La «montréalité» de Dan Hanganu
L’architecture n’est pas un sujet de prédilection au Québec. Pour compenser (un peu), Avenues vous invite à découvrir dans les prochaines semaines le travail d’architectes méconnus de la province. Cette semaine, gros plan sur Dan Hanganu.
Qu’ont en commun le siège social du Cirque du Soleil, le Théâtre du Nouveau Monde ou le pavillon de Design de l’UQAM? Ils portent tous la signature de Dan Hanganu. Ce n’est pas exagéré de dire que Montréal n’aurait pas le même visage sans sa contribution.
Né en Roumanie, Dan Hanganu s’est établi à Montréal dans les années 1970. Depuis, la firme à son nom a réalisé des projets de diverses envergures, de la maison unifamiliale à l’institution culturelle, jusqu’à sa mort subite le 5 octobre 2017. Il avait 78 ans. Il s’est d’abord fait connaître à L’Île-des-Sœurs, où il a conçu les Habitations de Gaspé, une série de maisons en rangée avec de grands espaces ouverts.
L’architecture de Dan Hanganu a un style qui lui est propre. Le regretté réussissait avec brio à donner une touche contemporaine aux bâtiments, à les intégrer dans la ville sans renier le passé. Il avait un faible pour les matériaux bruts, comme le métal, la brique ou le béton. Ses œuvres sont des masses qu’il creuse pour faire jaillir la lumière. L’architecture de Dan Hanganu était controversée. En plus de nombreux éloges, il a reçu au fil de sa carrière son lot de critiques.
Même si ses projets ont presque tous vu le jour au Québec, il a fait briller la province à l’international. Il déplorait d’ailleurs notre manque de culture et de vision architecturales.
L’Éperon
Le bâtiment principal de Pointe-à-Callière, aussi connu sous le nom d’Éperon, est sans doute l’œuvre phare de Dan Hanganu. Inauguré en 1992, le musée a reçu les grands honneurs: la médaille d’excellence du gouverneur général pour l’architecture, le Grand Prix de l’Ordre des architectes du Québec, et le prix Orange de l’organisme Sauvons Montréal.
L’édifice contemporain s’intègre harmonieusement au quartier historique et met en valeur les artéfacts qu’il héberge. Comme le soulignait la directrice générale de Pointe-à-Callière Francine Lelièvre dans un article de La Presse plus tôt cette année, Dan Hanganu a conçu l’Éperon «comme un vaisseau amiral en écho au fleuve Saint-Laurent tout à côté. Il a posé un geste architectural qui a su conjuguer le passé maritime de la ville au lieu présent».
L’architecte a respecté l’histoire en reposant les murs du musée sur les anciennes fondations datant de 1846. Sa façade est sobre et recouverte de la même pierre que la plupart des bâtiments de la rue de la Commune. Le mur-rideau en verre apporte pour sa part une grande quantité de lumière. Le plancher de verre, qui permet aux visiteurs de «marcher» sur les lieux de fondation de la métropole, est une idée ingénieuse, qui rappelle le quadrillage des archéologues.
Bibliothèque Monique-Corriveau
Acclamée tant par la critique que par la population en général, la bibliothèque Monique-Corriveau a valu à son architecte plus d’une distinction, dont un Prix d’excellence en architecture en 2015.
Dan Hanganu (en collaboration avec Côté Leahy Cardas Architectes) a revampé l’ancienne église St-Denys-du-Plateau, complétée en 1964, en lui donnant un air résolument moderne tout en gardant ses lignes originales. Les deux voiles, qui confèrent un peu au bâtiment l’allure d’une tente, ont été conservées. Même chose pour le clocher en forme de proue. Hanganu a ajouté des structures en verre et en métal, toutes en finesse, qui laissent entrer la lumière et illuminent l’espace la nuit venue. À l’intérieur, le blanc immaculé est enjolivé par quelques touches de couleur.
Le projet a également permis de donner une deuxième vie au travail de Jean-Marie Roy, le concepteur de l’édifice religieux.
HEC Montréal
La vision de Dan Hanganu pour HEC Montréal a été bien mal reçue au départ. On a même décerné à l’édifice érigé en 1996 un prix Citron. Peu invitant au premier coup d’œil, le bâtiment monumental s’apprivoise tranquillement, en l’appréciant d’abord de l’intérieur. C’est une œuvre qui se vit plutôt qu’elle s’admire.
Sa facture industrielle, marquée par les matériaux bruts, détonne dans le quartier et sa présence s’impose sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine. À l’intérieur, la réalité est toute autre. Les lieux sont lumineux et varient selon les saisons, notamment grâce aux terrasses vertes sur trois paliers. Dan Hanganu a multiplié les détails pour améliorer le confort des étudiants. Après avoir abattu des arbres pour construire l’établissement d’enseignement, la nature a repris ses droits. Son intégration au boisé adjacent est d’ailleurs remarquable.