22 mars 2022Auteure : Emilie Laperrière

L’architecture ukrainienne en 5 joyaux

La guerre en Ukraine n’a pas qu’un coût humain. L’invasion russe menace aussi des bâtiments de grande importance, qui reflètent la richesse de la culture ukrainienne. De Kiev à Kharkiv, en passant par les montagnes, on vous présente 5 joyaux de l’architecture ukrainienne.


Cathédrale Sainte-Sophie (Kiev)

Probablement l’un des bâtiments les plus connus d’Ukraine, la cathédrale Sainte-Sophie se dresse dans le centre-ville de Kiev depuis plus de 1000 ans. Construite au début du XIe siècle, l’église chrétienne a été conçue sur le modèle de l’église Sainte-Sophie à Constantinople.

Ses nombreux dômes dorés, ses multiples nefs, ses arcs arrondis, sa hauteur et ses mosaïques colorées ont été empruntés à l’architecture byzantine. On peut aussi apercevoir sur certaines sections non crépies le mélange de maçonnerie propre à la technique byzantine.

Si l’architecte demeure inconnu, deux théories circulent sur la création de la cathédrale. Certains croient qu’elle a été commandée par le grand prince de Kiev, Yaroslav le Sage, en 1037, alors que d’autres affirment qu’elle a été fondée par Vladimir le Grand en 1011. Des inscriptions murales remontant à 1011 à l’intérieur de la cathédrale tendent à confirmer la seconde option. L’Ukraine a d’ailleurs souligné son millénaire en 2011.

Le monument religieux revêt aussi une importance symbolique en ces temps incertains. Les Ukrainiens croient en effet que le pays continuera d’exister tant que la cathédrale se tiendra debout.

Vue aérienne deAerial view of Sofievskaya Square and St. Sophia Cathedral in Kiev, Ukraine. Photo: Depositphotos

Maison Gorodetsky ou maison aux chimères (Kiev)

Ceux qui suivent assidûment l’actualité ont peut-être déjà remarqué la maison Gorodetsky en toile de fond des vidéos du président ukrainien Volodymyr Zelensky. L’édifice art nouveau au style bien distinct a été construit par l’architecte d’origine polonaise Vladislav Gorodetsky entre 1901 et 1902.

Le concepteur, parfois surnommé le Gaudi d’Ukraine, a imaginé un immeuble aux lignes fluides et droites, richement ornementé. Les nymphes, les dauphins et les grenouilles côtoient les aigles sur les murs extérieurs. La trompe des éléphants, elle, sert de gouttière. Les sculptures ont été réalisées en ciment, un matériau peu utilisé à l’époque. C’est à ces chimères que la maison doit son nom. L’intérieur est aussi extravagant, avec ses fleurs et ses trophées de chasse.

La résidence luxueuse, où a habité l’architecte, est utilisée depuis 2005 pour des cérémonies officielles du président. Au fil de son histoire, la maison aux chimères a changé de mains de nombreuses fois, et elle a également fait office de clinique pendant plusieurs années. La décoration a depuis été restaurée. Conformément aux plans originaux, un lac artificiel, des fontaines et un jardin miniature ont retrouvé leur place dans la cour.

La maison aux chimères, la création la plus originale de l'architecte Vladislav Gorodetsky, à Kiev. Photo: Depositphotos

Centre historique de Lviv (Lviv)

Lviv a été fondée à la fin du Moyen Âge. La ville de quelque 700 000 habitants fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Et pour cause. Lviv a conservé pratiquement «intacte sa topographie urbaine médiévale», alors que certaines parties remontent au Ve siècle, et elle a gardé la trace des différentes communautés qui y ont élu domicile.

Ces différentes cultures s’expriment par l’architecture. On retrouve notamment des maisons gothiques, des résidences baroques et un opéra de style néo-Renaissance. Une mosquée, une synagogue et divers bâtiments religieux des Églises orthodoxes, arméniennes et catholiques ont été érigés au fil des ans.

Pour essayer de préserver certains trésors, les habitants de Lviv s’activent. Une statue du Christ datant de l’époque médiévale a par exemple été retirée de la cathédrale arménienne de Lviv. On l’a soigneusement transportée dans un abri anti-bombe. D’autres monuments, qui ne peuvent pas être déplacés, ont été emballés dans du plastique ignifuge.

Lviv a conservé pratiquement «intacte sa topographie urbaine médiévale», alors que certaines parties remontent au Ve siècle. Photo: Nico Benedickt, Unsplash

Derzhprom (Kharkiv)

Derzhprom, que l’on pourrait traduire par industrie d’État, est un grand bâtiment gouvernemental du centre de Kharkiv, la deuxième plus grande ville d’Ukraine. Construit en seulement trois ans par les architectes Sergei Serafimov, Samuel Kravets et Mark Felger, il s’agit du premier gratte-ciel soviétique à voir le jour, en 1928.

Le concours d’architecture soulignait que le bâtiment devait représenter la nouvelle Ukraine industrielle, au pays comme à l’étranger. Brutaliste avant l’heure, le complexe de la place de la Liberté est un symbole de modernité. Les trois blocs de tours constructivistes aux lignes dures sont reliés par des passerelles surélevées. Les structures de béton et de verre font fi des fioritures. La fonctionnalité règne.

Construit en seulement trois ans par les architectes Sergei Serafimov, Samuel Kravets et Mark Felger, Derzhprom est le premier gratte-ciel soviétique à voir le jour, en 1928. Photo: Depositphotos

Églises en bois (Carpates)

L’Ukraine abrite également des centaines d’églises de bois. L’UNESCO a inscrit huit de ces tserkvas (églises) sur sa liste du patrimoine mondial en 2013, avec huit autres en sol polonais.

Construits entre le XVIe et le XIXe siècle dans les montagnes des Carpates, ces modestes bâtiments en rondins de bois comportent une forme bien particulière. Les traditions de l’Église orthodoxe se mélangent à l’architecture et aux coutumes locales pour créer des églises caractéristiques de la région. Les églises sont érigées sur «un plan en trois parties surmontées de coupoles et de dômes ouverts sur un espace quadrilatère ou octogonal». Même les clochers sont en bois.

La liste ne s’arrête évidemment pas là. L’Ukraine compte plusieurs autres trésors architecturaux, comme le palais Potocki à Lviv, le mémorial de l’Holocauste Babi Yar ou la gare de trains à Koziatyn, dont la disparition serait une grande perte. Ne reste qu’à espérer que leur destruction ne s’ajoutera pas au bilan de la guerre actuelle.

La vieille église Saint-George à Drohobych. Photo: Depositphotos