CHSLD: un pas dans la bonne direction
Ce n’était pas Le Festin de Babette, mais la séance de dégustation des nouveaux menus des CHSLD mercredi dernier, sous l’égide du ministre Gaétan Barrette, aura eu le mérite de faire jaser.
Mais la vraie nouvelle, qui a précédé de quelques jours «Le festin de Barrette», aura été l’annonce de l’injection de 65 millions de dollars dans le réseau des 402 CHSLD pour l’embauche de 1150 employés: infirmières, auxiliaires, préposés.
Nous avons servi notre lot de critiques au ministère depuis les affaires des patates en poudre et du bain hebdomadaire. Nous jugeons que le ministère ne va pas assez vite pour redresser la situation. Les petits plats du Dr Barrette seront en vigueur en 2018? La belle affaire! Quand on sait que les résidents ne séjournent en CHSLD que 27 mois en moyenne, les trois quarts de ceux qui y vivent actuellement n’y goûteront jamais.
Mais soulignons-le: cette injection de 1150 employés de plus dans le réseau est tout de même une bonne nouvelle, même si le réseau a besoin du double, voire du triple. Et le fait que le ministre ait organisé un forum sur les meilleures pratiques en CHSLD est un autre signe qu’il se prépare, du moins espérons-le, un redressement pour ce réseau mal en point, malmené par les médias, et qui traîne dans la population une réputation épouvantable — et malheureusement justifiée.
Mais il faudra que l’on sorte du débat répugnant sur les couches, la valeur des repas ou le nombre de bains par semaine. Redisons-le: ce débat est répugnant parce qu’il n’a pas lieu d’être dans une société évoluée.
Il y a 37 000 personnes au Québec en CHSLD: faire passer leur budget alimentaire de 2,17$ par repas à 2,68$ comme cela se fait en Ontario coûterait 54 000$ de plus par jour, soit 20 millions par année. En réalité, il en coûterait beaucoup moins au trésor public puisque les résidents des CHSLD paient pour une partie des services qu’ils reçoivent. Même logique pour les bains et les couches.
Si les CHSLD ont si mauvaise réputation, c’est parce qu’au fond, on a laissé les administrateurs pinailler sur les services de base offerts à une clientèle vulnérable, qui a payé ses impôts toute sa vie et à qui on demande par-dessus le marché de payer un loyer mensuel considérable.
Disons les choses plus crûment: ce n’est pas par choix qu’un aîné salit plus que trois couches par jour ou perd le goût de manger. C’est parce qu’il perd gravement ses moyens.
Nous appelons donc à un changement de mentalité qui fait appel à la compassion plutôt qu’à la comptabilité.
Il est indigne que le réseau des CHSLD veuille ménager sur la nourriture, les couches ou le lavage, pour la même raison qu’on ne s’attend pas à ce qu’un hôpital ménage sur les pansements ou les points de suture. Que l’on cesse de chipoter: ça coûtera ce que ça coûtera. Le Québec fait partie des pays développés: il n’y a pas lieu de rationner les résidents des CHSLD.
Les personnes âgées choisissent d’abord de vivre chez elles aussi longtemps que possible. La plupart passent ensuite par les résidences pour personnes autonomes ou semi-autonomes. Un petit nombre va dans les CHSLD: c’est la clientèle la plus «lourde», celle que les familles ou les résidences ne peuvent accueillir.
Le ministre injecte de l’argent et institue un forum des meilleures pratiques, tant mieux. Certes, les CHSLD se veulent un milieu de vie, mais ils sont de facto un milieu de soins et rien ne justifie le pinaillage et le chipotage sur les soins de base à la personne.
Rien.