Photo: Chris Goldberg, Flickr
2 octobre 2018Auteure : Emilie Laperrière

Roger D’Astous, le grand architecte oublié

L’architecture n’est pas un sujet de prédilection au Québec. Pour compenser (un peu), Avenues vous invite à découvrir, dans les prochaines semaines, le travail d'architectes méconnus de la province. Pour commencer cette série, voici trois bâtiments signés Roger D'Astous.



Le nom de Roger D’Astous ne vous dit peut-être rien. Il est pourtant l’un des plus grands architectes du Québec, au même titre qu’Ernest Cormier. Après avoir étudié avec le célèbre Frank Lloyd Wright dans les années 1950, le Montréalais a décidé de rentrer au bercail «pour bâtir le Québec».

Vingt ans après sa mort, les traces de D’Astous sont encore bien visibles à Montréal, puisque ce précurseur du modernisme a conçu plusieurs immeubles phares de la métropole, comme la station de métro Beaubien, et ses églises les plus excentriques. Le cinéaste Étienne Desrosiers lui a également consacré un film en 2016.

Château Champlain

L’hôtel Château Champlain est facilement repérable dans le ciel de Montréal. Le géant de béton, qui a soufflé ses 50 bougies en 2017, a en effet toute une personnalité, à l’image de son architecte. L’immeuble n’a de château que le nom, même si c’est la vision qu’en avait le Canadien Pacifique au moment de la commande, comme c’était le cas dans les autres villes du pays. Roger D’Astous n’en a fait qu’à sa tête.

Les 611 chambres sont dotées d’une fenêtre semi-circulaire, qui ont valu à l’immeuble le surnom de «râpe à fromage». De l’intérieur, on comprend toutefois pourquoi ce design a été préconisé: ces fenêtres offrent aux résidents une vue spectaculaire sur la ville et baignent la pièce de lumière. La salle de bal comprend quant à elle un chandelier qui pèse plus de 300 livres et qui compte 15 000 prismes en cristal.

Les fenêtres permettent une vue sur la ville et beaucoup de lumière. Photo: Facebook Montreal Marriott Chateau Champlain
Les fenêtres offrent une vue spectaculaire sur la ville et baignent la pièce de lumière. Photo: Facebook Montreal Marriott Chateau Champlain

Pour l’hôtel, construit en marge des célébrations de l’Expo 67, Roger D’Astous (en collaboration avec Jean-Paul Pothier) se serait inspiré des ouvertures de style néo-roman de la gare Windsor. Lorsque l’établissement de 38 étages a ouvert ses portes, il était le plus haut du Canada.

Photo: Chris Goldberg, Flickr
Les fenêtres semi-circulaire ont valu au Château Champlain le surnom de «râpe à fromage». Photo: Chris Goldberg, Flickr

Village olympique

Des Jeux olympiques de Montréal, on retient surtout le Stade lorsque l’on parle d’architecture. Le Village olympique mérite néanmoins qu’on s’y attarde. Les pyramides, conçues de concert avec Luc Durand, demeurent un repère dans l’est de l’île.

La forme est simple, les matériaux, bruts, mais la conception demeure ingénieuse. Les deux pyramides ne sont pas dans le même axe, ce qui permet d’optimiser l’ensoleillement et la vue pour les résidents. Respectant l’esprit du modernisme, chaque fonction a sa forme. Les ascenseurs sont, par exemple, bien visibles au centre du bâtiment. On aperçoit aussi les escaliers de la rue Sherbrooke. Avec le rez-de-chaussée, où se retrouvent restaurants, garderie, clinique et autres commerces, le complexe forme un véritable village. Les corridors extérieurs, qui relient les appartements comme dans un motel, sont bombés pour éviter que la neige s’y accumule.

1975 Rue Sherbrooke et le Village Olympique vers l'ouest, Rhéal Benny, Archives de la Ville de Montréal,VM94-B206-011
La conception du Village olympique est ingénieuse. Photo: 1975 Rue Sherbrooke et le Village Olympique vers l'ouest, Rhéal Benny, Archives de la Ville de Montréal, VM94-B206-011

Rappelons toutefois que le projet a tourné au cauchemar. Le fiasco financier entourant sa construction entre 1974 et 1976, dont les deux associés ont été des victimes collatérales, a plombé la carrière de D’Astous. Ce dernier a mis un frein à ses activités pendant cinq ans.

1975 Village Olympique, Rhéal Benny, Archives de la Ville de Montréal,VM94-B171-047
Le fiasco financier entourant la construction du Village olympique entre 1974 et 1976 a plombé la carrière de D’Astous. Photo: 1975 Village Olympique, Rhéal Benny, Archives de la Ville de Montréal, VM94-B171-047

Maison de Fridolin Simard

Construite en 1960, la maison de Fridolin Simard au domaine l’Estérel témoigne de l’influence de Wright dans l’œuvre de Roger D’Astous. À l’image des résidences du starchitecte américain et du mouvement Prairie school, le Québécois a réussi à fondre le bâtiment dans la nature. L’architecte a misé sur le bois, la pierre et le verre et le résultat a passé l’épreuve du temps. 58 ans plus tard, la maison contemporaine n’a pas l’air sortie d’une autre époque, même si son design a été préservé.

58 ans plus tard, la maison contemporaine n’a pas l’air sortie d’une autre époque. Photo: davidomalley.evcanada.com
58 ans plus tard, la maison contemporaine n’a pas l’air sortie d’une autre époque. Photo: davidomalley.evcanada.com

Une série de longues poutres en sapin Douglas soutiennent le bâtiment et ressortent vers l’extérieur. Les nombreuses fenêtres mettent le lac à l’avant-plan sous tous les angles. Érigée sur la falaise, elle offre une vue panoramique du lac Masson.

Une série de longues poutres en sapin Douglas soutiennent le bâtiment et ressortent vers l’extérieur. Photo: davidomalley.evcanada.com
Une série de longues poutres en sapin Douglas soutiennent le bâtiment et ressortent vers l’extérieur. Photo: davidomalley.evcanada.com

Si vous en avez les moyens, la magnifique maison est par ailleurs en vente en ce moment. À près de 4 millions de dollars, elle n’est malheureusement pas pour toutes les bourses. Mais ça ne coûte rien d’en rêver!