Enfin un pas dans la bonne direction pour les petites RPA
La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a enfin annoncé une bonne nouvelle aux résidents de petites résidences privées pour aînés (RPA) la semaine dernière avec la création d’une «allocation personnalisée» pour les aînés en perte d’autonomie. Afin de rendre ce projet réalisable, la ministre crée également une grille tarifaire nationale qui encadrera le coût des services payés – une évidence longtemps réclamée et longtemps ignorée par Québec. Il faut se réjouir de ce que le ministère réponde enfin à ces deux demandes anciennes du Réseau FADOQ et du milieu des RPA communautaires et des organismes à but non lucratif (OBNL) d’habitation. Mais souhaitons que le gouvernement ne s’arrête pas en chemin, car tout n’est pas encore réglé dans le dossier des RPA.
Depuis cinq ans, plus de 500 RPA avaient fermé leurs portes, dont 80% de petites RPA de 30 unités et moins, situées hors des grands centres pour la plupart. Or, ces fermetures étaient reliées à une série de règles uniformes qui avantageaient les grosses RPA profitant d’importantes économies d’échelles et qui désavantageaient les petites RPA. Les nouvelles mesures viennent corriger ce déséquilibre.
Une évidence enfin reconnue
Cette initiative avait été testée l’automne dernier dans cinq RPA de régions différentes. Devant le succès obtenu, la ministre a décidé de l’élargir immédiatement aux 650 petites RPA du Québec.
Ce programme répond à un problème fort simple: bien des résidents de RPA ont du mal à joindre les deux bouts quand ils tombent en perte d’autonomie. Ils ont certes les moyens de se payer un loyer qui inclut le gîte, les repas et certains services ménagers. Mais dès que la personne tombe en perte d’autonomie, la facture mensuelle peut aisément doubler, voire tripler les sommes à payer mensuellement. Cette situation les force bien souvent à quitter leur village vers les grands centres ou à demander une place en centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Prises entre l’arbre d’une clientèle qui n’a plus les moyens et l’écorce d’un service de plus en plus cher, bien des petites RPA sont obligées de fermer.
Avec ce nouveau programme appelé «allocation personnalisée», le gouvernement assumera la facture pour les soins en cas de perte d’autonomie sévère à concurrence de 20 000$ par an en moyenne par personne (ou environ 1700$ par mois). L’allocation personnalisée pourra varier dans le temps selon la condition de la personne, selon la détermination faite par la RPA – une disposition qui vise à réduire la bureaucratie.
Cette somme sera versée à la résidence sur consentement de la personne traitée. Pour éviter la surenchère, le gouvernement établira une grille tarifaire nationale qui viendra encadrer les prix. Dans la situation actuelle, le coût des actes (prise de sang, rapport médical, lavage, etc.) peut varier du simple au triple selon la RPA et la région, ce qui est évidemment injuste. Mais maintenant que le gouvernement accepte de soutenir financièrement les plus vulnérables, il a clairement décidé de faire le ménage dans ces pratiques tarifaires souvent abusives.
Ce nouveau programme aura plusieurs mérites. Il soulagera à la fois les personnes qui résident dans ces petites RPA communautaires et leurs gestionnaires sous pression. Pour le système de santé, les avantages sont aussi considérables: le programme retardera le transfert en CHSLD de personnes en perte d’autonomie, et il encouragera également leur retour plus hâtif en résidence après une hospitalisation.
La mesure ne coûtera pas les yeux de la tête. En tout, environ 40 millions $ par an pour environ 2 100 personnes (tous les résidents de RPA ne sont pas en perte d’autonomie sévère).
Et cette mesure est réservée aux petites RPA, dont un grand nombre se trouvent hors des grands centres. Celles-ci sont toutes sous pression financière en raison de l’éloignement, de la pénurie de main-d’œuvre et de l’absence d’économies d’échelles. Elles doivent offrir un service de plus en plus coûteux pour une clientèle souvent très vulnérable financièrement. Ces deux mesures mises ensemble – l’allocation personnalisée et la grille tarifaire nationale – feront donc une très grosse différence dans la rentabilité des petites RPA et dans la qualité des services donnés à leur clientèle.
L’enjeu du déploiement
Il faudra cependant voir à l’usage comment ce programme sera déployé. Car celui-ci vient ajouter une couche de complexité dans un bail de RPA déjà complexe.
Par exemple, le programme d’allocation personnalisée ne concerne que les pertes d’autonomie sévères. Or, rien ne dit comment se fera la répartition entre des soins ordinaires ou optionnels (à la charge du résident) et la partie qui concerne une perte d’autonomie sévère (à la charge du programme). En d’autres termes, à partir de combien de bains tombe-t-on dans la perte d’autonomie sévère?
Et il faudra voir qui paiera si la personne demande un soin plus fréquent par exemple. Ou si le CISSS ou le CIUSSS juge que la résidence a surévalué les besoins de la personne. Bref, ce programme se veut non bureaucratique, mais rien ne l’assure.
Agir sur la loi et le règlement
Par ailleurs, en dehors de cette annonce, il subsiste encore de graves irritants légaux et réglementaires qui avantagent honteusement les propriétaires de RPA aux dépens de leurs résidents.
Ainsi, le problème du changement de vocation des RPA demeure entier. En principe, une RPA sera certifiée par le gouvernement si elle offre au moins deux services parmi une longue liste (repas, entretien ménager, soins à domicile, présence d’un médecin, etc.). Or, la loi autorise les propriétaires de RPA à se soustraire à leur certification de manière unilatérale. Après un court préavis, ils peuvent ainsi transformer leur RPA en simples immeubles à logement du jour au lendemain sans pénalité d’aucune sorte. Dans les faits, le gouvernement se trouve à autoriser une rupture de contrat, une situation qui a entraîné la perte de 2 700 places de RPA en 2023.
Mais ce n’est pas tout. La clause F du bail autorise les propriétaires de RPA neuves à refiler les hausses de coûts imprévus sur leur bail sans consultation ni obligation de suivre les règles de la loi du bail. Cette autorisation est valide pour les cinq premières années. Même si le projet de loi 31 de la ministre responsable de l’Habitation France-Élaine Duranceau y apporte quelques correctifs, la clause F est maintenue, ce qui donne lieu à de nombreux abus qui pénalisent les aînés.
Il s’agit de graves déséquilibres dans la loi dont la correction ne coûterait pas un rond au gouvernement, mais ce dernier doit encore faire la preuve qu’il a réellement à cœur la situation des aînés.