La chronique Bouquiner avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

À lire cet automne!

Devinette: entre août et octobre, en France seulement, combien de romans seront publiés, selon vous? Selon le magazine Livres Hebdo, la rentrée littéraire 2020 présente 511 nouveautés. À cause de la sapristi de COVID, c’est 13 de moins qu’en 2019. Les premières victimes seraient les premiers romans et les romans étrangers.



Au Québec aussi, il y en aura un peu moins que par les années passées, mais rien de trop marqué à en croire le nombre d’amis livreurs qui frappent à ma porte ces jours-ci. Depuis le début du mois d’août, bien que je ne reçoive pas tout, loin de là, j’ai reçu plus de 120 livres, tous genres confondus.

Aussi, chaque rentrée littéraire automnale me fait penser à ces boules de cristal capables de traduire les obsessions de l’air du temps, parfois même assez clairvoyantes pour montrer l’avenir. Normal, c’est l’hypersensibilité de la plupart des meilleurs écrivains et écrivaines et leur intuition qui se révèlent dans leurs histoires. Les titres de cette nouvelle cohorte sont reliés par un fil rouge qui parle de reconstruction après l’acceptation à l’ère de tous les possibles.

Après des parutions fortes du mois d’août, avec des titres comme La fille de la famille (Boréal) de Louise Desjardins, qui nous avait tant manqué, L’œil de Jupiter (Boréal) de Tristan Malavoy, ou encore Les aérostats du côté de l’internationale Amélie Nothomb (Albin Michel), qui a réussi pour une troisième année consécutive à me captiver après des années de petites déceptions, on peut dire que la rentrée de l’automne 2020 a bien commencé en littérature d’ici et d’ailleurs.

Je viens tout juste de terminer Tanite nene etutamin nitassi ? / Qu’as-tu fait de mon pays? (Mémoire d’encrier), une fable philosophique fraichement sortie de l’impression, de An Antane Kapesh, l’auteure de Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite sauvagesse, dont la vie a basculé en 1953 quand le gouvernement a déraciné sa famille de ses terres. Gardienne inspirante de la pensée innue, elle est un modèle pour plusieurs créatrices autochtones, dont Naomi Fontaine, qui a admirablement édité et préfacé ce texte qui m’a bouleversée et que je garde précieusement pour mes enfants.

Septembre ou les 50 opus de Louise Tremblay-d’Essiambre

L’actualité ne nous rassure pas tellement quant à la nature humaine et les romans qui traitent de cruauté ou de folie ne sont pas rares encore une fois cette saison, à commencer en septembre par la sortie du roman Les chiens, la suite de Sauvage, baby de Patrice Godin (Libre Expression), qui n’épargne pas les lecteurs avec des atmosphères tendues, des constats lucides et francs sur certains aspects de l’homme et de ses hommeries.

Je sais aussi qu’est très attendu ce mois-là le nouvel opus de la prolifique Catherine Mavrikakis, soit L’absente de tous les bouquets (Héliotrope), un récit-hommage, l’adresse d’une fille à sa mère disparue, un appel à des temps meilleurs aussi. Ce n’est pas de refus… Faisons-le refleurir, ce monde!

Impossible de ne pas mentionner la parution de Du côté des Laurentides, tome 3: la maison du docteur de Louise Tremblay-d’Essiambre (Guy Saint-Jean), la conclusion de la série de l’auteure qui vend le plus de livres chaque année au Québec et qui fait un doublé en 2020 en lançant aussi en novembre Des nouvelles d’Évangéline, son cinquantième roman. On y trouvera l’un des personnages favoris des lectrices, Évangéline Lacaille. Vous imaginez… cinquante romans pour celle qui a élevé neuf enfants. Pincez-moi quelqu’un. Par chance, elle vit – très bien – de sa plume.

Personnellement, j’ai été envoûtée par l’écriture du premier roman de la poète et nouvelliste de Québec Mireille Gagné. Avec Le lièvre d’Amérique (La Peuplade), elle démontre à sa manière, donc somptueusement, avec finesse et subtilité, à quel point on peut devenir fou à force de vouloir entrer dans les moules de la société de performance. Voilà une lecture bien salvatrice, qui donne de l’air! Gagné ne délaisse pas la poésie pour autant puisqu’elle sort le recueil Le ciel en blocs (L’Hexagone), qui explore un quotidien surréel où la narration est largement confiée à une figurine Lego. Ça promet.

Ce qui promet aussi, bien sûr, c’est le retour de la grande Jocelyne Saucier (Il pleuvait des oiseaux), avec un nouveau roman fort attendu, le 9 septembre, pour être plus précise, et qui s’intitule À train perdu (XYZ), dans lequel on suivra l’histoire de Gladys, née sur un train, qui a parcouru les régions reculées du nord de l’Ontario, et pour qui il deviendra impossible de s’arrêter quelque part, de se poser enfin.

Janette, Simon, Fanny, McSween et… Ti-Mé en octobre

À la fin d’octobre, Janette Bertrand présente Un viol ordinaire (Libre Expression), un nouveau roman dans lequel elle poursuit sa mission de défendre l’égalité entre les hommes et les femmes.

Quand il est question d’adopter une cause, de donner un sens à sa vie, Simon Boulerice n’est pas en reste. Dans Pleurer au fond des mascottes, il se dévoile ici comme jamais. Que cache-t-il derrière ce sourire continuel? Que camoufle-t-il derrière les costumes de mascotte qu’il emprunte ou sous les masques qu’il revêt? D’où vient cette légèreté, pourquoi tant de juvénilité chez lui? La collection III, dirigée par Danielle Laurin chez Québec Amérique, a la particularité de sonder le cœur des écrivains, de laisser aussi un flou volontaire entre la réalité et la fiction.

