos quartiers, nos milieux de travail et les lieux publics que nous fréquentons. Ce n’est pas pour rien que l’OAQ a fait une tournée dans 13 villes avant de lancer sa Déclaration pour une politique québécoise de l’architecture. L’Ordre espérait ainsi entendre les préoccupations des gens, mais aussi les sensibiliser à l’importance du cadre bâti dans leur vie.
Le gouvernement veut aujourd’hui «placer les citoyens au cœur des réflexions». Ce faisant, peut-être que les enjeux cruciaux de notre époque, comme l’étalement urbain, le développement durable ou le logement, intéresseront plus grandement les Québécois. Dans une province où le prix d’une construction importe plus que sa qualité, il faudra changer les mentalités.
Si la Stratégie voit le jour, ce sera une première au Canada. Une politique du genre existe toutefois déjà dans une vingtaine de pays et régions d’Europe, dont la France, l’Allemagne ou le Danemark.
Établir une telle stratégie ne réglera évidemment pas tout. Si l’État donne l’exemple en bâtissant des édifices publics de qualité, comme il l’a fait brillamment avec le réseau des bibliothèques, il pourrait néanmoins avoir une influence sur les promoteurs privés et les particuliers. Ce serait déjà un pas dans la bonne direction.