Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

Monsieur le premier ministre, tiendrez-vous vos promesses aux aînés?

Pendant la dernière campagne électorale, les partis politiques ont formulé de nombreux engagements quant au bien-être des personnes âgées, tant sur le plan de la santé que du travail. Maintenant que les caravanes électorales sont garées pour quatre ans, l’heure est venue de réaliser ces promesses, dont plusieurs sont réclamées par le Réseau FADOQ depuis des années.



De tous les partis politiques, la Coalition avenir Québec (CAQ) n’est pas celui qui a fait le plus d’engagements. Rien de mal à cela, puisqu’un excès de promesses donne l’impression de jouer au père Noël. Mais ce réalisme impose une obligation morale de livrer la marchandise au parti qui forme désormais le gouvernement avec 90 des 125 sièges à l’Assemblée nationale.

Les aînés du Québec ont parfaitement entendu les promesses de la Coalition avenir Québec. Et les 65 ans et plus, qui représenteront presque le quart de la population d’ici la prochaine élection, auront la mémoire longue.

Plus de soutien financier

La promesse de la CAQ qui a fait le plus jaser était aussi la plus précise: quintupler le crédit d’impôt pour soutien aux aînés, qui passerait de 411$ à 2000$. Cette mesure, créée en décembre 2018, s’adresse aux personnes à faible revenu âgées de plus de 70 ans. Ceux dont le revenu annuel est inférieur à 24 195$ toucheront le montant maximal et le crédit déclinera progressivement à zéro pour ceux dont le revenu dépasse 64 195$.

Bien que l’on puisse légitimement se demander comment il se fait que la limite d’âge soit de 70 ans au lieu de 65, il faut admettre que le gouvernement propose enfin une mesure proportionnée à la situation des retraités, dont un très grand nombre vivent sous le seuil de la pauvreté. La mesure touchera 1,1 million de Québécois, pour un total de 1,6 milliard $.

Il restera à voir si le gouvernement ne profitera pas de cette générosité pour resserrer les règles. Actuellement, ce crédit est remboursable, ce qui est réellement à l’avantage de ceux qui ne gagnent pas le Pérou. Et il est même possible de le recevoir par acomptes. Espérons qu’il n’essaiera pas de reprendre de la main gauche ce qu’il donne de la main droite.

La promesse de la CAQ qui a fait le plus jaser était aussi la plus précise: quintupler le crédit d’impôt pour soutien aux aînés, qui passerait de 411$ à 2000$. Photo: Depositphotos

Plus de soins à domicile

L’autre promesse qui a retenu l’attention concerne les soins à domicile. Le premier ministre François Legault et son ministre de la santé Christian Dubé ont surpris un peu tout le monde en introduisant la notion d’hospitalisation à domicile, réclamée depuis longtemps par tout le milieu, et en particulier le Réseau FADOQ.

Sur les 900 millions supplémentaires sur quatre ans que promet la CAQ en matière de soins à domicile, le ministre Christian Dubé veut en engager 235 pour l’hospitalisation, c’est-à-dire les soins médicaux et infirmiers à domicile. Le gouvernement entend procéder de manière graduelle: à la suite du projet pilote de l’Hôpital général juif de Montréal, il implantera d’abord cinq unités à Montréal et à Québec d’ici 2023, avant d’étendre le dispositif à tout le Québec d’ici 2026.

Il s’agirait d’équipes volantes formées de médecins, de pharmaciens et d’infirmières qui feraient les visites à domicile et du suivi virtuel. La mesure ne s’adresserait pas à n’importe qui: le patient devra y consentir, sa condition clinique devra le permettre, il devra avoir un proche aidant à l’aise dans cette tâche, et il faudra qu’il réside dans un périmètre prédéterminé de l’hôpital.

Avec 2 lits par 1000 habitants, le Québec dispose de la plus faible capacité hospitalière du monde occidental et un virage s’impose. À la suite des expériences très positives du projet de soins intensifs à domicile (SIAD) de Verdun, cela faisait des années que le Réseau FADOQ réclamait des soins à domicile complets. Il faut donc se réjouir que le gouvernement de la CAQ veuille «vivre en 2022», pour reprendre l’expression du premier ministre au moment de l’annonce.

Il reste à voir jusqu’où ira la CAQ dans sa nouvelle résolution. Le gouvernement du Québec avait réalisé une première étape importante avec les SIAD, une solution qui a fait ses preuves pour les patients déjà diagnostiqués et dont on dispose de l’imagerie médicale voulue, et qui n’ont pas besoin d’un plateau technique hospitalier.

Malheureusement, le gouvernement a limité sévèrement les SIAD à sept jours de suivi, après quoi le patient doit retourner à l’hôpital pour un nouveau diagnostic. Ce retournement inexplicable et désastreux avait beaucoup nui à la validité du projet SIAD en faisant reculer la santé des aînés, à commencer par ceux qui sont en fin de vie.

Le premier ministre François Legault et son ministre de la santé Christian Dubé ont surpris un peu tout le monde en introduisant la notion d’hospitalisation à domicile. Photo: Depositphotos

Plus de travailleurs expérimentés

Une troisième promesse a découlé de la présentation du cadre financier électoral présenté par le ministre des Finances Eric Girard en présence du premier ministre. Il s’est fendu d’une promesse très avantageuse aux travailleurs expérimentés, à qui il rend optionnelle la contribution à la Régie des rentes après 65 ans. Cette mesure, qui permet une économie d'environ 3000$ par an par personne, représente un excellent incitatif au maintien des travailleurs expérimentés sur le marché du travail, et plus particulièrement ceux de 60 à 70 ans.

À l’heure où le Québec traverse une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, cet incitatif va dans le sens de plusieurs recommandations du Réseau FADOQ afin de répondre à cet enjeu. Il est à espérer que le ministre ne s’arrêtera pas en si bon chemin, et qu’il favorisera d’autres mesures, comme celle de reporter de 70 à 75 ans l’âge obligatoire pour décaisser sa rente. Il devra également assurer une équité entre les indemnités versées aux personnes devenues invalides au travail versus celles devenues invalides sur la route, ces derniers pouvant profiter d’un soutien financier jusqu’à la fin de leurs jours, contrairement aux premiers.

Alors, voilà, les promesses sont faites et chiffrées, et il est maintenant temps de se retrousser les manches.

Certes, le cabinet n’a pas encore été désigné. Il appartient donc au premier ministre de s’assurer que ses promesses figurent en toutes lettres dans les mandats qu’il donnera à ses ministres d’ici quelques jours.

Les aînés vous tiennent à l’œil, monsieur Legault. Et rappelez-vous: les 65 ans et plus constituent 20% de la population générale, mais ils comptent déjà pour plus du quart de l’électorat – et bientôt le tiers. Ça ne peut plus attendre.

 

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Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.