Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

énergie

Hydro-Québec de mal ampère

consommation

Les funérailles de Jacques Parizeau, qui fut un des artisans de la nationalisation de l'électricité, et la nomination du nouveau PDG d'Hydro-Québec, Éric Martel, nous donnent une belle occasion de réfléchir à 53 ans d'«hydro-québécité».

Hydro-Québec aurait bien besoin d'un petit électrochoc. Depuis 2011, les 4,2 millions d'abonnés subissent des hausses de tarifs nettement supérieures à l'inflation et le nombre de débranchements, 62 000, a augmenté de 20 %. Clairement, le monopole d'État cherche à presser le citron aux abonnés, qui commencent à montrer des signes de tension.

Le problème, en fait, vient du gouvernement, dopé au dividende d'Hydro-Québec. D'un côté, l'actionnaire unique d'Hydro-Québec cherche le dividende maximum (2,5 milliards de dollars en 2014, un record). Mais de l'autre, il exige qu'Hydro-Québec fasse du développement régional en la poussant à acheter 5 500 mégawatts d'énergie éolienne, de petites centrales privées ou de cogénération. Cela explique les deux tiers de la dernière hausse de tarifs. L'électrification des transports urbains, autre figure imposée par le gouvernement, coûtera aussi très cher aux abonnés.

Convenons-en : Hydro-Québec continue de livrer un bon service à bon coût, l'un des moins chers du continent. Sa situation ne s'apparente pas du tout à celle de son pendant ontarien, Ontario Hydro, accablé financièrement par une dette incontrôlée qui a poussé les tarifs à la hausse. Mais ce qui a vaincu la société d'État ontarienne, c'est une série de mauvais choix dictés, en partie, par celui qui aurait dû en être le fiduciaire : le gouvernement.

Si le courant passe si mal entre Hydro-Québec et sa clientèle survoltée, ce n'est pas parce qu'elle est un «État dans l'État», comme on l'a dit dans le passé. Ce serait plutôt le contraire. Selon une table ronde sur ce thème au dernier congrès de l'Association francophone pour l'avancement des sciences (ACFAS), la société d'État est «inféodée» aux décisions du gouvernement, qui se contredisent et la mettent dans une position intenable. Le professeur Pierre-Olivier Pineau, grand spécialiste des politiques énergétiques, se demande même si l'actionnaire d'Hydro-Québec n'est pas schizophrène, en exigeant tout et son contraire.

À cet égard, le gouvernement est beaucoup plus respectueux de ses autres grandes sociétés d'État. Comme Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec doit accommoder un double mandat : celui d'offrir le rendement maximal pour les caisses de retraite qu'elle gère ET celui de susciter le développement économique du Québec. La Caisse agit comme elle l'entend, sans interférence du gouvernement. Mais concernant Hydro-Québec, le gouvernement n'est pas capable de résister à la tentation de «jouer dans le moteur».

Des solutions, il y en a. Le nouveau PDG souhaite relancer les activités internationales d'Hydro-Québec, abandonnées progressivement entre 2003 et 2006. C'est une bonne nouvelle. La vente d'électricité dans les marchés voisins s'est avérée moins intéressante que prévu. Il faut trouver autre chose. Une solution serait d'acquérir des intérêts dans des sociétés énergétiques étrangères. Un bon exemple, c'est Électricité de France. Même la Caisse de dépôt en fait beaucoup plus qu'Hydro-Québec dans l'acquisition d'infrastructures énergétiques.

Vu la dépendance du gouvernement pour le dividende d'Hydro-Québec, il serait logique que celle-ci augmente ses activités extérieures plus vite que les tarifs québécois. Pourquoi ne fait-elle rien?

Une autre solution serait sans doute un conseil d'administration plus fort. Il existe déjà une Régie de l'énergie pour surveiller les tarifs, mais il n'existe pas de régie pour surveiller l'actionnaire unique d'Hydro-Québec. Cette tâche devrait en incomber au conseil d'administration, à condition qu'il soit suffisamment éclairé et indépendant pour tenir tête au gouvernement.

Il est d'ailleurs symptomatique que ce conseil d'administration tolère qu'Hydro-Québec soit gérée à la petite semaine et fonctionne sans plan stratégique depuis 2013.

Une des prérogatives du conseil d'administration est la sélection du PDG. Espérons que ses membres ont choisi, avec Éric Martel, un candidat qui saura tenir les pouvoirs publics à distance et orienter Hydro-Québec vers autre chose qu'un plan qui consiste à abuser de sa position de monopole.

 

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Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.