COVID-19 et aînés: les douloureuses leçons du passé
En tant que présidente du Réseau FADOQ, la plus grande organisation d’aînés au pays, c’est à contrecœur que je commence cette lettre ouverte par ce fait, inéluctable : des personnes aînées qui ont bâti le Québec moderne se meurent actuellement dans des conditions épouvantables dans des CHSLD et résidences privées pour aînés.
Et c’est avec un goût amer que j’écris ces prochains mots : ces aînés sont des victimes collatérales d’un système de soins de longue durée que l’on savait défaillant bien avant le déclenchement de la crise sanitaire actuelle. La COVID-19, qui s’est propagée comme une traînée de poudre dans les lieux qui hébergent nos aînés, est venue exacerbée de nombreux maux qui étaient présents depuis trop longtemps.
À commencer par les problèmes de ratios personnel en soins/patients. Vous ne tomberez pas des nues en lisant que le Québec manque de personnel soignant depuis des lustres. Les travailleurs du réseau de la santé tiennent le système à bout de bras et à bout de souffle. Il est impossible de rester impassible devant le courage et la détermination de ces travailleurs acharnés qui, même en situation de sous-effectif, tentent d’en faire le plus possible pour que chacun des patients reçoive un minimum de soins décents. Mais ces valeureux bourreaux de travail ont besoin d’aide.
Le Réseau FADOQ demande depuis longtemps la révision des ratios. Depuis longtemps ? Oui, depuis dix ans, notre organisation se bat afin d’inciter les instances gouvernementales à poser des gestes concrets pour enrayer le fléau de la maltraitance envers les aînés qui est étroitement lié au problème des ratios. Nous avons participé à plusieurs consultations au sujet de l’hébergement et des soins de longue durée, consultations qui ont mené à l’élaboration de plusieurs recommandations de la part du Réseau FADOQ, mais à peu d’actions réelles du gouvernement du Québec. Pendant ce temps, les problèmes ont perduré.
Tenez, pas plus tard que le 10 mars dernier, soit trois jours avant l’annonce des premières mesures de confinement, notre organisation déplorait que le budget provincial n’osait pas s’attaquer aux problèmes des ratios en santé. Nous nous disions déçus que le gouvernement n’ait pas pris acte une fois pour toutes des résultats encourageants des projets-pilotes mis en place en 2018, projets-pilotes qui ont connu un tel succès qu’ils ont tous été prolongés au-delà de leur durée prévue initialement. Le premier ministre François Legault a semblé reconnaître ce problème en annonçant le 7 avril l’arrivée d’infirmières et de médecins en renfort dans les CHSLD et les résidences pour aînés. Une prise de conscience salutaire, bien que tardive.
Le Réseau FADOQ espère qu’une telle prise de conscience soit aussi effectuée rapidement au niveau de l’organisation du travail en santé. Les journées sans temps supplémentaire obligatoire nous ont prouvé que les gestionnaires d’établissements de santé peuvent améliorer de façon probante cette organisation du travail afin de la rendre plus humaine et à l’écoute des besoins réels de la population.
Nous savons que le gouvernement du Québec cherche à protéger coûte que coûte nos aînés. Nous le voyons sincère dans ses démarches et nous croyons aux mesures de confinement mises en place. Le Réseau FADOQ espère qu’au terme de la crise actuelle, les instances politiques seront plus sensibles aux enjeux posés par le vieillissement accéléré de la population québécoise. Plus sensibles, et plus mobilisés. Le drame actuel vécu par de nombreux aînés témoigne de la nécessité de freiner l’âgisme latent qui gangrène les perceptions de la classe politique à propos des dossiers relatifs aux aînés.
Des gestes concrets peuvent être posés du côté du gouvernement fédéral avant qu’il ne soit trop tard, avant que nous soyons encore contraints à la réaction plutôt qu’à la prévention. En ce sens, le Réseau FADOQ demande que le Transfert canadien en matière de santé (TCS) soit rehaussé. Autrement, la proportion fédérale consacrée au financement des soins de santé chutera à moins de 20 % d’ici 2026.
De l’inquiétude financière chez nos aînés
Le Réseau FADOQ s’inquiète de la précarité physique de nombreux aînés, et aussi de leur précarité financière. La tempête causée par la COVID-19 laissera dans son sillage une crise économique qui aura des répercussions dramatiques sur la situation financière de nos aînés, particulièrement les plus vulnérables.
Le gouvernement fédéral se targue d’avoir sorti de la pauvreté 73 000 aînés. La réalité, c’est qu’un prestataire de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti aura à peine 18 000 $ pour vivre au cours d’une année. Qu’attend donc le gouvernement fédéral pour mettre en branle sa promesse électorale de rehausser de 10 % le montant des prestations de la Sécurité de la vieillesse pour les aînés ? Face à la baisse des marchés boursiers, qu’attend ce même gouvernement pour annuler les retraits obligatoires des fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) ? Pourrions-nous repousser à 75 ans l’âge à partir duquel il est obligatoire de convertir les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER ) en FERR ?
Et que fera le gouvernement du Canada face aux faillites d’entreprises qui entraineront la terminaison de nombreux régimes de retraite ? Qu’arrivera-t-il aux travailleurs et aux retraités qui devront absorber une perte de rente à cause d’un régime sous-capitalisé ? Le Réseau FADOQ insiste sur la nécessité de mieux protéger les régimes de pensions. Il importe que les caisses de retraite soient élevées au rang de créances prioritaires. Le gouvernement du Québec peut également protéger les travailleurs et retraités en instaurant promptement un régime d’assurance fonds de pension. Notre organisation espère que le ministre des Finances du Québec trouvera un plus grand appétit à ce sujet.
Les amères leçons du passé doivent être réapprises sans cesse, disait l’illustre Albert Einstein. Dans le contexte actuel, nos aînés ne peuvent se permettre d’attendre une énième leçon.