L’architecture au service des sans-abri
La crise des sans-abri est un problème mondial, qui n’a été qu’exacerbé par la pandémie. Des maisons imprimées en 3D aux solutions plus globales, on vous explique de quelle façon les architectes participent à la lutte contre l’itinérance.
PowerHYDE
Avec les logements PowerHYDE, le studio de design à but non lucratif BillionBricks veut permettre aux sans-abri de s’offrir leur propre maison. L’objectif, ambitieux, est de sortir les familles en Asie du Sud-Est de la pauvreté en une génération.
La première résidence à bilan carbone positif pour les itinérants au monde produit quatre fois la quantité d’énergie dont elle a besoin pour fonctionner. Le surplus d’énergie est vendu, ce qui génère des revenus supplémentaires pour les propriétaires. Un ensemble de 170 maisons forme, par exemple, une mini centrale électrique capable de générer un mégawatt d’énergie. Chaque domicile permet également de récupérer l’eau de pluie, de nettoyer ses eaux usées et de cultiver sa nourriture. Les communautés peuvent en outre s’adapter aux besoins des résidents. En plus du logement, d’autres éléments comme une école, un centre de santé, des magasins et des parcs sont inclus.
Après avoir construit une maison en Inde et deux aux Philippines, BillionBricks planche sur une communauté de 500 résidences près de Manille, toujours aux Philippines. Cette dernière génèrerait dix mégawatts d’énergie. Le logement net zéro est d’ailleurs en nomination au prix de Bâtiment de l’année d’ArchDaily dans la catégorie Maison.
Capsules Commonweal
Pour redonner un peu d’intimité et un sentiment de sécurité aux personnes en situation d’itinérance, le studio d’architectes londonien Reed Watts a conçu des modules de couchage. Fabriquées en contreplaqué, ces mini capsules de deux mètres sur deux mètres s’imbriquent et ne nécessitent aucun clou, vis ou colle pour être érigées. Elles peuvent se tenir seules ou être construites en rangée, avec des panneaux latéraux partagés pour réduire la quantité de bois nécessaire.
Dix modules ont été aménagés au refuge 999 Club de Deptford (Angleterre), dans une grande salle ouverte où les matelas seraient normalement posés sur le sol autour de l’espace. Les architectes espèrent que le modèle sera reproduit ailleurs.
Community First! Village
Au Texas, à quatre kilomètres d’Austin, l’organisme communautaire Mobile Loaves & Fishes (MLF) dirige un effort de collaboration sans précédent pour réduire l’itinérance. Le Community First! Village offre à plus de 200 personnes sortant de l’itinérance chronique un logement abordable, mais aussi des moyens pour les aider en cours de route.
En 2014, MLF a lancé un appel à propositions pour la conception des micromaisons, qui devaient mesurer entre 144 et 200 pieds carrés et ne coûter qu’entre 12 000$ et 20 000$ à construire. ICON, qui conçoit des maisons imprimées en 3D, faisait partie de ceux qui ont répondu à l’appel.
Le quartier est né par la suite et se compose de 130 micromaisons et de 100 unités de véhicules récréatifs, ainsi que de salles de bain, de cuisines extérieures et d’autres ressources communes. Les résidents qui veulent travailler peuvent notamment s’occuper des jardins sur place, bosser au garage ou créer des œuvres d’art qui sont vendues par le biais d’un marché en ligne.
L’engouement a été tel que MLF a décidé de lancer en 2018 une deuxième phase, juste à côté de la première, qui porte le domaine à 51 acres et à plus de 500 maisons. L’an dernier, l’organisme a également annoncé un important ajout de 1400 autres maisons. Une communauté semblable a aussi élu domicile à Madison, au Wisconsin, de même qu’à Portland, en Oregon.
Métropole solidaire
Depuis 2019, Architecture sans frontières Québec (ASFQ) comprend un volet de solidarité urbaine. Après avoir aidé les organismes communautaires — dont certains dédiés à l’itinérance — à adapter leurs locaux durant la pandémie, l’ASFQ a lancé le 22 février le projet de recherche-action-diffusion «Montréal: métropole solidaire par le design et l’architecture», soutenu par la Ville et le gouvernement du Québec.
Avec ce nouveau programme, le bras humanitaire de l’Ordre des architectes du Québec offrira un service d’aménagement aux projets communautaires visant l’équité urbaine, l’inclusion sociale ou l’aide aux plus vulnérables. Par exemple, l’équipe réaménage actuellement un dortoir pour hommes pour PAQ (Projets Autochtones du Québec) et rénove la salle communautaire de Logis Rose-Virginie, un centre d’hébergement pour femmes. Des appels à projets seront lancés deux ou trois fois par année pendant trois ans.
Le projet contient aussi un volet de recherche et de transfert des connaissances, qui mettra entre autres en place un guide des meilleures pratiques et des projets exemplaires à l’attention des architectes et des acteurs municipaux.
Résilience Montréal
En quelques semaines, un ancien restaurant situé à l’angle des rues Atwater et Sainte-Catherine, à Montréal, s’est transformé en refuge pour sans-abri. Grâce à la collaboration bénévole d’ASFQ, qui a rénové et réaménagé l’espace, Résilience Montréal peut accueillir les sans-abri de 8 h à 20 h pour qu’ils puissent manger, se laver et se reposer. D’autres ressources, comme des psychologues sur place, s’ajoutent.
Le centre de jour vient en aide aux Autochtones et aux Inuits en situation d’itinérance à Montréal. Le local est donc idéalement situé, tout près du square Cabot, où ils se retrouvent souvent.
La solution n’est que temporaire, puisque les lieux ne sont disponibles que pour un moment. L’organisme a toutefois reçu de l’aide financière des deux paliers de gouvernement et de fondations privées pour l’aider à acquérir les nouveaux locaux qu’elle convoite dans le même secteur.
En matière d’itinérance, les aspects à considérer sont multiples, et l’architecture ne saurait à elle seule résoudre le problème. N’empêche, les architectes font partie de la solution.