30 septembre 2015Auteure : Emilie Laperrière

Urbanisme

Des fermes flottantes pour nourrir la planète de demain?

Aller cueillir ses légumes sur le Saint-Laurent? Ce sera bientôt possible si la firme Forward Thinking Architecture de Barcelone a son mot à dire. Ses fermes flottantes pourraient éventuellement résoudre une partie du problème de l'alimentation mondiale.



D’ici 2050, l’ONU prévoit que neuf milliards d’habitants peupleront la Terre. Pour combler toutes ces bouches à nourrir, les architectes espagnols ont imaginé les Smart Floating Farms (SFF), d’immenses fermes flottantes qui peuvent être construites, lancées à la mer et ensuite fonctionner pratiquement de manière autonome.

Leur idée —un peu folle, disons-le— réunit tous les concepts à la mode en ce moment : nourriture biologique, approvisionnement local, protection de l’environnement, préservation des terres arables et autosuffisance.

Une ferme automatisée

La ferme flottante est conçue selon le principe d’agriculture verticale, comme on en retrouve à Singapour ou à New York, et selon celui de l’aquaponie. Chacun des trois étages aurait sa fonction propre, mais alimenterait aussi les autres ponts.

Le niveau inférieur serait consacré à la pisciculture. Le deuxième étage serait quant à lui une serre hydroponique automatisée, avec un contrôle de la température. On y ferait pousser des légumes et des herbes, sur un substrat rempli de nutriments et de sels minéraux. C’est sans doute l’élément le plus intéressant, puisqu’un jardin hydroponique ne nécessite pas de pluie, de terre fertile ou même de pesticides, et que les jardinières peuvent y être empilées, ce qui fait que l’ensemble prend moins de place.

Le toit serait de son côté recouvert de panneaux solaires, pour alimenter le système d'éclairage, les capteurs et le nécessaire afin que ce soit le plus automatisé possible tout au long de l’année, et de puits de lumière pour offrir de la lumière naturelle aux plantes.

Les eaux usées provenant des cultures maraîchères seraient filtrées jusqu'au niveau de la pisciculture, tandis que le fumier de poisson servirait d’engrais.

On retrouverait aussi une usine de dessalement (si la barge flotte sur l’eau de mer), un abattoir pour le poisson et un centre d’emballage. Des éoliennes ou des hydroliennes pourraient également être ajoutées, pour fournir de l’énergie supplémentaire. L’embarcation pourrait aussi potentiellement transformer ses propres déchets en biogaz.

Chaque module mesurerait 200 par 350 mètres. En comparaison, la tour Eiffel s’élève à 312 mètres. Les architectes estiment que la ferme pourrait fournir plus de 8000 tonnes de légumes et plus de 1700 tonnes de poisson par année. De quoi remplir quelques estomacs! Comme les fermes flottantes sont modulables, plusieurs barges pourraient être regroupées pour améliorer le rendement dans les zones densément peuplées.

Le cabinet d’architectes souligne que ces fermes flottantes pourraient s’implanter n’importe où où il y a de l’eau, et même près des grandes villes, que ce soit à New York, Tokyo, Sao Paulo, Los Angeles ou Sydney.

Ériger les fermes au-dessus de l’eau permettrait en outre d’adapter la production agricole à la hausse du niveau de la mer et d’éviter les problèmes d’inondation communs en agriculture traditionnelle.

Des technologies déjà disponibles

Chaque composant des fermes flottantes est déjà utilisé quelque part dans le monde. Des pontons retiendraient notamment la ferme en place sans endommager l’écosystème. L’ensemble serait protégé contre les vagues et les mauvaises conditions météorologiques avec des protecteurs gonflables. En plus des capteurs placés un peu partout, les fermes flottantes exploiteraient les possibilités offertes par l’Internet des objets pour recueillir des données qui serviraient à améliorer l’efficacité de la ferme et à s’adapter aux besoins de la population locale.

Le concepteur à l’origine du projet, Javier Ponce, explique que pour lui et ses collègues, « l’objectif de cette ferme flottante n’est pas de remplacer l’agriculture traditionnelle et de résoudre tous les problèmes de faim dans le monde, mais de proposer des solutions d’avenir tout en préservant l’environnement ».

Si ce n’est qu’une idée pour l’instant, leur projet pourrait aider à réduire les problèmes alimentaires associés aux changements climatiques, comme les sécheresses ou les inondations, dans les régions les plus vulnérables du monde.