Budget 2024: les aînés totalement oubliés
C’est peu dire que le dernier budget fédéral a fait des déçus parmi les aînés, qui ont bien raison de penser que le gouvernement fédéral les abandonne.
Dans la présentation de son budget 2024, la ministre Chrystia Freeland ne répond à aucune des promesses faites aux élections de 2021. Le Parti libéral s’était alors engagé à bonifier le Supplément de revenu garanti. Rien. Il avait également dit qu’il allait créer un crédit d’impôt pour la prolongation de carrière. Toujours rien. On avait aussi promis d’améliorer le crédit d’impôt pour aidant naturel. Encore rien.
Toujours rien.
Rien, toujours.
Les nombreux mémoires du Réseau FADOQ et des autres intervenants et spécialistes sont pourtant très clairs: l’insuffisance des mesures actuelles aggrave la détresse financière des aînés peu nantis, qui s’enfoncent de plus en plus.
Actuellement, une personne de moins de 75 ans ayant droit à la Sécurité de la vieillesse (SV) et au Supplément de revenu garanti (SRG) touche un maximum combiné de 21 345$. Ce plafond est nettement sous la barre de ce que Statistique Canada estime être le seuil de pauvreté au Canada, d’après la «mesure du panier de consommation». Ce seuil oscille au Québec entre 22 329$ et 24 001$ selon le lieu de résidence – un écart de 5 à 12% par rapport au total SV/SRG.
Or, c’est bien le gouvernement fédéral qui assure seul ce premier palier de la retraite, celui auquel ont droit tous les Canadiens. Il y a trois ans, il s’était engagé à augmenter le SRG de 500$ pour les individus et de 750$ pour les couples. Certes, les montants sont indexés à l’inflation, mais les seuils aussi! Ottawa devra donc, un jour ou l’autre, se résoudre à cesser de faire des économies sur le dos des plus pauvres d’entre nous. Clairement, ce sera pour un autre jour.
La chose est d’autant plus désolante que le fédéral maintient sa mesure très contestable de 2022 par laquelle il avait créé deux classes de personnes âgées. Il avait alors augmenté de 10% d’un seul coup la SV pour les Canadiens de plus de 75 ans. Une mesure également dénoncée par le Réseau FADOQ. Or, cette distinction ne se fonde sur aucune étude, alors même que celles-ci démontrent plutôt que la détresse financière n’a pas d’âge et qu’elle est la même à 65 ans qu’à 75. Encore là, rien n’est fait, malgré les cris répétés.
Chrystia Freeland n’a pas non plus levé le petit doigt pour un crédit d’impôt pour prolongation de carrière – autre promesse non tenue. Or, il est prouvé, toutes les statistiques le montrent, que cette solution est l’une des plus efficaces pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, sans compter les bénéfices pour la santé financière, mentale et physique des retraités qui souhaitent maintenir un lien avec le marché du travail. La mesure existe au provincial et connaît de si bons résultats qu’Eric Girard n’y a pas touché dans son dernier budget. L’occasion était belle pour le fédéral qui, encore une fois, rate le coche.
Le problème est un peu différent en ce qui concerne le crédit pour aidant naturel. En apparence, ce crédit d’un maximum de 7 999$ a l’air bien généreux… si l’on fait abstraction de son statut fiscal. Ce crédit est actuellement non remboursable, si bien qu’il ne profite qu’à ceux qui ont un bon revenu. Or, il se trouve qu’une très large part des aidants naturels se trouvent dans les quintiles inférieurs de revenu – et en particulier ceux qui doivent consentir le sacrifice de longues heures. La justice fiscale voudrait que cette iniquité soit résolue en convertissant la mesure en crédit d’impôt remboursable, qui profiterait aux moins nantis. Mais non, toujours rien non plus de ce côté.
De l’action… où ça marche mal
Quand on considère tous ces manquements, ils ont un autre point commun: ils se trouvent tous être à 100% dans les champs de compétence fédérale, là où le pouvoir d’agir d’Ottawa est direct et absolument incontesté.
Voilà qui met en lumière l’absurdité de son action «volontariste» dans des domaines comme la santé et le logement, là où son efficacité sera freinée parce qu’il joue dans la cour des provinces.
Il en va ainsi du futur Régime national (fédéral) d’assurance-médicament que Chrystia Freeland vient d’annoncer. Le Québec peut heureusement se réjouir d’avoir déjà le sien, nettement plus complet et pour lequel il tentera d’obtenir un droit de retrait avec pleine compensation. Mais pour les autres provinces, cette mesure fédérale sera un panier de crabes.
Le gouvernement du Canada réitère également sa volonté d’établir des normes nationales en matière de soins de longue durée. Cette nouvelle irruption du fédéral dans un champ de compétence provinciale viendrait imposer une norme de service sans que son soutien financier, lui, soit garanti à long terme.
La ministre Freeland a frappé l’imaginaire en bricolant une nouvelle solution au problème du logement. Sa grande mesure consiste à profiter du programme de réduction des espaces de bureaux fédéraux pour les convertir en logements. On veut également utiliser les terrains de Postes Canada et de la Défense nationale pour construire du logement.
L’idée est noble, mais si l’on se fie à la manière dont le fédéral a géré l’habitation dans les réserves amérindiennes depuis 150 ans, on est mal barrés.