Les milléniaux et l’architecture
Les milléniaux ont fait couler beaucoup d’encre dans les dernières années. On les dit attachés à leur liberté, moins matérialistes, plus lents à se marier et à fonder une famille. Maintenant que plusieurs sont prêts à devenir propriétaires, ces différences marquées viendront-elles chambouler l’architecture? Avenues s’est posé la question.
Nés entre 1980 et 2000, les jeunes de la génération Y sont aujourd’hui des adultes. La plupart d’entre eux ont quitté le nid familial et, si différents soient-ils de leurs parents, ils n’échappent pas pour autant à l’attrait de la propriété.
Leurs besoins ne sont toutefois pas les mêmes. Même s’il est difficile de généraliser quand on parle d’un groupe qui, au Canada seulement, comprend 10 millions de personnes, on peut malgré tout affirmer qu’ils ont grandi dans une ère de changements technologiques rapides et ont accueilli l’avènement de l’économie du partage avec enthousiasme. Aujourd’hui, il n’est plus inusité de partager voiture, vêtements, musique ou logement. Le bungalow en banlieue n’intéressera donc que très peu d’entre eux.
Miser sur l’expérience
Concrètement, qu’est-ce que cette nouvelle réalité changera pour la profession? De l’avis de la firme britannique TMD Studio, «les architectes ne construiront plus des immeubles, mais plutôt des places et des expériences». Selon elle, on ne peut plus se contenter de bâtir des édifices en ville en espérant que le projet soit un succès. On doit procéder à une curation.
On n’a qu’à penser à Netflix, Spotify ou Communauto pour se convaincre que nombreux sont ceux qui privilégient l’expérience à la possession.
C’est ce qui pourrait expliquer le nombre d’espaces de cohabitation (appelés co-living en anglais) qui voient le jour à travers le monde. Ces lieux, à mi-chemin entre la résidence universitaire et l’hôtel, offrent des chambres privées dans des appartements partagés avec cuisines, salles de bain et salons communs. Comme à l’hôtel, les services, du savon au papier de toilette, sont inclus.
Cette tendance s’est d’abord pointé le bout du nez aux États-Unis, où de jeunes pousses ont saisi l’occasion d’offrir la convivialité d’une colocation et le confort d’un hébergement hôtelier aux moins de 35 ans. On trouve généralement sur place des cours de yoga, des ateliers divers de même que des cafés et des restaurants. Selon les développeurs, la demande pour ce type d’habitation monte en flèche.
Plus de salon?
L’architecte Patrik Schumacher, qui a repris la direction de Zaha Hadid Architects après la mort de sa fondatrice en 2016, va plus loin. «Les milléniaux n’ont pas besoin de salon, a-t-il affirmé plus tôt cette année. Une propriété bien située, de la taille d’une chambre d’hôtel, répond parfaitement aux besoins de plusieurs jeunes professionnels qui travaillent en réseau 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.»
Ses propos ont toutefois causé une certaine controverse. Polly Neate, à la tête de l’entreprise caritative Shelter, a répondu à l’architecte en notant que «les mini-maisons ne sont pas nécessairement des maisons moins chères. Faire des compromis sur l’espace et la qualité ne rendra service à personne».
Moins d’espace, plus de flexibilité
N’empêche, la propriété idéale de cette génération serait petite, souvent minimaliste, mais multifonctionnelle. Dans la plupart des cas, l’espace servira à la fois de résidence et de bureau pour accommoder ces pigistes dans l’âme et ces entrepreneurs de profession. Pour cette raison, les espaces ouverts sont privilégiés. Les pièces qui peuvent se transformer rapidement selon les besoins ont également la cote.
Les projets verts sont aussi prisés par les milléniaux, eux qui ont grandi avec la réalité des changements climatiques. Les matériaux doux pour l’environnement, comme la peinture non toxique, les électroménagers écoénergétiques et des lumières à DEL, font partie de leurs préférences. Même chose pour les résidences centrales, construites à proximité des transports en commun, qui permettent de se déplacer facilement à pied au quotidien et d’oublier la voiture.
Il en faudra évidemment plus pour changer radicalement l’architecture. Les banlieues ne se videront pas du jour au lendemain et les immenses résidences privées continueront de trouver preneur. Mais, avec le vieillissement de la population et les divers problèmes sociaux, le mode de vie des milléniaux risque d’attirer aussi des gens qui sont nés bien avant 1980.