Architecture et urbanisme: 5 non-sens en temps de pandémie
Tout comme les autres épidémies avant elle, la crise actuelle nous pousse à repenser la ville. L’espace urbain tel qu’on le connait aujourd’hui risque de changer lorsque les choses reprendront leur cours normal. On vous présente cinq éléments qui n’ont pas leur place en ces temps de confinement.
La rue consacrée à la voiture
Alors que le printemps montre enfin timidement le bout de son nez, les citadins ressentent de plus en plus l’envie de sortir. On n’a qu’à se promener le long d’une rue de Montréal pour constater que les trottoirs ne sont pas conçus pour maintenir une distanciation sociale. Impossible de garder deux mètres de distance des autres passants par un beau samedi après-midi. C’est encore plus vrai en banlieue, où les trottoirs sont très étroits ou carrément inexistants.
En construisant depuis longtemps des rues où la voiture règne en maître, on a privé les piétons et les cyclistes d’espace. Pour remédier à ce problème, des villes ont fermé certaines rues à la circulation automobile pour les redonner aux gens, leur permettant ainsi de prendre une dose de soleil et d’air frais, tout en brisant momentanément leur isolement. Sans changer complètement la façon dont la rue est pensée, on peut notamment convertir des espaces de stationnement en zones dédiées au transport actif.
Bogota est probablement celle qui a ouvert le bal. La ville a annoncé il y a plus d’un mois que son initiative Ciclovía — un réseau de rues de 120 kilomètres réservé aux vélos un jour par semaine — serait étendue à toute la semaine. Elle a ensuite ajouté 117 kilomètres d’espace supplémentaire pour les vélos et les piétons en supprimant temporairement les voies réservées aux voitures. Depuis, Berlin, Paris et Montréal, pour ne nommer que celles-là, ont suivi son exemple.
Le manque de transport public
Le transport public souffre depuis le début de la crise. Qui a envie de risquer sa santé pour prendre un métro bondé? Certains travailleurs essentiels, comme les caissiers d’épicerie et ceux qui n’ont pas de voiture, mais qui doivent tout de même se rendre au travail, n’ont pas le luxe de choisir. La clé de ce problème réside probablement dans une plus grande fréquence des passages. Idéalement, la ville augmenterait la fréquence des autobus et des métros, qui seraient donc moins pleins. Comme le souligne l’urbaniste Brent Toderian à Vox, «pas besoin de s’entasser dans un train si un autre arrive bientôt».
Des espaces verts trop rares
Si le confinement a permis de mettre en relief une réalité urbaine, c’est bien celle du manque d’espaces verts. Les balcons, les ruelles et les parcs sont pris d’assaut par les habitants en quête d’air frais. Montréal avait d’ailleurs fait planer il y a quelques semaines la menace de fermer les parcs publics si les citoyens ne respectaient pas les consignes de distanciation sociale.
En laissant plus de place à la nature au milieu du béton, les villes pourraient bien faire d’une pierre deux coups et aider à la lutte aux changements climatiques. Andrew Frontini, dans un article pour Canadian Architect, constate qu’alors que l’économie mondiale et l’activité humaine en général ont été considérablement réduites depuis un mois, Dame Nature fait déjà son retour en milieu urbain. Selon les prévisions, les émissions de carbone devraient chuter de 4% par rapport au niveau de 2019.
Le manque de toilettes publiques
Même si votre employeur vous permet d’opter pour le télétravail, nombreux sont ceux qui doivent sortir pour gagner leur vie. On n’a qu’à penser aux livreurs de marchandise ou d’épicerie, en ces temps où les commandes en ligne n’ont jamais été aussi populaires. Si ces derniers veulent respecter les normes de santé publique qui urgent la population à se laver fréquemment les mains, ils doivent chercher longtemps avant de trouver une salle de bain, à tout le moins au Québec. Même chose pour les itinérants, surtout depuis que la plupart des restaurants et des cafés ont fermé temporairement leurs portes.
Dans certaines villes ailleurs dans le monde, comme Tokyo ou Mexico, les travailleurs peuvent compter sur de nombreuses toilettes propres et sécuritaires. Les municipalités québécoises ont du chemin à faire sur ce point.
Le besoin de toucher
Bouton pour traverser la rue, boutons dans l’ascenseur, poignées de porte à l’entrée de certains commerces et dispositifs pour payer à la caisse: la ville compte de nombreux points de contact entre les personnes qui encouragent la propagation des infections. Il n’existe pas encore de solution à tous ces problèmes, mais les nouvelles technologies pourraient nous aider à les résoudre. Architectes et urbanistes devront réfléchir à tous ces détails pour concevoir la ville de demain, une ville capable de faire face aux épidémies sans avoir à fermer ses portes.