Agriculture urbaine: du toit à l’assiette
D’ici 2020, le plus grand jardin urbain situé sur un toit ouvrira ses portes à Paris. Le potager de 14 000 mètres carrés devrait produire environ 1000 kg de fruits et légumes par jour pendant la belle saison. Le projet témoigne cependant d’une tendance beaucoup plus vaste.
L’agriculture urbaine n’est pas exactement une nouveauté. Des légumes poussent sur les toits des villes de Detroit à Shanghaï, et même dans un pays où l’hiver domine, les Québécois peuvent savourer des tomates d’ici à longueur d’année. Selon les données publiées en juin par le Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine (CRETAU), on dénombre pas moins de 50 exploitations agricoles situées en milieu urbain au Québec.
Le tournant vert de Paris est plus récent, mais la capitale française compte rattraper son retard. Plusieurs plantations ont vu le jour au-dessus des immeubles et celle qui se pointera au printemps prochain sera la plus grande ferme sur un toit du monde. Présentement en construction dans le sud-ouest de la ville, l’installation accueillera une production entièrement biologique de plus de 30 espèces de plantes différentes.
«Notre principe directeur avec toutes nos fermes est de contribuer à renforcer la résilience environnementale et économique dans les villes de demain», a expliqué au Guardian le fondateur d’Agripolis, la société d’agriculture urbaine au centre du projet, Pascal Hardy. Ce dernier souhaite d’ailleurs faire du futur jardin un modèle mondialement reconnu de production durable.
On retrouvera un restaurant et un bar sur place. La ferme organisera des visites éducatives, des ateliers et des événements spéciaux. Les citadins pourront également louer une parcelle de jardin pour cultiver leurs propres légumes.
De nombreux avantages
Les bienfaits de l’agriculture urbaine ne se limitent pas à l’alimentation. Elle a aussi un impact important sur la ville. En plus d’embellir les quartiers, elle réduit les îlots de chaleur et absorbe l’eau de pluie, tout en aidant à améliorer la biodiversité. Sans compter que les jardins communautaires permettent en outre de socialiser.
Par exemple, à Bristol, le conseil municipal et un groupe de défense de la durabilité, le Bristol Green Capital Partnership, ont commandé en 2009 un rapport sur ce qui pourrait arriver à la ville si le monde venait à manquer de pétrole. L’une des conclusions était que l’approvisionnement alimentaire de la ville britannique, qui dépendait entièrement de pétrole et de gaz bon marché pour la culture et le transport, pourrait être gravement affecté.
Le rapport a donné lieu à un plan pour «promouvoir l’utilisation de terres de bonne qualité dans et autour de Bristol pour la production alimentaire». On a d’abord misé sur des idées simples, mais le plan a rapidement fait des petits, puisque les citoyens ont répondu avec enthousiasme à l’appel. Depuis, la municipalité abrite notamment Purple Patch, une petite exploitation maraîchère de quatre acres qui accueille aussi des cochons et du bétail. Un groupe de résidents a pour sa part transformé le rond-point de St James Barton, autrefois malfamé, en y plantant des fleurs, des herbes, des fruits et des légumes disponibles pour tous ceux qui veulent les cueillir.
Pas seulement sur les toits
En ville, où les terrains se font rares, les plantations doivent s’intégrer aux bâtiments. Même si c’est ce qui est le plus commun, l’agriculture urbaine ne se développe pas que sur les toits. Depuis que la tendance connait une certaine croissance, les architectes rivalisent d’imagination pour créer des cités-jardins. Les murs se couvrent de grimpants comestibles, les balcons se transforment en potagers… Paris accueille même depuis quelques années un jardin sous-terrain niché dans un stationnement.
Ailleurs en France, la petite ville d’Albi s’est donné en 2014 l’objectif de devenir autosuffisante d’ici 2020. La mission est encore loin d’être accomplie, mais la municipalité continue d’y travailler.
À Oakland, en Californie, l’agriculture urbaine vient plutôt en aide aux personnes de milieux défavorisés en leur procurant des produits frais. Les jardins poussent dans les cours et les terrains vagues, et créent des espaces de rassemblement pour la communauté.
Lentement, à coup de pelletées de terre et de bonne volonté, l’agriculture urbaine pourra-t-elle changer notre façon de vivre en ville ou sera-t-elle confinée à l’anecdotique? Le temps nous le dira, mais en attendant, le phénomène prend indéniablement racine.