Les figures de proue du Bauhaus (de gauche à droite): Josef Albers, Hinnerk Scheper, Georg Muche, László Moholy-Nagy, Herbert Bayer, Joost Schmidt, Walter Gropius, Marcel Breuer, Wassily Kandinsky, Paul Klee, Lyonel Feininger, Gunta Stölzl, Oskar Schlemmer. Décembre 1926. © Hossein Albert Cortez
9 avril 2019Auteure : Emilie Laperrière

Le Bauhaus, centenaire fringant

Le 1er avril 1919, l’école allemande Bauhaus voit le jour à Weimar. 100 ans plus tard, le courant avant-gardiste est de retour dans sa ville natale, grâce au nouveau musée qui lui est consacré. Coup d’œil sur ce mouvement qui continue d’influencer l’architecture et le design d’aujourd’hui.


Qu’est-ce que le Bauhaus?

Fondée par l’architecte allemand Walter Gropius, l’école du Bauhaus, que l’on traduit littéralement par «la maison de la construction», a jeté les bases de l’architecture et du design modernes. Mais le Bauhaus, c’est bien plus que ça.

Son premier directeur espérait abolir les frontières et la hiérarchie entre les disciplines, qu’il s’agisse de l’architecture, du design, de la photographie, du costume ou de la danse. Dans son manifeste, Walter Gropius écrivait d’ailleurs: «Architectes, sculpteurs, peintres; nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n’y a pas d’art professionnel. Créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme: architecture, art plastique et peinture.» Les étudiants devaient se réapproprier les innovations pour les rendre accessibles au plus grand nombre. C’est probablement ce point qui a transformé le Bauhaus en courant artistique (et politique) à vocation sociale.

Les disciples du Bauhaus préconisaient la simplicité. Le béton, l’acier et le verre dominent dans leurs réalisations. Les lignes sobres et les formes géométriques aussi.

Interdit par les nazis dans les années 1930, le mouvement s’est étendu à travers le monde, entre autres grâce à ses grands maîtres. Son fondateur s’est notamment retrouvé à la tête de l’école de design de Harvard, alors que Ludwig Mies van der Rohe — l’architecte qui a laissé sa marque à Montréal avec des projets comme le Westmount Square — prenait les rênes de celle de Chicago. Depuis, de nombreuses bâtisses fidèles à la pensée du Bauhaus sont sorties de terre.

Construit en 1964, le Westmount Square, à Montréal, est l'oeuvre de l'architecte Ludwig Mies van der Rohe. Photo: Facebook Westmount Square

L’influence du mouvement

L’idée de créer des objets pratiques, simples et beaux n’est pas morte à la fermeture de l’école. Loin de là. Elle se perpétue aujourd’hui dans les meubles IKEA et les iPhone de ce monde. «Le Bauhaus a influencé le design dans le monde entier», estime la directrice du nouveau musée, Ulrike Bestgen, ajoutant que les pionniers du Bauhaus avaient abordé des problèmes urgents de leur époque, comme la pénurie de logements, qui sont toujours d’actualité.

On doit également au Bauhaus l’émergence du style international, cette architecture fonctionnelle et sans fioritures parfois mal aimée, qui tranchait alors drastiquement avec l’architecture classique.

Un musée ou un bunker?

Pour un musée dédié au Bauhaus, on aurait pu s’attendre à un bâtiment révolutionnaire. Il n’en est rien. Le cube gris aux lignes sobres semble plutôt vouloir s’effacer et a un peu les allures d’un bunker. «Certains l’ont même comparé à la Wolfsschanze, le quartier général d’Hitler en Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale», a admis Wolfgang Holler, directeur des musées de Weimar, en entrevue avec l’AFP.

Le musée Bauhaus de Weimar est un cube gris aux lignes sobres qui a les allures d’un bunker. Photo: Facebook Klassik Stiftung Weimar

L’édifice, érigé entre un espace datant de la République de Weimar, un immeuble nazi et des bâtiments qui remontent à l’époque communiste, est ancré dans son contexte historique. «J’ai pu atteindre mon objectif principal, qui était que le musée puisse faire face à l’architecture nazie», a souligné l’architecte Heike Hanada au quotidien Thüringer Allgemeine. Au dernier étage, une fenêtre judicieusement positionnée donne d’ailleurs sur le mémorial du camp de concentration nazi de Buchenwald.

N’empêche que l’institution permet un fascinant voyage dans le temps. Mille articles dispersés sur 2000 mètres carrés attendent les visiteurs. Certains objets cultes du Bauhaus, comme la chaise de Marcel Brauer, la lampe de Wilhelm Wagenfeld et Carl Jakob Jucker ou encore la théière de Marianne Brandt, y ont une place de choix. On y retrouve également des meubles dessinés par Mies van der Rohe et des œuvres graphiques de Paul Klee et László Moholy-Nagy.

Parmi les objets cultes du Bauhaus: la chaise de Marcel Brauer. Photo: Facebook Klassik Stiftung Weimar

Le musée permet surtout de revenir sur le développement extraordinaire de l’école du Bauhaus et de constater à quel point le mouvement a changé le monde moderne.


Pour en savoir plus