Livres de la semaine
Ce que la nuit déposera dans tes mains de Tristan Malavoy
C’est sur invitation de ses éditeurs que Tristan Malavoy est revenu, avec un plaisir qui se sent, vers la poésie. Résultat: Ce que la nuit déposera dans tes mains, un petit recueil dont l’illustration de couverture, une image artistique du disque de Nebra, créée 1 600 ans av. J.-C., est la plus ancienne représentation du cosmos. L’image aux contours non définis, aux planètes flottantes et au cercle infini n’aurait pu être mieux choisie pour habiller ces poèmes qui nous font glisser entre la nuit et l’aube, entre le passé et le présent, dans l’immensité du cosmos de l’univers et celui si intime de l’âme humaine.
Vieille éclipse. Le temps bat dans les genoux. Le hibou chante et retourne à la nuit de tes vingt ans, où pour la première fois tu l’as vu à la fenêtre. L’univers en entier dans l’œil, mais à l’envers.
Réunissant quelques poèmes déjà parus dans d’autres ouvrages et des textes inédits, le recueil qu’on aurait souhaité plus généreux et plus volumineux n’en est pas moins excellent. Une quête de réponses, de lumière et de repères, ciselée en de très courts poèmes dont le rythme nous berce et nous conforte dans cette douce mélancolie que génèrent l’aube ou les souvenirs.
Tu te dis que les plages servent à nous enseigner l’infini. Nous mener au bord du temps, de la raison. Des oiseaux en piqué plongent au fond de toi, la mer dépose à tes pieds ce que tu ne voulais plus voir.
Réunis en trois chapitres, Des rouges anciens, Galaxie M87 et Dans la nuit volatile, les 57 poèmes nous font naviguer en eaux troubles dans un univers intérieur ou cosmique où la transformation, l’infini du cosmos, les miasmes du passé nous questionnent sur notre propre condition.
Aube ou couchant les couleurs sont les mêmes, c’est à s’y méprendre. Ce que tu lisais de mieux en mieux s’envase, coques, staphylins, et soudain c’est ta propre main que tu cherches dans le noir liquide
Malgré le propos, la poésie de Malavoy n’est ni sombre ni lourde; au contraire, elle tend vers la lumière et se lit en une respiration, bien que certaines lignes se dressent tels des spectres du passé.
Tout arrive sauf toi, tes nuits accrochées comme des canettes à tes chevilles. Tes pieds qui ne connaissent que le chiffre huit. Et ta peine qu’on entend venir de loin.
Et comme je le dis toujours pour la poésie, il faut laisser traîner le livre sur un coin de table, à portée de main, et le déguster à petites doses, y revenir encore et encore pour que la musique et le sens des vers deviennent évidence.
Chaude recommandation aux amateurs du genre. Demande à l’auteur: d’autres romans, bien sûr, mais promettez-nous une poésie encore plus abondante. Vous le devez à votre plume virtuose.
Natif de Sherbrooke, Tristan Malavoy habite aujourd’hui Montréal. Il est l’auteur de quelques romans dont Le nid de pierres et L’œil de Jupiter (prix France-Québec 2021), le livre-disque L’école des vertiges (2018) et le recueil de récits Un endroit familier (2022). Il a également dirigé pendant plusieurs années la rubrique Arts et livres du journal Voir. Il dirige la collection Quai no 5 aux Éditions XYZ. Il poursuit actuellement un doctorat en recherche-création à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il a été notre invité au Salon avant le Salon, édition 2020, en Web diffusion que vous pouvez voir ici.