Pas sûre que Ti-Mé fasse preuve d’autant de profondeur que Boulerice, mais n’empêche que je serais curieuse de le lire sur des sujets d’actualité… Disons que ça aurait de quoi casser le cynisme ambiant, de faire sourire un peu à travers la lourdeur de certains sujets. Dans Réflexions mentales – Nouveau journal d’un Ti-Mé (Leméac), Claude Meunier se met dans la peau de son personnage culte de La petite vie et se demande s’il est lui aussi MeToo, il écrit à John Kennedy, va jusqu’à croire que sa Jac-que-line est une Greta Thunberg senior, s’inquiète de l’Islam et de son «Jihad», s’indigne de la COVID-19… Vous voyez le ton?

S’il y en a un qui nous incite à gérer nos finances aussi parcimonieusement que Ti-Mél le fait avec ses vidanges, c’est bien Pierre-Yves McSween, célèbre comptable québécois qui remet ça après le succès colossal d’En as-tu vraiment besoin?. Cette fois, dans Liberté 45 (Guy Saint-Jean), il propose aux lecteurs un plan infaillible pour s’offrir la liberté financière dès 45 ans. Ouf. J’aimerais y croire…

Très loin de Ti-Mé et de la comptabilité, le nouveau roman de Fanny Britt, qui nous avait donné à lire son tant apprécié premier roman, Les maisons, est du pur délice, car oui, j’ai la chance de l’avoir commencé avant tout le monde. Faire les sucres (Le cheval d’août), c’est l’histoire de l’effondrement du bonheur, ou de l’idée qu’on s’en fait, lorsqu’un accident survient pendant les vacances d’un couple à qui tout semble réussir, entrainant en même temps la dislocation de ces âmes sœurs ainsi que des valeurs de réussite qu’ils entretenaient jusque-là. En contrepoint, une jeune femme prénommée Célia, qui raconte sa version de l’affaire, qui l’implique.

Les valeurs sûres de novembre

Classique du mois de novembre, Michel Tremblay revient. Cette fois, c’est avec Victoire (Leméac), qui nous plongera en 1898, alors qu’après sept ans passés au couvent pour devenir religieuse, Victoire, qui perd la vocation, doit rentrer au bercail. C’est une autre grande voix féminine qu’il nous donne à lire et qui risque d’en émouvoir plusieurs.

Sur une note peut-être moins habituelle qu’à l’accoutumée, ont fait part ses éditeurs dans un communiqué de la rentrée, Kim Thuy est de retour à Bouquinville avec EM (Libre Expression), qui serait «moins intimiste, plus audacieux et plus brutal» que ce à quoi elle a habitué ses lecteurs. On inscrit la date du 4 novembre à notre calendrier.

J’aurais pu vous écrire un texte de 12 000 mots au sujet d’autres titres forts de la rentrée… Question de ne pas alourdir votre lecture, voici donc, sans chronologie particulière, de manière plus brève, quelques autres titres d’ici et d’ailleurs attendus au cours des prochaines semaines.

SEPTEMBRE

La vie mensongère des adultes de Elena Ferrante (Gallimard)

Fille de Camille Laurens (Gallimard)

La menthe et le cumin de Pascale Navarro (Leméac)

Le livre inachevé de l’orgueil des rats de René-Daniel Dubois (Leméac)

Maquillée de Daphné B. (Marchand de feuilles)

L’avenir de Catherine Leroux (Alto)

Cœur vintage de Émilie Bibeau (Cardinal)

2030 de Philippe Djian (Flammarion)

Quichotte de Salman Rushdie (Actes Sud)

Le crépuscule et l’aube de Ken Follet (Robert Laffont)

C’est arrivé la nuit – 1er de 9 tomes de Marc Lévy

Rayonnements de Ying Chen (Leméac)

Albert Cohen-Marcel Pagnol, une amitié solaire de Dane Cuypers (De Fallois)

Bermudes de Claire Legendre (Leméac)

Rachel et les siens de Metin Arditi (Grasset)

Ce qui plaisait à Blanche de Jean-Paul Enthoven (Grasset)

L’homme aux trois lettres de Pascal Quignard (Grasset)

Les démons de Simon Liberati (Stock)

Fantaisie allemande de Philippe Claudel (Stock)

Un crime sans importance de Irène Frain (Seuil)

Rumeurs d’Amérique de Alain Mabanckou (Plon)

Nos frères inattendus de Amin Maalouf (Grasset)

Le sel de tous les oublis de Yasmina Khadra (Julliard)

OCTOBRE

Yoga d’Emmanuel Carrère (P.O.L)

Nature morte au couteau de Anne-Marie Desmeules (Le Quartanier)

Être bien de Julie Bélanger (Cardinal)

Élisa et son double de Micheline Lachance (Québec Amérique)

Simone Simoneau – Chronique d’une femme en politique de Valérie Plante et Delphie Côté-Lacroix BD (Quai no5)

Le temps gagné de Raphaël Enthoven (de L’Observatoire)

Au risque de la vie de Maryse Wolinski (Seuil)

Ma vie de cafard de Joyce Carol Oates (Philippe Rey)

La femme à la fenêtre (nouvelles) de Joyce Carol Oates (Philippe Rey)

Et si on arrêtait de faire semblant? de Jonathan Franzen (Éd. de L’Olivier)

Quand un fils nous est donné de Donna Leon (Calmann-Lévy)

Mario-Lemieux, bonjour de Michèle Nicole Provencher (La Mèche)

NOVEMBRE

Trois mois tout au plus de Josélito Michaud (Libre Expression)

Mille secrets mille dangers de Alain Farah (Le Quartanier)

L’Ickabog de J.K. Rowling (Gallimard jeunesse)