Livres de la semaine

La pathologiste. Mourir en héros, Élisabeth Tremblay

Avec le polar historique La pathologiste. Mourir en héros, Élisabeth Tremblay vous plonge dans une fascinante enquête sur fond de grippe espagnole.

Le polar historique nous offre parfois de petits plaisirs démodés qui nous rappellent certaines lectures de notre plus ou moins lointaine jeunesse. Les déductions spectaculaires d’un Sherlock Holmes, l’approche psychologique d’un Hercule Poirot ou, encore, l’instinct infatigable du commissaire Maigret ont peuplé notre imaginaire de jeunes lecteurs et lectrices de romans policiers. Mais aujourd’hui, dans un monde marqué par la technologie, le polar s’abreuve largement d’analyses scientifiques, de recherche d’ADN, de reconnaissance faciale, d’appels cellulaires et d’indices cachés dans les réseaux sociaux. Le polar moderne est envahi par la science et la technologie. Comme notre vie! Alors, quand on a la chance d’ouvrir un roman policier historique, malgré quelques moments où nous pourrions être déstabilisés par l’absence de tous ces outils modernes, on arrive à ressentir un certain ravissement à retrouver ses «plaisirs d’autrefois». La pathologiste. Mourir en héros, nous offre cette belle occasion!

L’histoire

En novembre 1918, Lesley Richardson, une jeune médecin faisant office de pathologiste, travaille sans relâche à la fabrication de vaccins pour contrer le fameux bacille de Pfeiffer, responsable de la pandémie. La guerre contre ce minuscule ennemi que l’on a nommé «grippe espagnole» est loin d’être gagnée et les morts s’amoncellent. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, ils viennent se rajouter aux soldats qui, malheureusement, ne reviendront jamais. Le soin qu’elle apporte à ses patients et à ses activités de recherche en laboratoire occupe entièrement sa vie professionnelle. Mais elle adore aussi son rôle de légiste, où elle collabore à certaines enquêtes avec l’enquêteur Morley Vines.

On comprendra facilement qu’au début du 20e siècle, une femme médecin est déjà une incongruité. Si, en plus, elle souhaite s’impliquer pleinement dans des enquêtes de police, la société saskatchewanaise voit cela d’un très mauvais œil. Surtout les autres confrères policiers. Mais notre héroïne possède généralement le caractère et la prestance pour affronter le machisme qui règne au poste de police.

Du point de vue personnel, Lesley vit une relation amoureuse cachée avec sa compagne Lucinda. Bien sûr, dans la bonne société de Régina, pas question de révéler au grand jour cet amour qui doit rester secret.

La guerre vient de se terminer, les survivants souvent traumatisés par ce qu’ils ont vécu rentrent au pays pour se retrouver au cœur d’une épidémie. Ryan O’Neil est un de ces héros, il est revenu chez lui en laissant une jambe sur le champ de bataille. Comme il a toujours refusé de raconter son histoire, personne ne sait ce qui s’est passé. À son retour, il reprend la cordonnerie de son père. Ryan fréquente une jeune femme de bonne famille dont les parents espèrent un mariage plus à la hauteur de leur rang.

Un jour, sa fiancée le retrouve mort dans son bain. Un accident? Rien de plus normal pour un amputé qui aurait perdu l’équilibre. Malgré le consensus qui entoure la thèse de l’accident, la médecin légiste doute de cette conclusion hâtive. Perspicace et observatrice, elle s’imposera dans l’enquête afin de faire ressortir la vérité.

Et nous revoilà replongés dans ces enquêtes d’autrefois: déplacements en calèche, interrogatoires impromptus, analyse visuelle de la scène de crime, traces de pas dans la neige… la pathologiste et son collègue policier détricotent à la main l’écheveau, fil par fil, avec les seuls moyens que leur offrent leur intelligence et leur sens de l’observation. Rien de spectaculaire, et pourtant! On se laisse accrocher par l’intrigue et charmer par la personnalité attachante des deux enquêteurs. On découvre par petites touches les rues et les banlieues proches du Régina de l’après-guerre, et surtout, on assiste au drame humain du retour des soldats. À cette époque, on ne parlait pas encore de syndrome de stress post-traumatique, mais il existait.

Hommage à la Sherlock Holmes de la Saskatchewan

Mourir en héros est une deuxième enquête pour la pathologiste Lesley Richardson. Je n’ai pas lu le premier tome, mais je n’ai pas senti de problème, l’auteure faisant peu référence à la première enquête.

Remarque intéressante pour les amateurs et amatrices d’histoire: ce personnage de médecin légiste a été inspiré par Frances Gertrude McGill, la première femme pathologiste médico-légale canadienne. Durant toute sa carrière, elle a aidé à la résolution de très nombreuses affaires criminelles dans les Prairies, et aussi à dénouer l’énigme de certaines morts suspectes. Son travail lui a d’ailleurs valu le surnom de «Sherlock Holmes de la Saskatchewan». Cette série est une façon pour l’auteure Elisabeth Tremblay de lui rendre hommage.

Un roman découverte

Je vous recommande ce roman pour le plaisir de découvrir un personnage hors du commun, pour vous laisser porter par une enquête tout en douceur et en nuances et pour vous immerger dans une autre époque, un lieu inconnu, mais aussi, pour vous rappeler un souvenir pas si lointain d’une pandémie qui aura changé nos vies. Et pour apprendre comment les gens du début du siècle dernier l’ont vécue. Ce roman nous permet également de découvrir un personnage historique à peu près inconnu ici au Québec, Frances Gertrude McGill, mais qui a eu le courage de défoncer un immense plafond de verre.

Pour terminer, je me fais plaisir en vous offrant sa devise personnelle, inspirante et encore d’actualité. Voici comment cette femme résumait sa philosophie de vie: «Penser comme un homme, agir comme une dame et travailler comme un chien.»

Bonne lecture!

La pathologiste. Mourir en héros, Elisabeth Tremblay. Éditions Flammarion Québec, 294 pages, 2024