Photo: Matthieu Guyonnet-Duluc, Flickr

Les ruelles vertes comme troisième lieu

Les ruelles vertes étaient déjà populaires, mais, en ces temps de pandémie où l’envie de sortir d’entre quatre murs se fait cruellement sentir, elles connaissent un réel engouement.



L’expression troisième lieu vous dit-elle quelque chose? Développée par le sociologue américain Ray Oldenburg, la notion désigne les espaces où l’on peut se retrouver et échanger en dehors de la maison (le premier lieu) et du travail (le deuxième). On l’appelle aussi le tiers-lieu.

Au Québec, on associe surtout le terme aux bibliothèques récentes, mais il englobe en plus les cafés, les centres culturels, les bars de quartier et autres endroits pour garder le contact. Bref, c’est un peu le perron de l’église du XXIe siècle.

La COVID-19 et ses conséquences ont affecté le moral de bien des gens. La pandémie a également eu un impact sur les places où la communauté se construit au fil des conversations, rendues pratiquement inaccessibles durant le confinement. Privés de tiers-lieux, les Montréalais semblent s’être trouvé un nouvel endroit pour socialiser: la ruelle.

Photo: Arrondissement de Villeray, Ville de Montréal, Flickr

Nombre grandissant

La toute première ruelle verte est née en 1995 sur le Plateau-Mont-Royal, entre les rues de Mentana, du Parc-La Fontaine, Roy et Napoléon. Depuis, le projet a fait des petits. En 2019, Montréal en comptait 444 et plusieurs autres ont fait leur apparition cette année.

L’arrondissement qui a vu naître le concept en dénombre notamment huit de plus. D’ici la fin de l’été, Rosemont–La Petite-Patrie ajoutera cinq nouvelles ruelles vertes à ses 123 existantes, alors que 10 auront poussé dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Ce ne sont là que quelques exemples. D’autres aménagements devraient se tailler une place un peu partout sur l’île avant l’automne, d’Ahuntsic à Verdun.

L’engouement ne se limite pas qu’à la métropole. On en retrouve quelques-unes à Québec depuis 2017, dans le quartier Limoilou. Même la ville de Rouyn-Noranda souhaite désormais créer des ruelles vertes afin que «les citoyens se réapproprient l’espace derrière leur maison».

Ces oasis présentent d’ailleurs de nombreux avantages. En plus d’offrir un espace collectif sécuritaire, elles luttent contre les îlots de chaleur, apaisent en partie la circulation automobile et favorisent souvent l’agriculture urbaine.

Photo: Matthieu Guyonnet-Duluc, Flickr

Sentiment d’appartenance et esprit de communauté

Comme le soulignait en entrevue avec La Presse Louise Hénault-Éthier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, la pandémie actuelle s’avère propice à la réalisation de ces ruelles vertes, qui permettent de «renforcer le tissu social dans les quartiers» et d’encourager les conversations entre jeunes et moins jeunes.

Si vous vous êtes aventuré dans les arrière-cours montréalaises depuis le début de la pandémie, vous l’aurez sûrement remarqué: celles-ci sont plus animées, plus habitées qu’à l’habitude. Les enfants, en congé forcé, y jouent ensemble, les parents qui doivent jongler avec le télétravail en profitent pour discuter de tout et de rien, et les promeneurs sont plus nombreux. C’est vrai pour les ruelles vertes, mais la même chose pourrait être dite pour les ruelles plus traditionnelles et les parcs.

À la recherche de nouveaux troisièmes lieux afin de combler ce besoin intrinsèquement humain de socialiser, les villes saisiront peut-être l’occasion pour ajouter d’autres espaces publics. Vienne, par exemple, vient de transformer — en seulement quelques jours! — une imposante intersection à sept voies en petit paradis éphémère. Piscine, espaces verts, kiosque gastronomique et scène en bois accueillent désormais les citadins à la place de l’asphalte, et ce, jusqu’à la fin du mois. La différence entre les photos avant et après est frappante.

Photo: Twitter

Espérons que l’idée inspire d’autres villes du monde. D’ici là, la ruelle est en voie de devenir le lieu de rencontre par excellence.