Architecture
Le stade olympique de Tokyo de retour sur la table à dessin
Le premier ministre japonais Shinzo Abe a annoncé vendredi dernier qu’il n’irait pas de l’avant avec le stade qui était pourtant au cœur des plans des Jeux olympiques de 2020. Pour plusieurs au pays du Soleil-Levant, cette décision survient près de deux ans trop tard.
Comparé par certains à un casque de vélo intergalactique ou même à un bol de toilettes vu d’en haut, le stade à la forme bien particulière devait se poser au milieu du parc Meiji de Tokyo. Avec une facture s’élevant à 252 milliards de yens (2,6 milliards de dollars), le projet futuriste de la starchitecte Zaha Hadid ne verra toutefois pas le jour. La somme astronomique, qui représente presque le double du coût initial, du jamais vu dans l’histoire du sport, aura sonné le glas du projet.
En comparaison, le Stade des Jeux olympiques de Londres a coûté 680 millions en 2012. Celui de Pékin, 455 millions.
Critiqué depuis le début
Il faut dire que le design de Zaha Hadid faisait déjà l’objet de vives critiques. Dès les premières maquettes, en 2013, les voix se sont élevées pour dénoncer cette construction trop massive qui, à plus de 230 pieds de haut, aurait fait de l’ombre à ses voisins du quartier historique Jingu-Gaien.
Le plan ambitieux de Zaha Hadid et de son armada d’architectes prévoyait que le toit du stade serait composé de gigantesques arches en acier. Une partie de la toiture aurait été transparente pour laisser entrer la lumière du soleil et ainsi faciliter l'entretien du terrain en gazon naturel. Le sous-sol aurait de son côté été doté de systèmes de ventilation et de contrôle de la température.
Les 80 000 sièges du stade dont la construction devait débuter dans deux mois devaient aussi être mobiles.
Montée aux barricades des architectes
Certains des détracteurs les plus féroces du projet étaient en fait les pairs de Zaha Hadid. Les grands noms de l’architecture japonaise, comme Toyo Ito, Kengo Kuma et Sou Fujimoto, ont uni leurs voix après le dévoilement de la maquette pour arrêter le projet. Leur pétition, menée par Fumihiko Maki, lauréat d’un Pritzker (le Nobel de l’architecture), a récolté 80 000 signatures.
L’architecte du Stade des JO de Barcelone de 1992, Arata Isozaki, en avait rapidement remis une couche, en disant que le projet de Zaha Hadid était une «erreur monumentale» et en comparant le complexe sportif «à une tortue qui attend que le Japon coule pour fuir à la nage». Il est même allé jusqu’à dire que ce serait une «honte pour les générations futures».
En décembre dernier, Zaha Hadid s’était défendue en affirmant que les attaques de ses collègues, embarrassantes pour eux, étaient motivées par le fait que «les Japonais ne veulent pas d’un étranger pour construire leur stade national».
Les architectes n’étaient toutefois pas les seuls mécontents. Des groupes communautaires dénonçaient le projet parce qu’il allait s’installer sur l'un des rares espaces verts de la ville, une zone de jardins et d'arbres construite dans les années 1900 pour commémorer l'empereur Meiji. Sans compter que les plans de Zaha Hadid ont entraîné l'expulsion de 300 ménages des appartements à proximité et d'une poignée de sans-abri qui dormaient dans le parc.
Devant le tollé, le concept avait été revu en juillet 2014 pour minimiser les coûts et faire face aux critiques. En vain. C’est donc la fin d’un feuilleton qui dure depuis 2012. Une course contre la montre devra maintenant s’enclencher si le Japon veut terminer le Stade dans les délais prescrits, au printemps 2020.